Territoires associés à l'Union européenne
Le TUC dit “no” au Brexit
publié le 07/06/2016 à 17H21
par
Didier Blain & Marie-Nadine Eltchaninoff
La principale organisation syndicale britannique est sortie de sa
neutralité pour s’engager résolument dans la campagne contre la sortie
du Royaume-Uni de l’Union européenne. En jeu : les risques sur l’emploi
et les conditions de travail.
Le 23 juin, l’Union européenne pourrait bien vivre un de ces jours
sombres de l’histoire des peuples. Près de 45 millions de Britanniques
sont appelés à voter à l’occasion du référendum sur la sortie (Brexit,
contraction de British exit) ou le maintien (Remain) dans l’UE. Si les
votes en faveur de la sortie l’emportaient, le Royaume-Uni serait le
premier État membre à quitter l’Union européenne, qui entrerait ainsi
dans une période inédite de son histoire, à l’issue incertaine. Nous
n’en sommes pas là.
« Les derniers sondages donnent entre 10 et 15 points d’avance au “Remain”,
constate Elena Crasta, la représentante à Bruxelles du TUC (Trades
Union Congress, la principale organisation syndicale britannique),
mais 11 % des votants affirment n’avoir pas encore décidé. L’issue est donc encore très indécise. »
500 000 bonnes raisons de rester dans l’UE
Le
TUC, qui compte 7 millions d’adhérents, est lui-même resté longtemps
indécis, reflétant ainsi les tiraillements au sein de la société
britannique. Mais ces derniers mois, ses organisations (fédérations et
principaux syndicats) ont tenu leurs congrès respectifs ou ont interrogé
directement leurs adhérents. Si une minorité de ces organisations
souhaitent rester neutres, les réponses de la majorité vont sans
hésitation au « no ».
« De plus, un sondage que nous avons commandé
dernièrement montre que le TUC apparaît légitime à s’exprimer sur le
Brexit en raison des lois sur le travail qu’il remettrait en cause », explique la syndicaliste britannique.
En avril, l’exécutif du TUC a donc décidé de se lancer dans la bataille contre le Brexit. La campagne bat désormais son plein.
Le site du TUC
(https://www.tuc.org.uk/euref) multiplie les arguments pour convaincre.
Selon une étude publiée par le ministère des Finances et du Budget
(Treasury), le Brexit entraînerait rapidement la perte de 500 000
emplois.
« Ce sont 500 000 bonnes raisons de rester dans l’UE ! », lance Frances O’Grady, la secrétaire générale du TUC. Les droits des travailleurs seraient également touchés.
« Le Brexit autoriserait le gouvernement conservateur à revenir sur la directive temps de travail, craint Elena Crasta.
Depuis
1998, elle a permis à 4 millions de salariés de passer sous le seuil
des 48 heures de travail par semaine. D’après nos estimations, si nous
n’étions plus couverts par la législation européenne, un million de
salariés pourraient être amenés à dépasser ces 48 heures. » De quoi y réfléchir à deux fois.
Moins d’intégration dans l’UE
Quelle que soit
l’issue du vote du 23 juin, le Royaume-Uni n’en aura pas fini avec
l’Union européenne. Si le Brexit a lieu, les négociations de sortie vont
s’ouvrir et s’achever dans un délai de deux ans. En cas de maintien,
les Britanniques auront à mettre en œuvre l’accord négocié en février
dernier par le Premier ministre conservateur David Cameron avec le
Conseil européen (qui réunit les chefs d’État et de gouvernement des 28
États membres), lequel prévoit de nombreux aménagements pour le
Royaume-Uni.
« Même si on reste dans l’UE, souligne Elena Crasta,
de
nombreux chapitres de l’accord feront l’objet de négociations, et le
TUC compte sur la Confédération européenne des syndicats pour en limiter
les effets négatifs. »
Sur quoi porte le compromis obtenu par
Cameron ? Pour l’essentiel, il accorde au Royaume-Uni le maintien de son
statut à part, avec la possibilité de ne pas aller vers davantage
d’intégration à terme et de ne pas entrer dans la zone euro comme c’est
théoriquement la vocation de tout État membre. Il donne aussi aux
Britanniques la possibilité de ne pas appliquer des directives
européennes sous certaines conditions. Enfin, l’accord prévoit un volet
limitant l’accès des futurs travailleurs étrangers, y compris européens,
à certaines prestations sociales.
« Ce point a suscité beaucoup de critiques, notamment de la CES, mais il ne concerne que 0,02 % des travailleurs immigrés, relativise Elena Crasta.
Le TUC rejette évidemment toute discrimination mais nous n’allons pas
sur ce débat-là dans le cadre de cette campagne contre le Brexit, pas
plus que sur la liberté de circulation des migrants. Sur ces points-là,
nous avons déjà perdu. Les arguments rationnels ne fonctionnent pas. Les
populations le plus en difficulté attendent d’autres réponses. Donner
des leçons serait contre-productif. »
Les arguments du TUC
portent donc sur des sujets très concrets. Ses études démontrent ainsi
que la hausse de l’inflation générerait une perte moyenne de pouvoir
d’achat de 38 livres sterling par semaine (près de 50 euros).
« Si
on ajoute les 40 livres perdues avec la crise, la perte se monte à 78
livres par semaine et par travailleur, alors que le salaire minimum est
de 7 livres l’heure [9,05 euros] », indique Elena Crasta.
Les militants portent le débat dans les entreprises
Dans
cette bataille où se joue l’avenir de l’Union, le TUC n’est guère aidé.
Bien qu’opposée au Brexit en raison des risques qu’il fait peser sur
l’économie, la principale organisation patronale britannique, la
Confederation of British Industry, ne s’est pas s’engagée dans la
campagne. Les entreprises aussi restent en retrait.
« Certaines chaînes de la grande distribution ont refusé de s’exprimer sur ce sujet de peur de perdre des clients »,
déplore Elena Crasta. Et ceux qui prennent part au débat ne le relèvent
pas toujours. Le précédent patron de Marks and Spencer, Lord Rose,
favorable au maintien dans l’UE, a ainsi eu cette sortie malheureuse :
« Le Brexit risque de conduire à une augmentation des salaires en limitant l’entrée des travailleurs migrants peu formés »
! À l’opposé, d’aucuns prétendent qu’une sortie de l’UE permettrait à
la Grande-Bretagne d’échapper au TTIP (l’accord sur le partenariat
transatlantique, en cours de négociation) ou que la contribution
britannique au budget européen pourrait ainsi être investie dans le
système de santé publique. Autant d’« illusions » que le TUC s’efforce
également de démonter.
La campagne de l’organisation ne se limite pas
à des prises de positions nationales. Les militants mènent le débat
jusque dans les entreprises.
« Les décisions d’investissements des
entreprises sont suspendues au résultat du vote. Le Brexit fait peser de
sérieuses menaces sur vos postes et vos conditions de travail »,
expliquent-ils aux travailleurs. Avec l’espoir de rallier une majorité
d’entre eux au maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.
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Luca Visentini / secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats “Un danger pour tous les travailleurs européens” |
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Quelle est la position de la CES sur le Brexit ? Nous
sommes clairement pour que le Royaume-Uni reste dans l’Union
européenne. Tout d’abord dans l’intérêt des travailleurs britanniques
mais aussi parce que nous sommes conscients des dégâts économiques, des
destructions d’emplois qu’entraînerait le Brexit. De plus, avec le très
conservateur gouvernement britannique, le risque est important de
remettre en cause la protection sociale et les droits syndicaux. Nous
redoutons également que le Brexit ait des répercussions sur le reste de
l’UE. Nous soutenons totalement le TUC dans sa campagne en faveur du
Remain [maintien], qui a pris sa décision après une consultation
démocratique en interne.
Tous les affiliés de la CES sont-ils sur cette ligne ? Oui,
tous nos affiliés sont opposés à la sortie de la Grande-Bretagne de
l’UE. Il y a eu des critiques majeures de certaines organisations à
l’encontre de l’accord de Cameron avec l’Union. Certains termes de cet
accord sont dangereux non seulement pour les travailleurs britanniques
mais pour ceux de toute l’UE. Il a obtenu des dérogations aux règles
européennes sur la libre circulation des travailleurs migrants et sur
l’égalité de traitement et les discriminations entre les travailleurs
ainsi qu’un droit de regard excessif sur la zone euro. Mais cela
signifie que s’il n’y a pas de Brexit, il restera des marges de manœuvre
au mouvement syndical permettant de limiter les effets de cet accord.
En cas de Brexit, peut-il y avoir un effet domino ? Ce
risque existe. Certains pays et certains leaders politiques européens
ont déjà fait savoir qu’ils demanderaient à sortir de l’Union
européenne. Marine Le Pen a été la première, la Ligue du Nord, en
Italie, l’a suivie. Il y a des signaux inquiétants venant des Pays-Bas,
des pays baltes ou de certains pays de l’Est comme la République
tchèque, la Hongrie et la Pologne. Ils semblent tentés par l’aventure de
la sortie. Nous devrons être très fermes, nous, syndicats, mais surtout
les institutions européennes pour dire qu’il n’y a pas de places à de
nouvelles négociations. Il n’y aura pas d’Europe à la carte !
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Tableau synoptique
Signature
Entrée en vigueur
Nom du traité
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1975
1976
institution officieuse
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dissoute
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Union européenne (UE)
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D'abord
inactive
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Dissoute
en 2011
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