mardi 2 juin 2015

“Le gouvernement doit dire stop au patronat”


publié le 01/06/2015 à 12H34 par Le Journal du Dimanche
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Dans une interview au JDD du 31 mai 2015, Laurent Berger fait le point sur les sujets sociaux du moment, notamment la difficile négociation sur l'avenir des retraites complémentaires.
Vous avez rendez-vous avec Manuel Valls lundi. Qu'en attendez-vous ?
Le sujet est l'emploi dans les PME. Je veux d'abord mettre en garde le Premier ministre contre une idée fausse. Si le chômage ne baisse pas aujourd'hui, malgré le retour de la croissance, ce n'est pas à cause des droits des salariés. Ils ne sont pas responsables de cette reprise sans emploi. Donc nous dirons niet à toute velléité de toucher au contrat de travail. Les solutions sont ailleurs que dans la précarité.
Que proposez-vous pour l'emploi dans les PME ?
L'an dernier, il y a eu un plan de formation pour 100 000 demandeurs d'emploi afin de répondre aux offres de postes non pourvues. Il faut le relancer. Par ailleurs, nous acceptons de parler d'aides ciblées pour l'embauche, dans le cadre du pacte de responsabilité, même si nous sommes contre les dispositifs type zéro charge. Et puis, les PME ont peu de moyens pour la gestion des ressources humaines, à la différence des grands groupes. Il existe des plates-formes régionales que l'on pourrait généraliser.
Il n'y a plus de conférence sociale ni de nouvelle négociation. Vous le déplorez ?
Nous sommes dans un moment où il est difficile de se parler. Par exemple, le Medef considère que la loi Rebsamen sur le dialogue social est un frein à la compétitivité et dans le même temps, la CGT voit dans ce texte un diktat patronal. C'est fou. On se demande où on est. La recherche de compromis est vécue soit comme une entrave, soit comme une trahison. C'est malheureux. Relancer une conférence sociale ciblée sur le compte personnel d'activité promis par le chef de l'État serait pourtant pertinent. Il y aurait aussi à traiter les transitions professionnelles dans le cadre de la COP 21.
On peine à mesurer l'effet des accords sociaux depuis 2012. Comment l'expliquez-vous ?
Dans ce pays, on met vingt ans avant de réformer, on critique toutes les réformes avant leur application, et ensuite on n'en parle plus. Regardez les droits rechargeables pour les demandeurs d'emploi, le compte personnel de formation, le service civique la garantie jeune… On ne met pas en valeur ce qui est positif.
Mais le chômage ne baisse pas.
Et si nous n'avions rien fait? Depuis 2013, on négocie les plans sociaux, suite à un accord national. Nous avons fait baisser le nombre de licenciements et amélioré les reclassements. Autrefois, le recours en justice contestant les plans sociaux était de 30%, il est passé à 5% car une place a été donnée au dialogue social. Qui en parle? Le patronat quémande sans se soucier de ses responsabilités. Le gouvernement doit savoir lui dire stop.
La négociation sur les retraites complémentaires est bloquée. Que se passe-t-il ?
Nous avons découvert les propositions maximalistes du Medef dans la presse. Cela a crispé tout le monde. Maintenant, notre responsabilité est engagée auprès de dizaines de millions de retraités et de salariés. J'insiste sur un point. Rien ni personne ne nous oblige à conclure et nous serons sans doute décriés sur un compromis éventuel. Mais imaginez qu'il n'y ait pas d'accord ? Il faut le dire aux gens : pas d'accord, c'est la baisse durable et programmée des retraites !
Vous voulez aboutir ?
Nous le souhaitons. Il faut pour cela que le patronat assume une part d'effort, que les employeurs contribuent financièrement au redressement. Nous voulons conclure pour le mois de juillet.
Le Medef propose un report à 67 ans du taux plein, avec un abattement des pensions de 40% à 62 ans. Qu'accepteriez-vous ?
Il est hors de question d'aller au-delà de 10%, ce qui est déjà conséquent, et à condition que cela soit temporaire. Par essence, aucun syndicaliste ne s'engage pour traiter ce type de dossier. Je n'ai pas pris ma carte à la CFDT pour cela. Mais ma responsabilité est de faire en sorte qu'on n'envoie pas dans le mur les salariés et les retraités.
Pourquoi la CFDT a-t-elle rallié les opposants à la réforme du temps de travail aux Hôpitaux de Paris ?
Nous avons signé, seuls, un accord sur la réduction de la précarité dans les hôpitaux de Paris, 1 000 contractuels sont titularisés. Or, sur les 35 heures, le directeur de l'AP-HP a communiqué aux médias avant de parler aux principaux intéressés. Sur des sujets aussi sensibles, dans un milieu aussi tendu, on ne peut pas laisser croire que les agents auraient trop d'avantages sociaux. Maintenant, il faut arrêter d'agiter le totem des 35 heures et repartir sur d'autres bases : conditions de travail, organisation du travail. Il faut écouter les agents. Nos hôpitaux vont mal.
Les patrons de PME protestent contre la création de commissions régionales, qui permettraient - le cas échéant - aux syndicats d'entrer dans leur établissement. Que répondez-vous ?
Les commissions régionales sont une avancée pour que tous les salariés aient une représentation. Elles auront, entre autres, une mission de médiation. Cela peut résoudre des conflits. Qui peut être contre? On touche à la conception même des relations sociales, certains préférant l'affrontement stérile au dialogue. Plus on se parle, moins on est en conflit, c'est une règle de vie en société. Là où il y a des délégués du personnel, en général, il y a moins de recours aux prud'hommes.

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