les
partenariats public-privé attirent les critiques :
efficace et indolore en
apparence, ils sont en fait chèrement amortis les années suivantes, sous formes
de loyers élevés payés par la collectivité en échange de l’exploitation et de
l’entretien du site. Marseille devra ainsi 12 millions d’euros à Arema
(Bouygues) pendant 31 ans, et table
sur des recettes de billetterie très optimistes pour compenser la faiblesse du
loyer négocié avec l’OM. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes avait
sévèrement critiqué l’opération, évaluant son
coût final net pour la collectivité à 551 millions d’euros sur 31
ans, soit 18 millions par an. Roland Blum, adjoint au maire de Marseille
délégué aux finances, justifie : “Il n’est pas anormal qu’une grande ville
comme Marseille dispose d’un tel équipement. Il pourrait ensuite être pris en
charge par la métropole. L’opération coûte 18 millions d’euros par an à la
ville, on n’en parle pas.” Et de préciser que les recettes de billetterie sont
déjà supérieures aux prévisions, bien que l’OM ne soit pas en Ligue des
champions.
A Nice, on
avance que “les PPP sont des montages financiers totalement transparents qui
permettent de rendre publics les coûts de conception, de financement, de
construction, d’exploitation et de maintenance d’un équipement ou d’une
infrastructure sur toute la durée du contrat. Ce que la comptabilité publique
ne permet pas aujourd’hui.” Un coût global ? Simple comme un chiffre, “215 M €
HT”. Les avantages ? Maximaux : le PPP permet “d’assurer dans les meilleures
conditions possibles la réalisation d’un ouvrage complexe, de bénéficier d’une
économie pour son financement de l’ordre de 10% par rapport à un tout autre
mode de gestion, d’assurer son utilisation avec un vrai souci de rentabilité,
de stabiliser le projet sportif du club résident et enfin, de récupérer un
équipement en parfait état de fonctionnement au terme des 27 années
d’exploitation.”
La réalité
est beaucoup plus complexe. L’Allianz-Riviera coûtera à la municipalité un
loyer annuel de 8 millions d’euros versé pendant 27 ans à Vinci, qui prend en
charge son entretien et sa maintenance. Une part variable du loyer, de 3 à 4
millions en fonction de la billetterie, sera abondé par l’OGC Nice. Le maire de
Nice Christian Estrosi tablait sur 200 jours d’utilisation du stade, la réalité
serait plus proche de 100 : « Même 100 jours par an, c’est mécaniquement
impossible compte tenu des délais pour monter et démonter les différents
équipements nécessaires à chaque événement », indiquait
Xavier Lortat-Jacob, le président de l’exploitant Nice Eco Stadium. Pour
alléger la facture, un contrat de naming a été conclu
avec Allianz France, qui donne son nom au stade en échange d’un apport de 1,8
millions d’euros par an pendant 9 ans.
En mars, une
enquête préliminaire a été ouverte
“sur d’éventuelles irrégularités financières dans le partenariat public-privé”,
suite d’un signalement de la chambre régionale des comptes.
Rentrées en fonction des résultats
des clubs
Lille et
Bordeaux ont également fait le choix du contrat de partenariat pour
l’édification de leurs nouvelles enceintes sportives. Dans le Nord, le contrat
pour le stade Pierre Mauroy engage la métropole européenne de Lille (MEL) sur
31 ans, jusqu’en 2043. L’intercommunalité devra verser à la société exploitante
Elisa un loyer net annuel de 9 millions d’euros, déductions faites des recettes
attendues de l’exploitation et de la redevance acquittée par le club résident.
Un temps mis en avant, le “naming” – qui consiste à permettre à une entreprise
d’accoler son nom à celui du stade en échange d’espèces sonnantes et
trébuchantes – a été abandonné, faute de candidats. Alain Bernard, le
vice-président de la MEL en charge des finances, qui n’était pas en poste
lorsque le PPP a été retenu, justifie ce choix par la complexité du projet d’un
stade doté d’un toit amovible et d’une pelouse rétractable et par les garanties
apportées sur l’exploitation et l’entretien du stade.
Pour Thierry
Guichard, le chef du projet Nouveau stade Bordeaux, le recours au PPP
s’explique, avant tout, par les contraintes liées à la maîtrise d’ouvrage
publique classique et au code des marchés publics. “Construire ce stade dans
les délais en loi MOP, honnêtement, c’était impossible ! Dans notre contrat,
nous avons une gestion diversifiée et confiée au privé, des recettes
d’exploitation associées et un stade livré à l’heure et sans surcoût : le
résultat est à la hauteur de nos attentes”, se réjouit-il. D’autant, qu’il
assure que la municipalité s’est prémunie contre les aléas financiers et
sportifs qui pourraient découler des mauvaises performances des Girondins de
Bordeaux. Là encore, pour assurer de recettes suffisantes, le mot d’ordre est
la diversification : outre le football, la nouvelle enceinte devrait accueillir
du rugby, des concerts et des séminaires d’entreprises.
Dans tous
les cas, la municipalité, qui a bénéficié à plein de la baisse historique des
taux d’intérêts (près de 2,4 millions d’euros d’économies annuelles), devra, en
plus d’une subvention initiale de 17 millions d’euros, verser à la société
exploitante un loyer net annuel de 1,65 million d’euros pendant 30 ans. Un
montant qui intègre la redevance versée à la ville par le club résident (3,85
millions d’euros), ainsi que les recettes d’exploitation garanties par
l’exploitant. Comme à Lille, le “naming”, qui devait rapporter autour de 2
millions d’euros par an, n’a toujours pas trouvé preneur. En outre, la ville
s’est engagée contractuellement à rembourser, à l’euro près, l’ensemble des
impôts, contributions, taxes et redevances de toute nature pendant toute la
durée du contrat. Ce geste financier conséquent ne passe pas auprès de
l’opposition qui le chiffre à environ 80 millions d’euros. Le conseiller
municipal PS, Matthieu Rouveyre, a d’ailleurs déposé un recours pour annuler le
contrat devant le Conseil d’Etat, qui n’a pas encore rendu sa décision.
Au final,
bien que l’on manque encore de recul pour apprécier la solidité juridique et la
rentabilité financière de ces contrats de partenariat pour les collectivités,
ils sont déjà tant controversés que des sénateurs UMP ont déposé une
proposition de loi au Sénat en juillet 2014 visant à interdire aux
collectivités locales de recourir au PPP pour financer une enceinte sportive,
dans la foulée d’un rapport
leur recommandant de temporiser sur le financement des clubs
sportifs professionnels.
Transports
A Paris, le
stade des Princes sera finalement
rénové à 100% par le privé, en l’occurrence le Qatar, propriétaire
du PSG, à hauteur de 75 millions d’euros HT. Une note de décembre 2013 sur le
financement des stades de l’Euro faisait alors
état de subventions publiques à hauteur de 16,2 millions d’euros,
qui semblent ne plus être d’actualité. La Ville de Paris n’a pas encore répondu
à nos questions.
Un
financement privé n’exclut d’ailleurs pas que la collectivité y aille aussi de
sa poche sur des infrastructures périphériques mais indispensables à son bon
fonctionnement. Ainsi le stade des Lumières de Lyon n’a rien coûté à la ville,
l’OL assurant les 405 millions d’euros de construction du nouvel édifice, moins
une subvention de l’Etat de 20 millions. En revanche, les accès – voiries et
tramway – sont financés par le public, à hauteur de 196 millions d’euros, soit
la moitié du prix du stade, dont 125 millions par la Métropole de Lyon, “comme
nous le faisons d’ailleurs pour n’importe quel projet d’entreprise”,
plaide-t-on à la métro. Le feuilleton judiciaire lancé par des collectifs de citoyens
est toujours en cours.
Chez les
rivaux stéphanois, c’est l’option inverse qui a été retenue.
Saint-Etienne Métropole a pris en charge la rénovation du stade Geoffroy
Guichard en loi MOP. “Pour élaborer un bon PPP il faut pouvoir associer des
recettes annexes pour en diminuer le coût. Or, nous n’avons pas de foncier
disponible autour du stade et notre schéma commercial flèche les activités
commerciales sur d’autre secteurs, donc nous n’avions pas intérêt à recourir au
contrat de partenariat”, explique Roland Goujon, le vice-président de
Saint-Etienne Métropole en charge des équipements d’intérêts communautaires.
Les collectivités ont également dépensé 5 millions d’euros pour l’aménagement
des abords du stade. Enfin, l’AS Saint-Etienne sera aussi mise à contribution
puisque le club devra s’acquitter d’une redevance d’environ 2 millions d’euros
contre 800 000 auparavant.
Les retombées, dans le flou
Autre
argument massue avancé par les collectivités : les retombées économiques. Mais
ces dernières sont incertaines, en particulier en raison des incertitudes liés aux
équipes qui joueront. Comme on le résume avec froideur à Toulouse,”la venue de
l’Espagne n’aurait pas le même impact que celle de la Bosnie”, du coup la ville
rose ne veut pas donner un chiffre, arguant que “pouvoir établir une réponse
qui ait véritablement du sens, en dehors du transport, de l’hôtellerie, de
l’image de la ville, etc. (les retombées habituelles de ce genre d’événement)
il faudrait que l’on sache quelles sont les équipes qui joueront”. La présence
de la France après les phases de poule et la météo sont d’autres variables
d’ajustement.
D’autres
collectivités se refusent à indiquer des chiffres pour les mêmes raisons :
“Nous n’avons pas de chiffres disponibles sur les retombées économiques, c’est
très difficile à mesurer. Ceux qui disent en avoir, c’est bidon”, lance le
bordelais Thierry Guichard, qui met néanmoins en avant le rayonnement européen
en termes d’image et le surplus d’activité économique pour le secteur de
l’hôtellerie-restauration.
A Lille, les retombées potentielles ne sont pas encore chiffrées mais la
métropole s’attend à ce que l’évènement, qui sera soutenu par la mise en place
d’une “fan zone” pour 20 000 spectateurs, soit largement profitable compte-tenu
de la position géographique “privilégiée” du territoire. Et les élus lillois
rappellent que la décision de construire le nouveau stade, inauguré en 2012, a
été prise avant l’attribution de l’Euro à la France. Cette compétition ne sera
donc pas la seule organisée dans la nouvelle enceinte qui accueillera
l’Eurobasket dès le mois de septembre.
De son côté,
Lyon évoque le chiffre de 150 millions d’euros, précisant qu’il s’agit “d’une
estimation qui peut varier en fonction des équipes qui seront tirées au sort”.
A défaut de chiffrage ad hoc, les élus stéphanois peuvent s’appuyer sur le
précédent de la venue du Tour de France en juillet 2014. Selon une évaluation
menée a posteriori, “chaque euro investi par la collectivité a permis de créer
entre 2 et 2,5 euros pour le territoire”, assure Roland Goujon. D’autant qu’en
plus de l’héritage de 2 millions d’euros consenti par l’UEFA pour
l’organisation de l’Euro (lire ci-dessous), celle-ci devrait ajouter pour
chaque ville organisatrice environ deux euros pour chaque ticket d’entrée au
stade pour financer la gratuité des transports pour les supporters. Le coût
pour la collectivité dépendra aussi des animations prévues dans la “fans zone”
qui fera l’objet d’une délégation de service public.
A Marseillle, Roland Blum ne donne pas de chiffres
mais les estime “considérables, plusieurs millions d’euros, comment voulez-vous
le chiffrer ? La Coupe du Monde 98 avait fait connaître la ville à l’étranger,
cela fait venir des touristes.” Aucune enquête n’a été menée sur les retombées
de 98 dans la cité phocéenne. Nice déroule les postes traditionnels de
retombées mais ne donne pas non plus de chiffres. Outre le tourisme, elle
inclut “la mise à disposition du stade auprès de l’UEFA qui permet déjà un
retour sur investissement d’un million d’euros et la dotation de l’UEFA de 2
millions d’euros par ville hôte”.
En effet, l’UEFA a généreusement accordé une enveloppe de 20 millions d’euros aux villes organisatrices (deux millions d’euros par ville), soit 2,2% des 900 millions de bénéfices qu’elle doit récupérer. Des bénéfices qui profitent des avantages fiscaux accordé par la France : suppression de la taxe sur les spectacles et exonération de l’impôt sur les sociétés. Au niveau national, l’UEFA a sorti ses prévisions, au gros doigt très mouillé (pdf) : 1,266 milliards.
En effet, l’UEFA a généreusement accordé une enveloppe de 20 millions d’euros aux villes organisatrices (deux millions d’euros par ville), soit 2,2% des 900 millions de bénéfices qu’elle doit récupérer. Des bénéfices qui profitent des avantages fiscaux accordé par la France : suppression de la taxe sur les spectacles et exonération de l’impôt sur les sociétés. Au niveau national, l’UEFA a sorti ses prévisions, au gros doigt très mouillé (pdf) : 1,266 milliards.
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