Encore une fois pointés du doigt dans un article de la
fondation Ifrap de Agnès Verdier-Molinié, les fonctionnaires territoriaux n'ont
pas à rougir. C'est ce qui ressort de nos recherches sur l'absentéisme dans la
fonction publique territoriale. Les différences entre le secteur public et le
secteur privé ne sont en réalité pas aussi grandes que l'institut libéral
souhaite le laisser penser. Décryptage.
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L'absentéisme des agents publics : un symptôme, des remèdes
L’article sur l’absentéisme dans les grandes villes publié par
l’Ifrap le 19 mai dont de nombreux médias se sont fait l’écho est clairement
orienté. D’abord, l’institut indique dans les notes à la fin de la publication
avoir comparé des données qui ne sont en réalité… pas comparables. Les données
recueillies « ne présentent pas toujours les mêmes indicateurs » ; « Les
résultats ne sont pas toujours exprimés en jours d’absences mais en taux
d’absentéisme soit global, soit par cause … et Il n’est pas toujours possible de
reconstituer les valeurs en jours afin que la comparaison soit possible entre
les différents formats ».
Bref, l’Ifrap ne sait pas toujours si les données peuvent être comparées entre elles, et fait volontairement le choix d’établir un classement des communes pour les absences « toutes causes » qui gonflent de fait les résultats. « Dans notre dernière enquête sur les grandes villes les résultats en jours sont exprimés :
« Pour décompter l’absentéisme, et en dépit du caractère moins précis de cette comptabilisation, la plupart des collectivités utilisent les jours calendaires faute de pouvoir opérer aisément une distinction entre jours ouvrés et jours ouvrables au sein des durées d’arrêt d’une part, et faute de pouvoir comptabiliser de manière précise le nombre de jours ouvrés des agents permanents », indiquent aussi les auteurs d’une récente étude Inet-ADRHGCT, qui appellent d’ailleurs à l’adoption d’une définition commune de l’absentéisme et d’un référentiel partagé.
« Nous nous battons pour faire baisser l’absentéisme. Comme tout le monde, nous avons mis en place des actions de prévention », indique Dominique Fiatte à Amiens.
La collectivité a également lancé plusieurs projets visant à l’amélioration des conditions de travail, en rénovant notamment plusieurs locaux. Autres axes d’amélioration étudiés actuellement : l’équité dans les carrières, la mobilité, etc.
« Nous luttons aussi contre les éventuels abus, notamment en matière d’accidents du travail. Nous réfléchissons à prendre en compte les absences dans le cadre du régime indemnitaire », énumère Dominique Fiatte. Une piste suivie par de nombreuses collectivités.
Par ailleurs, les agents de la fonction publique, en particulier les agents de l’Etat, s’arrêtent moins longtemps que les salariés du secteur privé : 52 % des agents de la fonction publique absents au moins une fois pour maladie se sont arrêtés moins de 8 jours dans l’année (56 % dans la FPE, 49 % dans la FPT, 46 % dans la FPH) contre 46 % des salariés du secteur privé. Et 14 % des agents de la FPT ont fait l’objet de trois arrêts dans l’année ou plus, contre 11 % dans le secteur privé.
Autres données intéressantes : plus d’un quart des salariés absents au moins une fois pour maladie ont une durée d’absence supérieure ou égale à 30 jours dans l’année dans la FPT (26 %), la FPH (28 %) et le secteur privé (25 %) (le taux s’élève à 17 % dans la FPE). Peu de différences entre public et privé encore une fois.
Par ailleurs, 37 % des femmes de la fonction publique et 32 % des femmes du privé ont eu au moins un arrêt pour raison de santé dans l’année, contre respectivement 28 % et 27 % des hommes. D’autre part, l’écart hommes/femmes est plus faible dans la FPT et le secteur privé, où il avoisine 6 points, alors qu’il est proche de 10 points dans la FPE et la FPH. L’Ifrap souhaite volontairement laisser penser à des arrêts de complaisance obtenus par les agents territoriaux pour se reposer alors que sont souvent comptabilisés, les accidents du travail, ainsi que les congés maternité.
En revanche, la part d’agents déclarant au moins trois arrêts maladie dans l’année ne varie pas selon le statut : 4 % des fonctionnaires et des contractuels, etc. sont concernés.
Une étude de l’Insee de 2007 montre également que les salariés exerçant des responsabilités d’encadrement, qui ont également moins de chance d’être insatisfaits de leur emploi, ont une probabilité plus élevée de ne pas s’être absentés pour raison de santé dans l’année. Les agents de catégorie A s’arrêtent aussi moins longtemps pour raisons de santé dans l’année que les agents de catégorie B, qui eux-mêmes s’arrêtent moins longtemps que les agents de catégorie C. Or la FPT compte 76 % d’agents en catégorie C, qui exercent donc a priori plutôt des métiers plus difficiles physiquement.
Par ailleurs, les salariés qui n’ont pas eu d’arrêt dans l’année déclarent moins souvent être en contact avec des personnes en situation de détresse que ceux qui ont eu au moins un arrêt, encore une fois dans la fonction publique comme dans le secteur privé.
Autre enseignement du focus sur les absences réalisées par la DGAFP dans le dernier rapport annuel : dans la fonction publique comme dans le secteur privé, plus les salariés ont été absents souvent, plus leurs conditions de travail sont dégradées. Une étude menée à partir de l’enquête Emploi de l’Insee, l’enquête Conditions de travail 2005 et le module complémentaire à l’enquête Emploi 2007 a également montré que les salariés qui subissent des contraintes physiques et psychosociales s’absentent plus souvent, le niveau d’absence augmentant avec le niveau d’exposition. « Le lien pourrait être double : d’une part, les salariés malades pourraient percevoir plus difficilement leurs conditions de travail ; et d’autre part, les conditions de travail difficiles pourraient avoir un impact sur l’état de santé des salariés et donner lieu à des arrêts maladie plus fréquents, ou plus longs », soulignent les auteurs de cette étude.
De même, 62 % des agents avec 3 arrêts ou plus déclarent que leurs perspectives de promotion ne sont pas satisfaisantes, contre 48 % des agents sans aucun arrêt dans l’année.
Des différences qui encore une fois s’observent tout autant dans le secteur privé…
Bref, l’Ifrap ne sait pas toujours si les données peuvent être comparées entre elles, et fait volontairement le choix d’établir un classement des communes pour les absences « toutes causes » qui gonflent de fait les résultats. « Dans notre dernière enquête sur les grandes villes les résultats en jours sont exprimés :
- Toutes Causes
- Toutes Causes Hors Parentalité
- Maladie Ordinaire. »
Pas de définition commune
Plus globalement, en matière d’absentéisme, il faut savoir de quoi l’on parle. Contacté par La Gazette, Dominique Fiatte, le DGS de Amiens et Amiens métropole, qui arrive en tête du classement opéré par l’Ifrap, précise que l’absentéisme est un peu plus élevé que la moyenne dans sa collectivité, mais pas dans les proportions indiquées par l’institut, qui annonce un total de 39,94 jours d’absence par agent en 2013 à Amiens. Dans un tel chiffre, les jours de week-end et congés n’ont pas été retranchés !« Pour décompter l’absentéisme, et en dépit du caractère moins précis de cette comptabilisation, la plupart des collectivités utilisent les jours calendaires faute de pouvoir opérer aisément une distinction entre jours ouvrés et jours ouvrables au sein des durées d’arrêt d’une part, et faute de pouvoir comptabiliser de manière précise le nombre de jours ouvrés des agents permanents », indiquent aussi les auteurs d’une récente étude Inet-ADRHGCT, qui appellent d’ailleurs à l’adoption d’une définition commune de l’absentéisme et d’un référentiel partagé.
« Nous nous battons pour faire baisser l’absentéisme. Comme tout le monde, nous avons mis en place des actions de prévention », indique Dominique Fiatte à Amiens.
La collectivité a également lancé plusieurs projets visant à l’amélioration des conditions de travail, en rénovant notamment plusieurs locaux. Autres axes d’amélioration étudiés actuellement : l’équité dans les carrières, la mobilité, etc.
« Nous luttons aussi contre les éventuels abus, notamment en matière d’accidents du travail. Nous réfléchissons à prendre en compte les absences dans le cadre du régime indemnitaire », énumère Dominique Fiatte. Une piste suivie par de nombreuses collectivités.
A lire aussi :
En 2011 (derniers chiffres disponibles), on dénombre en moyenne 25,2 journées
d’absence par agent en emploi permanent. Ce nombre augmente depuis 2007 (+ 2,4
jours). Une hausse qui résulte des absences pour « raisons de santé »∗, qui
s’établissent à 21,8 jours par agent permanent en 2011 contre 20,6 jours en 2009
et 19,2 jours en 2007, souligne la DGCL dans la synthèse nationale des bilans sociaux 2011, parue en
juin 2014.Pour sept salariés sur dix, un seul arrêt maladie dans l’année
La DGAFP dans son dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique se fait l’écho de données objectives sur l’absentéisme dans la fonction publique. 35 % des agents de la fonction publique territoriale ont eu au moins un arrêt pour raisons de santé dans l’année en 2013. Dans le secteur privé, ce taux s’élève à 28 %. Mais « pour sept salariés sur dix absents au moins une fois, dans la fonction publique comme dans le secteur privé, il ne s’agit que d’un seul arrêt maladie dans l’année », indique cette étude.Par ailleurs, les agents de la fonction publique, en particulier les agents de l’Etat, s’arrêtent moins longtemps que les salariés du secteur privé : 52 % des agents de la fonction publique absents au moins une fois pour maladie se sont arrêtés moins de 8 jours dans l’année (56 % dans la FPE, 49 % dans la FPT, 46 % dans la FPH) contre 46 % des salariés du secteur privé. Et 14 % des agents de la FPT ont fait l’objet de trois arrêts dans l’année ou plus, contre 11 % dans le secteur privé.
Autres données intéressantes : plus d’un quart des salariés absents au moins une fois pour maladie ont une durée d’absence supérieure ou égale à 30 jours dans l’année dans la FPT (26 %), la FPH (28 %) et le secteur privé (25 %) (le taux s’élève à 17 % dans la FPE). Peu de différences entre public et privé encore une fois.
Par ailleurs, 37 % des femmes de la fonction publique et 32 % des femmes du privé ont eu au moins un arrêt pour raison de santé dans l’année, contre respectivement 28 % et 27 % des hommes. D’autre part, l’écart hommes/femmes est plus faible dans la FPT et le secteur privé, où il avoisine 6 points, alors qu’il est proche de 10 points dans la FPE et la FPH. L’Ifrap souhaite volontairement laisser penser à des arrêts de complaisance obtenus par les agents territoriaux pour se reposer alors que sont souvent comptabilisés, les accidents du travail, ainsi que les congés maternité.
Plus d’arrêts en période de stabilité d’emploi
En outre, comme le souligne l’institut, parmi les agents de la fonction publique, les fonctionnaires sont effectivement plus nombreux à avoir au moins un arrêt maladie dans l’année : 35 % sont dans ce cas, contre 28 % des contractuels et autres personnels. Des éléments choquants pour l’Ifrap, mais qui se retrouvent dans le secteur privé.En revanche, la part d’agents déclarant au moins trois arrêts maladie dans l’année ne varie pas selon le statut : 4 % des fonctionnaires et des contractuels, etc. sont concernés.
Une étude de l’Insee de 2007 montre également que les salariés exerçant des responsabilités d’encadrement, qui ont également moins de chance d’être insatisfaits de leur emploi, ont une probabilité plus élevée de ne pas s’être absentés pour raison de santé dans l’année. Les agents de catégorie A s’arrêtent aussi moins longtemps pour raisons de santé dans l’année que les agents de catégorie B, qui eux-mêmes s’arrêtent moins longtemps que les agents de catégorie C. Or la FPT compte 76 % d’agents en catégorie C, qui exercent donc a priori plutôt des métiers plus difficiles physiquement.
Contraintes physiques intenses et contact avec les situations de détresse
Les salariés absents pour raisons de santé au moins une fois dans l’année déclarent d’ailleurs plus souvent être exposés à des contraintes physiques intenses, dans la fonction publique comme dans le secteur privé. En effet, 34 % des agents de la fonction publique qui n’ont eu aucun arrêt maladie dans l’année sont exposés à au moins 3 contraintes physiques intenses, contre 49 % des agents qui ont fait l’objet d’au moins 3 arrêts.Par ailleurs, les salariés qui n’ont pas eu d’arrêt dans l’année déclarent moins souvent être en contact avec des personnes en situation de détresse que ceux qui ont eu au moins un arrêt, encore une fois dans la fonction publique comme dans le secteur privé.
Autre enseignement du focus sur les absences réalisées par la DGAFP dans le dernier rapport annuel : dans la fonction publique comme dans le secteur privé, plus les salariés ont été absents souvent, plus leurs conditions de travail sont dégradées. Une étude menée à partir de l’enquête Emploi de l’Insee, l’enquête Conditions de travail 2005 et le module complémentaire à l’enquête Emploi 2007 a également montré que les salariés qui subissent des contraintes physiques et psychosociales s’absentent plus souvent, le niveau d’absence augmentant avec le niveau d’exposition. « Le lien pourrait être double : d’une part, les salariés malades pourraient percevoir plus difficilement leurs conditions de travail ; et d’autre part, les conditions de travail difficiles pourraient avoir un impact sur l’état de santé des salariés et donner lieu à des arrêts maladie plus fréquents, ou plus longs », soulignent les auteurs de cette étude.
Manque de reconnaissance
Enfin, l’exposition à un manque de reconnaissance du travail et le nombre d’arrêts maladie pris dans l’année sont fortement liés. Une étude menée à partir d’une cohorte de fonctionnaires britanniques montre que les salariés exposés à une faible justice relationnelle ont un risque accru de connaître des longs épisodes d’absences pour raisons de santé. Il en est de même lorsque le salarié estime ne pas avoir la reconnaissance que méritent ses efforts. En particulier, les salariés absents pour raisons de santé dans l’année sont nettement plus nombreux à ne pas être satisfaits de l’estime que reçoit leur travail ou de leurs perspectives de promotion. Ainsi, dans la fonction publique, 49 % des agents ayant eu au moins 3 arrêts maladie dans l’année déclarent ne pas recevoir l’estime et le respect que mérite leur travail, contre « seulement » 28 % des agents qui n’ont pas été absents pour raisons de santé dans l’année, peut-on lire dans le focus du rapport annuel.De même, 62 % des agents avec 3 arrêts ou plus déclarent que leurs perspectives de promotion ne sont pas satisfaisantes, contre 48 % des agents sans aucun arrêt dans l’année.
Des différences qui encore une fois s’observent tout autant dans le secteur privé…
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