mercredi 24 juillet 2013

Projet de loi " affirmation des métropoles" :Seconde lecture au Sénat en septembre

Après quatre jours de discussion en séance publique, les députés ont adopté par 294 voix contre 235 le projet de loi sur la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, mardi 23 juillet 2013. Des nouveautés importantes sont à souligner par rapport au texte adopté par le Sénat il y a un mois et demi. La Gazette en a sélectionné quatre. Le projet de loi doit maintenant être discuté en seconde lecture au Sénat à la rentrée.

1. Election au suffrage universel direct pour les conseillers des métropoles
L’Assemblée nationale a entériné, par 61 voix contre 45, l’élection au suffrage universel direct à partir de 2020 des conseillers communautaires des métropoles. Cette disposition relève d’un amendement de dernière minute du gouvernement. Une loi ultérieure précisera les modalités de cette élection, a précisé la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu.
Une démarche aux antipodes de la confiance - Les écologistes, qui réclamaient une telle mesure depuis le début des débats, se sont dits satisfaits d’avoir été entendus. Mais la droite et le Front de gauche ont conjugué leurs voix pour dénoncer tant la forme que le fond de cette décision qu’ils considèrent comme « un coup de force » du gouvernement. Jacques Pélissard, député-maire (UMP) de Lons-le-Saunier et président de l’Association des maires de France (AMF), a vivement réagi, et notamment sur la méthode adoptée. Le parlementaire a dénoncé « l’absence de concertation sur un sujet aussi important pour l’avenir des communes membres de métropoles ». « C’est une démarche aux antipodes de la confiance », a-t-il fait remarquer, au moment où l’on parle de « construire une nouvelle relation de confiance et de dialogue ».
L’ancien ministre Patrick Ollier (UMP) a accusé Marylise Lebranchu de « marcher allègrement sur les droits du Parlement » et a souligné que le gouvernement « préparait la mort annoncée des maires et des communes alors qu’il passe son temps à dire que les communes sont nécessaires à la démocratie ».
2. Création d’un observatoire de la gestion publique locale
Les membres du Palais Bourbon ont par ailleurs voté la création d’un Haut conseil des territoires (HCT), instance de concertation entre l’Etat et les collectivités, vue comme « une réelle avancée », par Jacques Pélissard, à condition de « resserrer sa composition », d’améliorer sa représentativité et d’élargir ses compétences. Présidé par le Premier ministre, ce Haut conseil associera représentants du gouvernement, du Parlement et de chaque catégorie de collectivités territoriales.
L’Assemblée nationale a décidé, sur proposition de Jacques Pélissard, que ce Haut conseil pourra être saisi par le président de l’AMF, celui des départements de France (ADF) et des régions de France (ARF). Il pourra être consulté sur la politique du gouvernement à l’égard des collectivités territoriales, sur la programmation pluriannuelle des finances publiques, et apporter au gouvernement son expertise sur les questions liées à l’exercice de leurs compétences par les collectivités.
Démocratie administrative parallèle - Les députés de l’opposition se sont dits « inquiets » face à l’apparition d’une strate supplémentaire. « Vous engendrez un monstre technocratique, une sorte de démocratie administrative parallèle », a soutenu Sylvain Berrios (UMP). « Vous créez un Haut conseil, qui va lui-même créer des commissions, lesquelles vont se réunir régulièrement », a ajouté Etienne Blanc (UMP), qui a demandé sa suppression. « Vous créez donc une structure, un appareil complexe, au service de la décentralisation, dont vous défendez fortement la cause. En réalité, ce Haut conseil traduit votre volonté de recentraliser ce que vous nous dites aujourd’hui vouloir décentraliser. » Jacques Pélissard, de l’opposition également, a néanmoins défendu la création de cette instance car « la rencontre entre ces différents niveaux territoriaux en charge de la gestion globale de l’Etat paraît indispensable ».
Sur proposition du gouvernement, les députés se sont aussi prononcés pour la création d’un « observatoire de la gestion publique locale » qui sera rattaché au HCT. L’une de ses fonctions-clés sera « de favoriser l’échange d’informations et la mise en place de systèmes d’informations statistiques communs entre l’Etat, les collectivités et les autres acteurs, notamment les organismes payeurs de prestations sociales », a expliqué Marylise Lebranchu. Composé de fonctionnaires de l’Etat et des collectivités, cet observatoire sera chargé de collecter des données sur la gestion des collectivités, d’assurer le traitement de ces données et la diffusion de ces travaux afin de favoriser le développement de bonnes pratiques. Il réalisera, à la demande des collectivités ou du HCT, des évaluations de politiques publiques locales ainsi que des missions d’expertise et d’audit.
3. Le Grand Paris réintégré
Le Grand Paris, qui figurait dans le projet initial et que le Sénat avait torpillé, retrouve une place dans le texte issu de l’Assemblée nationale à la suite d’une proposition de la commission des lois. La nouvelle structure (EPCI) entrera en vigueur début 2016. Elle regroupera la capitale et l’ensemble des communes des départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne). La métropole sera administrée par un conseil composé pour un quart de représentants du Conseil de Paris et pour trois quarts de ceux des conseils municipaux des autres communes.
Elle aura en charge les questions d’habitat, d’environnement et d’aménagement, tandis que les transports continueront à relever de la région Ile-de-France. Elle devra, entre autres, établir un plan climat-énergie métropolitain en cohérence avec les objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique et de production d’énergie renouvelable. La métropole du Grand Paris devra également élaborer un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement. Les règles budgétaires seront établies par le gouvernement par ordonnance dans les 18 prochains mois.
Les socialistes ont voté pour la création de cette nouvelle entité, qui remédiera selon eux au « morcellement » et à la « complexité » de l’organisation territoriale en Ile-de-France. L’UMP, l’UDI (démocrates) et le Front de gauche ont voté contre, condamnant, là aussi, « un monstre technocratique » générateur de « doublons ». Écologistes et radicaux de gauche se sont abstenus.
Beaucoup d’interrogations demeurent - « Beaucoup d’interrogations demeurent sur le fonctionnement de cette gouvernance », a soutenu Patrick Ollier. Il n’est pas suffisamment précis ni juridiquement bordé. » « Il n’est pas possible, dans notre pays, dans notre démocratie, d’engager un tel big bang institutionnel pour la région Ile-de-France en introduisant subitement un amendement gouvernemental à mille lieues de l’intention initiale que le gouvernement défendait au Sénat dans son projet initial, a soutenu pour sa part François Asensi (GDR). Aucune consultation n’a eu lieu sur cet amendement. Nous avons été tout simplement baladés. »
4. Pour le monde rural : des pôles d’équilibre et de coordination territoriaux
Afin que « l’organisation territoriale de la République marche sur ses deux pieds », les députés ont voté la mise en place de pôles d’équilibre et de coordination territoriaux (PECT). Les sénateurs avaient introduit la possibilité de créer des pôles ruraux d’aménagement et de coopération, mais les députés en ont changé l’appellation afin de dépasser l’opposition rural/urbain.
Ils ont également précisé et étendu les compétences des anciens pôles ruraux considérés comme trop « restrictifs ». « Il convient de fédérer ces territoires, de leur donner la capacité de créer des coopératives d’établissements publics intercommunaux », a soutenu Florent Boudié (PS), rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. L’objectif est ainsi de développer les velléités de mutualisation entre EPCI et de renforcer les démarches volontaires de coopérations intercommunautaires.
Conférence des maires – Ces PECT correspondent à des établissements publics constitués par accord entre plusieurs EPCI à fiscalité propre au sein d’un périmètre d’un seul tenant et sans enclave, correspondant à un bassin de vie ou à un bassin de population. Ils sont organisés sous forme de syndicats mixtes. Dans les dix-huit mois suivant sa mise en place, le PECT élabore un projet de territoire qui a pour objet de définir les conditions d’un développement économique, écologique, culturel et social du périmètre du pôle.
Une conférence des maires a également été instituée sur amendement de Cécile Untermaier (PS). Cette conférence, composée des maires des communes du pôle ou de leurs représentants, sera consultée lors de l’élaboration et de la modification du projet de territoire.
Les associations d’élus très critiques
Dans des communiqués de mardi 23 juillet, l’Association des maires de France (AMF) ainsi que son homologue des régions (ARF) se montrent très critiques face à ce projet de loi. Concernant les métropoles bien sûr. « La compétence essentielle du développement économique reste émiettée et fragmentée. La reconnaissance du fait métropolitain ne doit pas remettre en cause la cohérence des politiques régionales en matière de filières et d’aide aux entreprises, de soutien à l’innovation ou de pilotage des pôles de compétitivité », souligne ainsi l’ARF. « L’AMF a toujours défendu une construction intercommunale forte au service des habitants qui ne nécessite absolument pas la création d’un niveau de collectivité supplémentaire. Elle rappelle son attachement aux principes de gestion mutualisée, de subsidiarité et de complémentarité, dans une logique de maîtrise des dépenses publiques souvent absente des débats. » Par ailleurs, selon l’association, « l’institution d’une DGF territoriale ou le transfert des impôts ménages exige que toutes les communes aient donné leur accord avant de devenir totalement dépendantes de la fiscalité métropolitaine et rompre tout lien financier direct avec l’Etat ».
Et l’AMF rappelle sa « ferme opposition à l’attribution automatique par la loi de la compétence PLU aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, inscrite dans le projet de loi ALUR [à l’origine prévue dans le troisième projet de loi de décentralisation, ndlr]. Un PLUi ne peut être en effet que la traduction d’un projet politique partagé entre les communes et porté par les élus. »
Les communes et les maires se trouvent « fragilisés » selon l’AMF, qui met par ailleurs « en garde contre la vision dogmatique qui considère comme un progrès d’éloigner les citoyens de leur collectivité de proximité ».
« Bilan mitigé », « un pas en avant, un pas en arrière », « l’ambition portée par le président de la République d’un véritable Acte 3 de la décentralisation est bien loin d’être satisfaite »… L’ARF n’est pas tendre non plus face à ce projet de loi nouvelle version. Les conférences territoriales de l’action publique ne lui conviennent pas. « Les CTAP ne doivent pas être une instance supplémentaire venant ralentir et renchérir le temps et le coût de l’action publique. Et si la présence de l’Etat peut y être nécessaire lorsqu’il est directement concerné (comme par exemple lors de délégations de compétences de l’Etat vers une collectivité), on peut s’interroger sur le rôle que souhaite donner le gouvernement à la CTAP, qu’il a toujours présentée comme une instance de dialogue entre collectivités. »
Les autres principales dispositions du projet de loi
Une métropole pour Lyon
Les députés ont aussi voté la création, début 2015, de la métropole de Lyon, fusion de la communauté urbaine de Lyon et de la portion du département du Rhône situé sur le périmètre urbain, et qui avait déjà obtenu l’aval du Sénat. L’idée de cette entité avait été lancée fin 2012 par deux sénateurs, le maire de Lyon Gérard Collomb (PS), et Michel Mercier (UDI), alors président du conseil général du Rhône. Comme pour Paris, UMP et Front de gauche ont demandé la suppression de l’article créant la métropole.
Une métropole pour Aix-Marseille-Provence
La métropole d’Aix-Marseille-Provence a également été adoptée. Elle avait déjà été votée en première lecture au Sénat avec l’appui du sénateur-maire (UMP) de Marseille, Jean-Claude Gaudin. Le projet prévoit la création d’une nouvelle entité de 1,6 million d’habitants qui se substituera aux six intercommunalités existantes.
Les métropoles de droit commun
Les métropoles de droit commun, qui seront créées par décret, seront Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier et Brest. Elles s’ajouteront à la métropole de Nice, la seule actuellement existante, et à celles de Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence, qui disposeront de statuts spécifiques. Elles se substitueront aux intercommunalités existantes et disposeront de compétences étendues (développement économique, tourisme, transports, habitat, environnement, eau, etc.).
Le projet de loi rend automatique la transformation en métropoles des intercommunalités de plus de 400 000 habitants si elles se situent au centre d’une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, ou sont des capitales régionales.
Le député-maire d’Orléans, Serge Grouard (UMP), a regretté dans le débat le caractère restrictif de ces critères, en soulignant que « tout le centre de la France n’aura aucune métropole ». « Etre métropole à n’importe quel prix ne doit pas être l’objectif », lui a répondu la ministre Marylise Lebranchu, en soulignant la complémentarité entre la métropole parisienne et les communautés urbaines du centre de la France.
Le stationnement dépénalisé
L’Assemblée a également voté la dépénalisation du stationnement, déjà votée par le Sénat, qui permettra aux maires de fixer à la fois le prix du stationnement et l’amende qui sera infligée par le conducteur qui ne l’aura pas payée.
Pour le sénateur à l’origine de cette mesure, Jean-Jacques Filleul (PS), le cadre juridique actuel est inadapté « puisque la sanction du non-paiement est une amende pénale dont le montant est uniforme sur tout le territoire, sans lien ni avec le lieu, ni avec le tarif de stationnement pratiqué ». « Peu dissuasive à Paris, elle est excessive dans nombre de petites communes », juge-t-il. Le prix des amendes de stationnement était passé à 17 euros le 1eraoût 2011, alors qu’il était resté à onze euros depuis 1986.
Les députés ont par ailleurs retiré au préfet de police, au profit du maire de Paris, le soin de gérer la circulation et le stationnement sur les grands axes routiers de la capitale (boulevard périphérique, voies sur berge, axes au débouché des autoroutes et routes nationales, et principaux axes Nord-Sud et Est-Ouest).
Les commissions des lois et du développement durable de l’Assemblée avaient introduit dans le projet de loi une disposition donnant au maire de Paris, qui a déjà autorité sur les autres rues de la capitale, la police de la circulation et du stationnement sur ces grands axes. Du fait du front commun des députés parisiens (PS, écologistes et UMP), l’Assemblée a rejeté un amendement du gouvernement qui voulait supprimer cette disposition.
L’Epadesa dissous
Les députés ont enfin voté un amendement écologiste demandant la dissolution de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche (Epadesa). Denis Baupin (Écologiste) et Alexis Bachelay (PS) ont présenté chacun un amendement demandant la dissolution de l’Epadesa, créée en 1958, en arguant que sa raison d’être avait disparu puisque « l’essentiel des opérations de construction » du site sont désormais achevées. Un amendement analogue avait été déposé lors de la lecture au Sénat, a rappelé la députée FG Jacqueline Fraysse, mais avait été finalement retiré à la demande du gouvernement.
Marylise Lebranchu a réitéré vendredi 19 juillet dans l’hémicycle son opposition à la dissolution de l’Epadesa, rappelant qu’elle s’était « engagée », au Sénat, « à ce que l’on reprenne le dossier ». Elle a du reste demandé à nouveau que MM. Bachelay et Baupin retirent leurs amendements. Au moment du vote, le premier, celui de M. Baupin, a été adopté à mains levées. Le président de séance, Christophe Sirugue (PS), n’a pas fait voter le second amendement, celui de M. Bachelay, et a rapidement embrayé sur l’article suivant.
Au groupe écologiste, on ne cachait pas que l’amendement avait peu de chances de survivre à la navette parlementaire. Le projet de loi doit, en effet, être examiné en seconde lecture au Sénat, à la rentrée. L’Epadesa avait été au centre d’une polémique en 2009 lorsque Jean Sarkozy, fils de l’ancien président, avait envisagé de le présider.


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