Dans son
4e rapport relatif aux finances publiques locales publié en octobre 2016,
la Cour des comptes souligne le mouvement d’amélioration de la
situation financière des collectivités locales qui dégagent en 2015, et
pour la première fois depuis 12 ans, une capacité de financement
(dépenses 226,9 milliards d’euros,-1,7 % ; recettes 228,4 milliards
d’euros, +0,9 % ; solde positif 1,5 milliard d’euros), contribuant ainsi
pour plus de la moitié à la réduction du déficit public national. La
Cour émet 14 recommandations relatives aux perspectives d’évolution des
finances locales, à la fiscalité locale et à la gestion de la fonction
publique territoriale.
Amélioration globale de la situation financière des collectivités
Si en 2014, la baisse des dotations de l’État conjuguée au
ralentissement des ressources fiscales s’était traduite par une
contrainte financière accrue sur la gestion des collectivités, la baisse
amplifiée des dotations en 2015 n’a pas pour autant conduit à un
accroissement de cette contrainte à due proportion. Deux principaux
facteurs expliquent cela :
- un fort accroissement de la fiscalité locale : +5,9 milliards
d’euros soit la plus forte hausse depuis 2011 (impôts directs +3,1
milliards d’euros, impôts indirects +2,7 milliards d’euros) ;
- un ralentissement des dépenses de fonctionnement : en 2015, les
efforts de gestion des collectivités ont commencé à produire des
résultats perceptibles. Ainsi, hors impact des mesures nationales liées à
la fonction publique, la progression des dépenses de personnel a été
divisée par 3. L’épargne brute a cessé de diminuer, entraînant une
réduction du besoin de financement. La dette a augmenté mais la capacité
de désendettement ne s’est pas dégradée.
Cette évolution globale doit cependant être nuancée au vu des contrastes entre et au sein des catégories de collectivités.
La situation financière des communes s’est globalement améliorée. Ces
dernières ont bénéficié du dynamisme des recettes fiscales qui a plus
que compensé la baisse accrue des dotations. Les dépenses de
fonctionnement se sont stabilisées : augmentation des dépenses de
personnel (moins rapide que les années précédentes) compensée par la
baisse des autres charges (achats et subventions versées notamment).
L’épargne brute a progressé après deux années consécutives d’importantes
baisses alors que les investissements ont été réduits. Cependant, la
situation de 77 villes de 20 000 à 50 000 hab. et de quatre de plus de
100 000 hab. reste préoccupante avec une épargne nette négative.
Les EPCI à fiscalité propre ont également connu un net ralentissement
de leurs dépenses de fonctionnement (augmentation moins marquée qu’en
2014 des dépenses de personnel, diminution inédite des achats de biens
et services et des subventions). Le dynamisme des recettes fiscales a
permis la constitution d’une épargne brute qui, conjuguée à un
accroissement de l’endettement et à une diminution des investissements, a
renforcé le fonds de roulement.
Les départements ont bénéficié du dynamisme des DMTO qui a compensé
la baisse de la DGF, l’érosion de l’épargne brute constatée depuis 3 ans
a diminué. Les charges de fonctionnement ont ralenti (dépenses
sociales, masse salariale) ou diminué (achats de biens et services,
subventions versées). Malgré la baisse des investissements pour la 5e
année consécutive, la dette continue de croître et le ratio de
désendettement se dégrade. Huit départements ont une capacité
d’autofinancement négative (contre cinq en 2014).
Les finances régionales se détériorent de nouveau en 2015. La
croissance des recettes de fonctionnement (malgré la baisse de la DGF) a
été inférieure à l’augmentation des dépenses due aux nouvelles
compétences transférées par l’État. L’épargne brute de plus des 3/4 des
régions recule pour la 5e année consécutive. Les investissements n’ayant
pas diminué, l’endettement s’est sensiblement alourdi.
Améliorer les perspectives d’évolution
En 2016, la baisse de la DGF se poursuit (diminution de la composante
forfaitaire et accroissement des dotations de péréquation) et les
produits de la fiscalité devraient connaître une évolution moins
dynamique qu’en 2015. Les collectivités ne disposeront donc pas de marge
de manœuvre pour financer l’évolution de leurs dépenses de
fonctionnement.
La Cour des comptes insiste en conséquence sur la nécessaire
intensification de la maîtrise des charges de fonctionnement et
particulièrement de la masse salariale en cette année de réorganisation
territoriale, marquée par le passage de 22 à 13 régions, la création de
13 métropoles, le transfert de compétences des départements aux régions
et aux métropoles et le resserrement de la carte intercommunale (pouvant
se traduire, dans un premier temps, par des coûts supplémentaires).
L’investissement communal et intercommunal pourrait repartir à la hausse
du fait du cycle électoral, de la diminution du besoin de financement
en 2015, d’un endettement accru ayant permis la reconstitution du fonds
de roulement et de conditions d’emprunt incitatives. En revanche, les
investissements départementaux devraient continuer à diminuer (d’autant
plus avec les transferts de compétences aux métropoles), et les
investissements régionaux ralentir en raison de la réorganisation
territoriale.
Afin d’améliorer les perspectives d’évolution des finances locales, la Cour, comme en 2015, émet cinq recommandations :
- préciser le périmètre exact des dépenses prises en compte dans l’Odedel et le décliner par strate démographique pour le bloc communal ;
- ajouter une annexe budgétaire à la loi de règlement pour analyser
les écarts entre les prévisions et les réalisations relatives à l’Odedel
;
- organiser une concertation approfondie sur la trajectoire cible des
finances publiques locales, au sein d’une instance associant les
représentants de l’État et des collectivités ;
- préciser, dans le projet de loi de finances initiale, les prévisions
de dépenses, de recettes et de solde des collectivités et de leurs
groupements ;
- engager la préfiguration d’une loi de financement des collectivités
retraçant l’ensemble de leurs relations financières avec l’État et
fixant pour l’année à venir, par catégorie de collectivités, les
conditions de l’équilibre global en cohérence avec la loi de
programmation des finances publiques.
Une fiscalité plus équitable et prévisible
La Cour rappelle que l’accentuation de la contrainte financière doit
se traduire par une meilleure maîtrise des dépenses de fonctionnement et
une programmation plus sélective des investissements, et non par une
augmentation des impôts locaux. Constatant l’usage modéré du levier
fiscal ces dernières années et les contraintes liées à la réduction et à
l’encadrement du pouvoir de taux, elle souligne cependant les grandes
disparités de richesse fiscale et prône une fiscalité locale plus
équitable, transparente et prévisible.
L’enjeu de l’équité s’incarne par une révision des valeurs locatives
cadastrales (VLC). Regrettant les hésitations et reports en la matière,
elle recommande de poursuivre, sans nouveaux délais, la réforme des VLC
en utilisant dès 2017, les nouvelles bases révisées pour le calcul des
impôts sur les locaux professionnels et en menant à terme la révision
des valeurs des locaux d’habitation. Elle plaide également pour que la
DGFIP et la DGCL procèdent à des simulations conjointes relatives à
l’impact de la révision des VLC sur l’évaluation des potentiels fiscaux
et sur les dotations.
La Cour déplore ensuite la complexité issue des différentes
compensations d’exonérations législatives d’impôts locaux qui nuit à la
transparence et rend difficile la préparation budgétaire. Elle préconise
d’améliorer la présentation et la qualité des informations transmises
individuellement aux collectivités locales en précisant dans un document
unique :
- la base exonérée du fait des décisions législatives ;
- le montant des allocations compensatrices ;
- le taux de couverture de chaque exonération.
Il conviendrait également de mesurer régulièrement l’efficacité de
ces mesures d’exonérations, au regard de leurs coûts pour l’État et pour
les collectivités afin d’en tirer toutes les conséquences quant à leur
maintien.
La Cour met enfin en exergue les importantes variations du produit de
la CVAE depuis sa création en indiquant que ces variations ne peuvent
être expliquées par les fluctuations de l’activité économique et sont
sans lien avec le PIB. Au-delà des difficultés liées au calcul de la
CVAE (répartition du produit des entreprises multi-établissements
notamment), elle souligne que les variations annuelles restent largement
inexpliquées et compliquent la prévision budgétaire. Elle recommande
donc de renforcer le dispositif d’analyse des variations du produit de
CVAE et d’en rendre compte annuellement dans un rapport remis au
Parlement et aux collectivités.
Les marges de manœuvre budgétaire
La Cour revient longuement sur la gestion de la fonction publique
territoriale (FPT) en rappelant que d’importantes marges de manœuvre
budgétaire sont possibles en agissant notamment sur les effectifs, le
temps de travail, la gestion des carrières et les régimes indemnitaires.
Tout en soulignant l’effort fait en 2015 (+0,8 % des effectifs hors
contrats aidés), elle déplore l’absence d’évaluation méthodique des
besoins et une approche trop administrative du sujet.
Sont notamment mis en exergue, la trop faible mise en œuvre de la
gestion prévisionnelle des ressources humaines, l’absence de schémas
d’emplois contraignants, la gestion de temps de travail pas assez
rigoureuse, la gestion souvent avantageuse des carrières, un suivi mal
coordonné au plan national.
La Cour émet quatre recommandations :
- développer la gestion prévisionnelle des effectifs (non-remplacement
systématique des départs à la retraite, approfondissement des
mutualisations au sein des ensembles intercommunaux notamment) ;
- rendre obligatoire pour les EPCI la publication annuelle d’un état
consolidé des effectifs ETPT et, pour les collectivités de plus de 10
000 hab. une présentation annuelle des emplois en ETPT par fonction ;
- abroger la disposition de l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984
autorisant les collectivités à conserver un temps de travail inférieur à
la durée réglementaire et appliquer un mécanisme de modulation des
concours financiers aux collectivités locales qui ne respectent pas
ladite durée ;
- confier à une instance unique, s’appuyant à la fois sur les
représentants des services centraux et des élus locaux, la mission de
centraliser et d’analyser, dans des délais raisonnables, les
informations sur la gestion locale de la FPT.