Le rapport d’observations définitives de
la Cour des comptes sur les exercices 2008 à 2013 du Centre national de la
fonction publique territoriale (CNFPT), – moins sévère que les précédents
rapports qui faisaient état de défaillances, irrégularités et anomalies –
n’avait pas vocation à être rendu public.
Mais François Deluga, président de
l’établissement public, a préféré devancer les critiques en publiant, mercredi
24 juin, un long communiqué répondant aux recommandations reçues le 17 juin. Sur
cinq pages, il défend bec et ongles l’institution qu’il préside depuis 2009,
souligne que c’est le rapport le plus positif sur l’établissement depuis sa
création, mais qu’il comporte des erreurs « de fait, de droit ou
d’appréciation » et des « contresens ».
Réforme législative
Ce qui l’irrite le plus, c’est la
conception « jacobine » de la Cour qui au moment où les collectivités entrent
dans une nouvelle phase de décentralisation, suggère une réforme législative
pour recentraliser la gestion de cet établissement public national mais
« déconcentré », unique en son genre, en lui imposant une tutelle de l’Etat, via
la
DGAFP ou la
DGCL.
Cette réforme clarifierait le régime
d’imposition sous lequel est versée la cotisation et obligerait le CNFPT à
rendre compte à l’Etat et aux collectivités mandantes de l’utilisation de ses
ressources.
« Proposer comme la Cour le
fait, sous couvert de raisonnements juridiques et d’une conception jacobine des
services publics locaux, que le niveau des ressources de l’établissement soit
fixé non plus par l’établissement mais par la loi revient à dessaisir les
employeurs locaux de leur responsabilité et à transformer les membres du conseil
d’administration en personnels d’exécution d’une politique de formation décidée
par l’Etat en direction des agents des collectivités territoriales. C’est la
remise en cause de la libre administration des collectivités et du paritarisme
qui est un principe fondamental de la gestion de la formation professionnelle
dans notre pays depuis 1945 » s’insurge François Deluga.
Amélioration globale de l’offre de
formation
Sous sa présidence, des progrès ont été
réalisés, comme le relève la Cour des comptes, notamment dans la passation des
marchés de formation qui, dans l’échantillon examiné, respectent les règles de
mise en concurrence.
La Cour prend également acte d’une
professionnalisation de l’activité de formation, qui, note-t-elle « progresse »
alors que le taux d’absentéisme en formation s’est légèrement réduit. L’activité
a en effet augmenté de 23 % durant la période, 28 % si 2014 est inclus.
L’offre nationale harmonisée gagnerait,
selon les magistrats, à être étendue. Ils estiment cependant que le CNFPT ne
couvre que la moitié des besoins de formation des collectivités, ce que rectifie
François Deluga dans son communiqué en précisant que deux tiers des besoins sont
satisfaits, une fois ôtée la part d’environ 20 % de formations assurée par les
collectivités elles-mêmes, dont les formateurs internes sont formés par le
CNFPT.
Incertitudes sur l’accès des contractuels
à la formation
Le président de l’institution ne laisse
pas dire non plus que les contractuels n’ont pas accès à la formation qui, en
théorie, leur est ouverte durant leur contrat, notamment pour préparer des
concours. Mais aucun élément chiffré ne permet d’évaluer le volume des
formations qui leur sont financées alors que les collectivités cotisent sur une
masse salariale qui inclut les non-titulaires.
Critiqué également sur le fait de ne pas
financer les formations diplômantes des emplois d’avenir alors qu’une cotisation
de 0,5 % est allouée au CNFPT, son président renvoie cette charge aux seuls
conseils régionaux dont c’est, selon lui, la compétence.
Gestion améliorée mais politique RH trop
généreuse
Si le CNFPT peut se féliciter d’avoir
amélioré sa gestion avec un coût d’administration générale passé de 53,8
millions d’euros en 2007 à 45,5 millions d’euros en 2013, en baisse de 14,3 % et
un coût moyen du jour/formation/stagiaire passé de 148 euros en 2008 à 133 euros
en 2013, l’endettement est jugé persistant par les magistrats de la rue Cambon,
et la masse salariale insuffisamment maîtrisée.
S’il y a eu augmentation, c’est selon
François Deluga, en raison d’évolutions statutaires : le glissement vieillesse
technicité, la revalorisation des catégories, C, la hausse des cotisations
retraite.
Sa politique RH est jugée trop généreuse,
mais le président du CNFPT assume les accords signés en interne avec notamment
la mise en place d’une complémentaire santé. Et déplore que la Cour des comptes
ne tienne pas compte des récents efforts du CNFPT pour ne plus faire payer
certaines formations obligatoires, efforts rendus possibles par le
rétablissement à 1 % de la cotisation obligatoire des collectivités.
Délégués régionaux chèrement
indemnisés
Dans son communiqué du 24 juin, François
Deluga passe sous silence d’autres observations concernant la gestion de
l’établissement. Au chapitre de la réduction des coûts de fonctionnement, la
cour recommande ainsi de profiter des départs « naturels » d’agents pour réduire
la masse salariale du CNFPT et accélérer les progrès de productivité déjà
constatés.
Elle demande de remettre à plat
l’attribution de logements de fonction, de réduire les dépenses et effectifs de
la direction de la communication du CNFPT qui compte pas moins de 33 agents et
dépense 800 000 euros pour la seule communication institutionnelle.
Autre préconisation qui va faire grincer
des dents dans les délégations, elle propose de supprimer les rencontres
nationales des conseils régionaux d’orientation (CRO), un des socles du
paritarisme de l’institution, et de réduire le régime indemnitaire des délégués
régionaux qui président ces CRO et perçoivent généreusement 18 246 euros annuels
pour une implication parfois limitée à quelques signatures de courriers et
conventions et deux ou trois réunions dans l’année.
Des mutualisations à favoriser
Les observations de la Cour des comptes
font apparaître en outre des dépassements injustifiés en matière d’hébergement
lors de déplacements du personnel, des dérogations qui autorisent des voyages
systématiques en première classe pour certains membres de l’encadrement. A
revoir donc. De même que les rémunérations et avantages des élèves de l’Institut
national des études territoriales, dont les moyens et épreuves devraient
davantage être mutualisés avec ceux de l’Ecole nationale d’administration dont
elle est voisine à Strasbourg.
Plus globalement, c’est la mutualisation
des formations mais aussi des locaux de formation entre les trois fonctions
publiques qui est encouragée, comme cela se passe déjà en Corse depuis quelques
années. Au chapitre de la formation des conservateurs de bibliothèques, le
rapport étrille d’ailleurs « la fin regrettable du partenariat entre l’ENSSIB et
le CNFPT » qui coûte 182 000 euros au CNFPT et va à l’encontre du rapport
Pêcheur qui préconisait de rapprocher conservateurs de l’Etat et
territoriaux.