PROJET DE LOI
relatif au harcèlement sexuel
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),
PRÉSENTÉ
au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,
Premier ministre
Par Mme Christiane TAUBIRA,
garde des sceaux, ministre de la justice
(Envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les agissements de harcèlement sexuel, dont les femmes sont le
plus souvent les victimes, portent gravement atteinte à la dignité des personnes
et doivent être pénalement sanctionnés, comme l'avait prévu l'article 222-33 du
nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994.
Il est dès lors de la responsabilité du Gouvernement, à la
suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012,
ayant déclaré cet article, dans sa rédaction issue de la loi de modernisation
sociale du 17 janvier 2002, contraire à la Constitution en raison de son
imprécision, de proposer au Parlement de rétablir sans délai cette incrimination
et dans une rédaction appropriée.
La définition du délit de harcèlement sexuel doit, tout en
respectant pleinement l'exigence constitutionnelle de légalité des
incriminations, permettre une répression plus efficace que celle qui résultait
des dispositions du code pénal en vigueur jusqu'à la loi de 2002.
Il est donc proposé une définition qui se rapproche de celles
données par les directives 2002/73/CE, 2004/113/CE et 2006/54/CE, en incriminant
des comportements imposés, répétés, qui présentent une connotation sexuelle et
qui, soit portent atteinte à la dignité de la personne en raison de leur
caractère, dégradant ou humiliant, soit créent pour elle un environnement
intimidant, hostile ou offensant. Ces faits seront ainsi punis d'un an
d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
Il n'est plus exigé, comme par le passé, des pressions tendant
à obtenir une relation de nature sexuelle. Cependant, lorsque l'obtention de
telles faveurs aura été recherchée, les faits seront punis de peines aggravées,
soit deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende, et ce même en l'absence de
répétition des agissements.
Des circonstances aggravantes similaires à celles prévues pour
d'autres infractions contenues dans le code pénal, comme l'abus d'autorité, la
minorité ou la particulière vulnérabilité de la victime ou encore la commission
de l'infraction par plusieurs personnes porteront les peines jusqu'à trois ans
d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.
Des situations d'une réelle gravité seront ainsi désormais
saisies par le droit pénal.
Par ailleurs, au delà de la répression du harcèlement sexuel
proprement dit, il importe également de sanctionner les discriminations qui
peuvent résulter de ces faits de harcèlement.
Ces discriminations doivent être réprimées y compris
lorsqu'elles interviennent dans des domaines autres que les relations de
travail, et y compris si elles font suite à un acte unique, et non à des actes
répétés, comme cela peut être le cas d'une personne qui, parce qu'elle a refusé
une proposition de nature sexuelle, n'est pas embauchée, est licenciée,
n'obtient pas une promotion, ou se voit refuser un logement, ou n'importe quel
bien ou service.
Il est donc indispensable de compléter les dispositions du code
pénal réprimant les discriminations, en y ajoutant un article relatif aux
discriminations intervenant en raison de l'acceptation ou du refus par une
personne de subir des agissements de harcèlement sexuel, y compris si ces
agissements n'ont pas été commis de façon répétée.
Ces faits seront ainsi punis, en application des articles 225-2
et 432-7 de ce code, de trois ans d'emprisonnement s'ils sont commis par un
particulier et de cinq d'emprisonnement s'ils sont commis par un agent public ou
dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès (comme par
exemple une discothèque).
Le code du travail doit également être complété par
coordination, afin de renvoyer à la nouvelle définition du harcèlement sexuel
figurant dans le code pénal, de préciser que les discriminations dans le travail
faisant suite à un harcèlement sexuel sont réprimées et d'aggraver les peines
encourues.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la
justice,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif au harcèlement sexuel,
délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au
Sénat par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargée d'en
exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
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Article 1er
L'article 222-33 du code pénal est ainsi rétabli :
« Art. 222-33. - I. - Constitue un harcèlement sexuel,
puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende, le fait d'imposer à une
personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à
connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité en raison de leur
caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement
intimidant, hostile ou offensant.
« II. - Est assimilé à un harcèlement sexuel et puni de deux
ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende, le fait mentionné au I qui, même
en l'absence de répétition, s'accompagne d'ordres, de menaces, de contraintes ou
de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent
d'obtenir une relation de nature sexuelle, à son profit ou au profit d'un
tiers.
« III. - Les faits prévus au I sont punis de deux ans
d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende et ceux prévus au II sont punis de
trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende lorsqu'ils sont commis :
« 1 Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent
ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur de quinze ans ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à
son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique
ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de
complice. »
Article 2
I. - Après l'article 225-1 du même code, il est inséré un
article 225-1-1 ainsi rédigé :
« Art.225-1-1. - Constitue également une
discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison
de leur acceptation ou de leur refus de subir des agissements de harcèlement
sexuel défini à l'article 222-33, y compris si ces agissements n'ont pas été
commis de façon répétée. »
II. - Au premier alinéa des articles 225-2 et 432-7 du même
code, les mots : « à l'article 225-1 » sont remplacés par les mots : « aux
articles 225-1 et 225-1-1 ».
Article 3
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1152-1 est remplacé par les dispositions
suivantes :
« Art. L. 1152-1. - Dans le cadre des relations de
travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que
définis et réprimés par l'article 222-33-2 du code pénal. » ;
2° L'article L. 1153-1 est remplacé par les dispositions
suivantes :
« Art. L. 1153-1. - Dans le cadre des relations de
travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que
définis et réprimés par l'article 222-33 du code pénal. » ;
3° L'article L. 1153-2 est complété par les mots : « y compris
si ces agissements n'ont pas été commis de façon répétée. » ;
4° Le premier alinéa de l'article L. 1155-2 est remplacé par
les dispositions suivantes :
« Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3
750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou
sexuel définis aux articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3 du présent
code. » ;
5° Les articles L. 1155-3 et L. 1155-4 sont abrogés ;
6° Au 1° de l'article L. 8112-2 après les mots : « 225-2 du
code pénal, » sont insérés les mots : « les délits de harcèlement sexuel ou
moral prévus, dans le cadre des relations du travail, par les articles 222-33 et
222-33-2 du même code ».
Article 4
Le code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifié :
1° Au chapitre II du titre V du livre préliminaire, l'article
L. 052-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 052-1. - Dans le cadre des relations de
travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que
définis et réprimés par l'article 222-33-2 du code pénal. » ;
2° Le chapitre III du même titre comprend les dispositions
suivantes :
« Art. L. 053-1. - Dans le cadre des relations de
travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que
définis et réprimés par l'article 222-33 du code pénal.
« Art. L. 053-2. - Aucun salarié, aucun candidat à un
recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être
sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement,
d'affectation, de qualification, de classification, de promotion
professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou
refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel, y compris si ces
agissements n'ont pas été commis de façon répétée.
« Art. L. 053-3. - Aucun salarié ne peut être
sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir
témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.
« Art. L. 053-4. - Toute disposition ou tout acte
contraire aux dispositions des articles L. 053-1 à L. 053-3 est nul.
« Art. L. 053-5. - L'employeur prend toutes
dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement
sexuel.
« Art. L. 053-6. - Tout salarié ayant procédé à des
agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction
disciplinaire. » ;
3° Le chapitre IV du même titre est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa de l'article L. 054-1 après les
mots : « articles L. 052-1 à L. 052-3 » sont insérées les références :
« et L. 053-1 à L. 053-4 » ;
b) Au premier alinéa de l'article L. 054-2 après les
mots : « articles L. 052-1 à L. 052-3 » sont insérées les références : «
et L. 053-1 à L. 053-4 » ;
4° Le chapitre V du même titre est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa de l'article L. 055-2 est
remplacé par les dispositions suivantes :
« Sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de
3 750 € les faits de discriminations commis à la suite d'un harcèlement moral ou
sexuel définis aux articles L. 052-2, L. 053-2 et L. 053-3 du présent
code. ».
b) Les articles L. 055-3 et L. 055-4 sont
abrogés ;
5° Au titre Ier du livre VI, la première phrase du
deuxième alinéa de l'article L. 610-1, est complétée par les mots : « et les
délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations du
travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 du même code. »
Article 5
Les articles 1er et 2 de la présente loi
sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République.
Fait à Paris, le 13 juin 2012
Signé : JEAN-MARC AYRAULT
Par le Premier ministre :
La garde des sceaux, ministre de la justice,
Signé : CHRISTIANE TAUBIRA