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La Cour des comptes a averti jeudi 27 juin 2013 le gouvernement
que le déficit public risque de déraper en 2013 et développé
des "pistes" d'économies parfois iconoclastes pour 2014-2015.
Notamment le maintien du gel du point d'indice en 2015 et
une réduction supplémentaire du nombre de fonctionnaires.
Si la croissance française était plus basse en 2013 que le taux de 0,1 % prévu par le gouvernement, comme l’annoncent la Commission européenne, le FMI et l’Insee, “le déficit public effectif pourrait se situer entre 3,8 et 4,1 % du PIB” en fin d’année au lieu des 3,7 % espérés par l’exécutif, affirme la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
La France qui s’était engagée auprès de ses partenaires européens à ramener ses déficits à 3 % de son produit intérieur brut dès 2013, a obtenu deux ans de délai pour atteindre cet objectif. Minée par une croissance nulle, elle a désormais jusqu’à 2015 pour passer sous la barre des 3 %.
Pour 2013, si les dépenses devraient être contenues, grâce notamment à la “réserve” prévue en début d’année pour compenser les dérapages à l’exécution, la situation est différente du côté des recettes, observe la cour.
Pour 2013, si les dépenses devraient être contenues, grâce notamment à la “réserve” prévue en début d’année pour compenser les dérapages à l’exécution, la situation est différente du côté des recettes, observe la cour.
“Hors révision de la croissance économique, la Cour a identifié des risques sur le produit des recettes qui peuvent représenter, dans l’hypothèse élevée, jusqu’à 6 milliards d’euros, soit 0,3 point de PIB”, a précisé le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
Le rendement de la TVA et de l’impôt sur les sociétés annoncé par le gouvernement est notamment mis en cause.
Le rendement de la TVA et de l’impôt sur les sociétés annoncé par le gouvernement est notamment mis en cause.
“Importantes marges” - Pour autant, M. Migaud a estimé que “la moitié du chemin de redressement a été parcourue” en termes de réduction du déficit structurel (hors aléas de conjoncture).
A condition que le gouvernement tienne strictement “l’effort programmé, le plus important de notre histoire budgétaire récente” en 2013, il a jugé inutile d’envisager de nouvelles mesures de rigueur cette année.
A condition que le gouvernement tienne strictement “l’effort programmé, le plus important de notre histoire budgétaire récente” en 2013, il a jugé inutile d’envisager de nouvelles mesures de rigueur cette année.
Concernant 2014 et 2015, M. Migaud a en outre rappelé que l’effort prévu par le programme de stabilité présenté en avril, de “1,6 point de PIB au total, s’il est moins important que celui de la seule année 2013 représente une exigence forte”. Dans son rapport, la Cour estime que les économies de 28 milliards dans les dépenses à réaliser ces deux années devraient être “réparties entre toutes les administrations publiques”.
A ce propos, M. Migaud a dit regretter que le gouvernement n’ait pas fourni le détail des économies qu’il souhaitait effectuer.
A ce propos, M. Migaud a dit regretter que le gouvernement n’ait pas fourni le détail des économies qu’il souhaitait effectuer.
Un sur six - La cour dresse néanmoins un “éventail de réformes possibles” en s’appuyant notamment sur les rapports thématiques qu’elle a réalisés récemment. Une des pistes les plus explosives concerne les fonctionnaires dont le point d’indice doit être gelé pour tenir l’objectif de ralentissement de la dépense.
Mais si le gouvernement veut mener “une politique dynamique de gestion des ressources humaines”, il lui est proposé de troquer le gel du point d’indice contre une réduction du nombre de fonctionnaires, par exemple en n’en remplaçant pas un sur six partant à la retraite.
Mais si le gouvernement veut mener “une politique dynamique de gestion des ressources humaines”, il lui est proposé de troquer le gel du point d’indice contre une réduction du nombre de fonctionnaires, par exemple en n’en remplaçant pas un sur six partant à la retraite.
À court terme, un freinage de la masse salariale pour l’ensemble des administrations publiques ne peut être obtenu qu’au moyen d’une action sur la valeur du point de la fonction publique. L’augmentation de 1 % de la valeur du point accroît mécaniquement la masse salariale de près de 1,8 Md€, dont environ 750 M€ pour l’État, 600 M€ pour les administrations publiques locales et 400 M€ pour les hôpitaux publics. À court terme, sans toucher aux autres déterminants analysés plus loin, la poursuite du gel du point en 2014 et 2015 est le seul instrument techniquement et rapidement utilisablepour freiner partiellement la hausse tendancielle de la masse salariale.Une réduction supplémentaire de 10 000 ETPcorrespondrait, pour l’ensemble de la fonction publique de l’État, au non remplacement d’un départ à la retraite sur six et à une diminution de 0,5 % du nombre total des agents. Cette réduction étant dictée par le souci de préserver des marges de progression des rémunérations pour l’ensemble des fonctionnaires, il serait logique qu’elle trouve à s’appliquer à l’ensemble des ministères. Compte-tenu des conséquences que les évolutions des effectifs sont susceptibles d’avoir sur le quantum et la qualité du service public rendu, elle devrait s’accompagner, au-delà de la redéfinition du périmètre des missions dévolues à certains services de l’État, d’une réflexion sur l’augmentation du temps de travail effectif des agents.
Une “moindre revalorisation de certaines prestations sociales, à l’exception des minima sociaux” mais aussi “un ciblage plus pertinent des dispositifs d’aide à la presse, d’aide aux buralistes, de certaines aides au logement ou encore dans le secteur de la formation professionnelle continue”, figurent également parmi les préconisations dans lesquelles le gouvernement est appelé à piocher.
Le poids du déficit des retraites dans les comptes sociaux étant, selon la Cour des comptes sous-estimé par les pouvoirs publics, elle préconise par ailleurs, pour résorber la dette sociale au plus tard en 2025, “des mesures de rééquilibrage à effet immédiat d’un impact au moins égal à 20 milliards sur le solde annuel du régime général (de la Sécurité sociale, NDLR) à l’horizon 2017″.
Cela représente “de nouveaux efforts cumulés de 5 milliards par an pendant 4 ans”, et doit concerner en particulier les branches vieillesse et maladie de la Sécurité sociale, calcule-t-elle, soit des efforts plus importants que ceux envisagés par le gouvernement.
Cela représente “de nouveaux efforts cumulés de 5 milliards par an pendant 4 ans”, et doit concerner en particulier les branches vieillesse et maladie de la Sécurité sociale, calcule-t-elle, soit des efforts plus importants que ceux envisagés par le gouvernement.
Affirmant “partager les grandes lignes des analyses” de la Cour, le ministère de l’Économie a estimé dans sa réponse écrite que si “l’environnement économique demeure très incertain en 2013″, il était “encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur l’évolution des recettes sur l’ensemble de l’année 2013″.
Malheureusement la Cour dit vrai - Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a aussi déclaré jeudi que, “malheureusement, du fait de l’absence de croissance”, la Cour des comptes avait raison de craindre un dérapage du déficit public en 2013 par rapport aux prévisions.
Interrogé sur la mise en garde de la Cour des comptes, le chef du gouvernement, en déplacement à Fort-de-France, a déclaré : “Je pense que, pour 2013, malheureusement, du fait de l’absence de croissance, ce que dit la Cour des comptes est vrai. Mais, à la fin de l’année, nous verrons.”
“La Cour des comptes est indépendante. Elle fait ses observations, elle donne son diagnostic, mais ce n’est pas elle qui fait la politique du gouvernement”, a toutefois ajouté M. Ayrault. “C’est au gouvernement, avec le Parlement, de trouver les bonnes solutions.”
“La Cour des comptes est indépendante. Elle fait ses observations, elle donne son diagnostic, mais ce n’est pas elle qui fait la politique du gouvernement”, a toutefois ajouté M. Ayrault. “C’est au gouvernement, avec le Parlement, de trouver les bonnes solutions.”
RÉFÉRENCES
Le rapport complet
Conférence sociale 2013 : une réflexion sur le service public de demain
Martine Doriac •26 juin 2013
Axée sur l’urgence en matière d’emploi et de formation, la conférence sociale organisée les 20 et 21 juin 2013 au Palais d’Iéna à Paris s’est peu intéressée à la fonction publique, si ce n’est à travers la table-ronde sur la modernisation de l’action publique.
Organisée en deux temps autour des missions et valeurs du service public, la cinquième table ronde de la seconde « grande conférence sociale » a fait le bilan, le jeudi, de ses évolutions et de sa contribution au développement économique et à la cohésion sociale.
Le vendredi matin, elle s’est intéressée à sa simplification, son adaptation et son potentiel d’innovation, numérique notamment. En préliminaire, pour déminer le terrain, la ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, a annoncé qu’un rendez-vous aurait bien lieu mi 2014 pour discuter de l’évolution du point d’indice, contrairement à ce qui avait été repris quelques jours auparavant dans les médias.
Les organisations patronales soucieuses de la cohésion sociale portée par le service public
« Facilité » par Gilbert Santel, ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique (1998-2001), le débat réunissait pour la première fois des représentants de l’Etat, des collectivités locales, des organisations syndicales mais aussi – nouveaux interlocuteurs du dialogue social public – des représentants des trois organisations patronales, le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union professionnelle artisanale (UPA). « Pour parler d’action publique, ce n’était pas inintéressant d’avoir en face de nous une catégorie d’usagers professionnels, parfois prestataires de service public, qui apportaient un autre regard » relevait dès la premier journée, Brigitte Jumel, secrétaire générale de l’Union des fédérations de la fonction publique et assimilés (UFFA)-CFDT.
La compétitivité incompatible avec l’égalité d’accès au service public
Si toutes les organisations syndicales ont salué la présence patronale, elles se sont montrées plus critiques sur les termes du débat : alors qu’un consensus se dessinait sur l’attachement au service public à la française et à ses valeurs d’impartialité et d’accessibilité sur l’ensemble du territoire, les notions de rentabilité et de compétitivité introduites dans la discussion étaient loin de faire l’unanimité.
« Le Medef veut un service public au service de la cohésion sociale mais aussi de la compétitivité. Il s’agit de diminuer le coût du travail » notait Baptiste Talbot, secrétaire général de la fédération des services publics CGT, à l’issue de la conférence. « Le patronat considère qu’un service public doit être rentable et compétitif, ce qui est incohérent avec la notion de service public. Nous avons eu un débat intéressant sur le prix et le coût des services publics. L’école est gratuite, mais elle a un coût. Soit on va vers la gratuité de tous les services publics, soit on décide que certains ont un prix, à condition que le coût global soit pris en charge par la solidarité » soulignait Denis Turbet-Delof, secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires.
Usagers ou clients ?
« On a rappelé que le service public avait un coût, mais qu’on estimait que c’était normal. Heureusement qu’un malade qui va à l’hôpital est soigné ou que les pompiers viennent éteindre l’incendie quand sa maison brûle. Si un coût doit être partagé entre l’usager et l’Etat ou les collectivités, il n’y a plus d’usagers mais des clients » expliquait de son côté Christian Grolier secrétaire général de la fédération générale des fonctionnaires FO .
Avis partagé par Patrice Beunard, président du SNSPP-CFTC, selon lequel « si c’est pour mettre en concurrence le service public avec un service marchand, on n’ira pas loin dans les territoires ruraux. Cela pose un problème d’égalité d’accès au service public. On ne peut pas parler de productivité dans la santé, la sécurité des personnes, le nettoiement ou le travail des égoutiers ». Didier Bourgoin, secrétaire général du Snuclias-FSU se disait, lui, déçu et inquiet face à des frontières qui risquent de devenir plus perméables au secteur privé, sous couvert de compétitivité des territoires.
Les artisans et commerçants attachés au service public de proximité
Se démarquant des positions du Medef et de la CGPME, l’Union professionnelle artisanale a, quant à elle, affirmé son attachement au service public de proximité. « On considère que le service public, c’est très important, y compris en zone rurale car cela contribue à la compétitivité des entreprises et en particulier des plus petites, celles de l’artisanat et du commerce de proximité » confirmait Pierre Burban, secrétaire général de l’UPA. A la fin de la conférence sociale il disait préférer le mot efficience à celui de compétitivité. Et face à ce qu’il appelle le « maquis » des différents niveaux territoriaux, son organisation se prononce pour des réformes qui laisseraient place à une organisation mutualisée préservant la présence de proximité des administrations, sur le modèle de la réforme en cours dans les Urssaf. Dans cette réflexion sur le service public de demain et ses nécessaires adaptations – auxquelles les organisations syndicales ne sont pas opposées – la répartition des compétences et des moyens humains et financiers est restée absente de ce deuxième rendez-vous de dialogue social.
Pour aller plus loin
La feuille de route sociale 2013 : c'est ici (Sur l'action publique : pages 34 à 37)
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