mardi 9 juillet 2013

Bombinette :un rapport de l’IGA-IGF plaide pour une péréquation accrue et réformée


Par J. Paquier
Publié le 08/07/2013


Un rapport sur les enjeux et réformes de la péréquation
 financière des collectivités territoriales, rédigé par
 l’IGA et l’IGF et révélé par la Lettre du secteur public,
 préconise de moduler la baisse des dotations 
en fonction de critères péréquateurs.
Les associations d’élus vont encore une fois crier au scandale. Un rapport confidentiel, de l’Inspection générale de l’administration et de celle des finances (IGA-IGF), révélé par la Lettre du secteur public, préconise, en effet, d’indexer la baisse des concours de l’Etat aux collectivités (4,5 milliards sur les deux prochaines années), sur des critères de richesse. 
Autrement dit, les rapporteurs considèrent qu’il faut que cette baisse contribue à réduire les inégalités de ressources entre collectivités, en particulier au sein du bloc communal, où elles sont les plus fortes. Or, depuis l’annonce de la baisse des dotations de l’Etat, les lobbys communaux, (AMF, ACUF, AMGVF), se démènent pour obtenir que la baisse des dotations soit proportionnelle au budget de chaque collectivité, en appliquant un même pourcentage de réduction pour tous.
“Dans tous les cas, la baisse des dotations devrait être compensée, pour les collectivités bénéficiaires de dispositifs de péréquation horizontaux, par la montée en charge de ces derniers, estiment les auteurs de ce rapport, dont la Lettre du secteur public dévoile de larges extraits. En particulier, au sein du bloc communal, une augmentation forte du FPIC inciterait à un infléchissement de la dépense pour les communes contributrices et offrirait un amortissement à la baisse des dotations de l’État pour les communes bénéficiaires.
Si toutefois, la baisse de la DGF était opérée de manière non péréquatrice mais proportionnelle, par diminution de la dotation de base et des parts compensations, cela aurait pour conséquence d’accroître les écarts de richesse ce qui rendrait nécessaire un renforcement de la péréquation », font valoir les rapporteurs. On le voit, l’alternative proposée par les deux inspections est simple à comprendre :
  • soit moduler la baisse des dotations sur des critères péréquateurs, tout en renforçant le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) ;
  • soit ne pas moduler la baisse des dotations sur des critères péréquateurs, mais en renforçant plus encore le Fpic…
Les grandes collectivités, qui estiment que la supériorité de leurs ressources par habitant se justifie par la concentration des pauvretés qu’elles abritent conjuguée avec le poids de leurs charges de centralité auront donc à choisir, si ce rapport est entendu, entre la peste et le choléra..
« Une augmentation des montants destinés à la péréquation horizontale serait d’autant plus pertinente que, globalement, l’efficacité intrinsèque des dispositifs de péréquation horizontale apparaît supérieure à celle des dispositifs de péréquation verticale, poursuivent les auteurs de ce rapport. L’effet péréquateur joue en effet doublement, à la fois sur le prélèvement et sur la redistribution de la ressource. À l’euro déplacé, les dispositifs de péréquation horizontale exercent donc un effet correcteur des écarts de richesse plus important.
Pour la mission, la baisse des dotations de l’État, qui représentera plus de 7 % de la DGF, implique non seulement de renforcer les dispositifs de péréquation mais également de repenser, plus structurellement, les relations financières entre l’État et les collectivités locales. Les marges de progression de la péréquation verticale étant limitées, le renforcement de la péréquation passe par une montée en puissance des dispositifs de péréquation horizontale. Du fait de la stabilisation en valeur de l’enveloppe des concours de l’État aux collectivités territoriales, une augmentation de la DGF à moyen terme s’avère peu probable. L’augmentation des composantes péréquatrices de la DGF ne peut donc plus provenir d’une augmentation nette de son montant.
À défaut d’un abondement des dotations composantes péréquatrices de la DGF par les composantes non péréquatrices, une intensité accrue de la péréquation globale doit passer par un renforcement de la péréquation horizontale. (…) Compte tenu des contraintes financières actuelles, et notamment de la réduction programmée des dotations de l’État, un accroissement rapide de la péréquation horizontale peut apparaître ambitieux. La mission considère toutefois que cette orientation est primordiale au moment où les fractures territoriales s’accélèrent avec la crise économique ».

Trois raisons de renforcer la péréquation

« Trois raisons principales doivent inciter l’État et les collectivités territoriales à maintenir des objectifs ambitieux en matière de péréquation, justifie le rapport.
En premier lieu, la recherche d’une plus grande équité territoriale. Dans un État décentralisé, seuls des mécanismes de péréquation puissants permettent que le niveau de service public offert localement ne varie pas dans des proportions excessives.
En second lieu, l’efficacité économique. En cas d’absence de correction des inégalités de répartition de ressources, la concurrence fiscale entre collectivités est biaisée et aboutit à des situations où les collectivités riches peuvent offrir des services publics très développés et/ou des taux d’imposition bas. Une telle situation est doublement sous-optimale: d’une part, elle aboutit à des phénomènes de concentration de la richesse, certaines collectivités réussissant à attirer à moindre effort des assiettes nouvelles ; d’autre part, elle se traduit, pour les collectivités défavorisées, par des niveaux de dépense publique localement sous-optimaux.
En troisième et dernier lieu, l’équilibre des finances publiques. En effet, la péréquation peut constituer un instrument de maîtrise de la dépense locale. Comme l’a établi le rapport Carrez – Thénault, en 2010, il existe une forte corrélation entre le niveau de ressources d’une collectivité et sa dépense par habitant. En particulier, les dotations auraient le plus fort effet explicatif sur le niveau de la dépense, les “préférences” propres des collectivités n’expliquant que 15 % de l’évolution des dépenses. En l’absence d’une péréquation suffisamment forte, des collectivités ayant des besoins de financement sont conduites à accroître la pression fiscale ou à emprunter. Pour leur part, les collectivités les mieux dotées sont incitées à ancrer un niveau élevé de dépense par habitant. La régulation de la dépense des collectivités territoriales s’opérant au niveau de leurs ressources, une péréquation accrue doit permettre de limiter les dépenses des mieux dotées et tout en favorisant une meilleure adéquation des ressources aux charges des moins bien dotées. La progression de la dépense publique locale serait ainsi limitée de manière supportable », souligne ce rapport.

Simplifier les dispositifs en en réduisant le nombre

Ce rapport confidentiel préconise également de réduire le nombre de dispositifs de péréquation afin d’en renforcer l’efficacité.
« Compte tenu de l’importance des écarts et du très grand nombre de dispositifs parfois contradictoires ou redondants, la mission suggère de commencer en 2014 par une réduction du nombre des dotations et fonds de péréquation communaux (suppression de la DNP et des FDPTP) et par un resserrement des conditions d’attribution des dotations restantes (DSU et DSR).
Une même démarche de resserrement serait entreprise en 2015 pour les dotations de péréquation verticale des départements, la dotation de fonctionnement minimale et la dotation de péréquation urbaine. Les travaux au sein du groupe de travail du comité de finances locales sur la péréquation et les observations et propositions du présent rapport concluent à un renforcement de la péréquation horizontale”

Réformer la DGF

« À terme, peut-on lire dans ce rapport, l’État et les collectivités territoriales ne pourront pas faire l’économie de réformes plus structurelles de la dotation globale de fonctionnement et des dispositifs de péréquation. À moyen terme, le manque de lisibilité de l’architecture des dispositifs de péréquation et les marges de progression limitées de la péréquation verticale appellent une réforme d’ampleur de l’architecture d’ensemble des dotations.
Dans l’esprit de la mission, une telle réforme donnerait davantage de place à la péréquation horizontale, regrouperait et simplifierait les dotations de l’État et, enfin, clarifierait les objectifs recherchés par la péréquation. Le système devrait donc être simplifié, et la DGF réformée ».

Une évaluation systématique des dispositifs

« L’évaluation des dispositifs de péréquation gagnerait à être systématisée et devrait faire l’objet d’un suivi régulier par les pouvoirs publics, soulignent les deux inspections. L’information relative à la correction des différences de potentiel de ressources par rapport aux charges s’avère insuffisante et, par ailleurs, techniquement et politiquement complexe à élaborer.
L’information sur l’évaluation de l’efficacité des dispositifs de péréquation doit être renforcée et portée à la connaissance des parties prenantes pour favoriser la transparence du débat sur la péréquation et l’acceptabilité de ces dispositifs”.

Resserrer les critères d’éligibilité et renforcer l’intercommunalité

« Si les mécanismes de péréquation corrigent une part des écarts de richesse, leur efficacité pourrait être améliorée, rappellent les rapporteurs. Plusieurs points méritent d’être relevés : la dispersion des potentiels fiscaux par habitant est beaucoup plus forte au niveau des communes qu’au niveau des départements et des régions, notamment en raison de la part des petites communes.
Les écarts de richesses après répartition des dotations et fonds de péréquation demeurent nettement plus élevés au sein du bloc communal qu’entre les départements et qu’entre les régions.
Au sein du bloc communal, d’importantes marges de progression de la péréquation semblent exister, principalement par la réduction du nombre de dispositifs et par le renforcement de l’intégration au sein de l’intercommunalité.
Les critères d’éligibilité, relativement larges, retenus pour les dotations péréquatrices favorisent une logique de dispersion qui atténue les effets correcteurs des inégalités de potentiel fiscal par habitant des collectivités.
En particulier, les dotations de péréquation à destination du bloc communal se caractérisent par le grand nombre de leurs bénéficiaires et donc un “saupoudrage” des dotations facteur d’inefficiences : 78 % des communes de plus de 10000 habitants étaient éligibles à la DSU en 2012 (soit 758 communes sur 972). (…) 97 % des communes de moins de 10 000 habitants étaient éligibles à la DSR en 2012, soit 34 634 communes sur 35 599.
L’efficacité péréquatrice des dotations verticales pourrait être renforcée par un resserrement de leurs conditions d’éligibilité, la suppression des dispositifs les moins efficaces et l’augmentation des dispositifs les plus efficaces, jugent les rapporteurs.
Pour répondre à la préoccupation des élus de garantir une relative stabilité de leur budget local, les dotations de péréquation comportent souvent des mécanismes de garantie. Si la logique de ces mécanismes de garantie peut être acceptée, leur application trop large vient réduire les montants alloués à la péréquation et vient rigidifier les dispositifs”, poursuivent-ils.

Un système actuel peu lisible et partiellement inefficient

« Le système de péréquation présente d’importantes faiblesses structurelles en raison de sa faible lisibilité et de certaines inefficiences, souligne le rapport. Le recensement des mécanismes de péréquation est un exercice complexe :
Certaines dotations, qui n’ont pas un objectif péréquateur explicite, contribuent à réduire les écarts de potentiels de ressources entre collectivités. Il s’agit des composantes non explicitement péréquatrices de la DGF comme la dotation de base, qui est calculée en fonction de la population de la collectivité. En effet, la part forfaitaire de la DGF intègre d’anciennes dotations de péréquations supprimées lors des précédentes réformes de la DGF qui poursuivent leurs effets ;
D’autres concours financiers de l’État sont attribués de manière péréquatrice, comme le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDl), la dotation globale d’équipement des départements (DGE), la dotation de développement urbain (DDU) ou la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), sans que la question de leur complémentarité avec les dispositifs de péréquation ne soit analysée ; la distinction entre la péréquation verticale et la péréquation horizontale perd en pertinence avec la diminution du montant de la DGF. La croissance des dotations de péréquation verticale s’inscrit en effet dans le cadre de l’enveloppe normée ; cette dernière étant désormais figée, la progression de la péréquation verticale est financée par une baisse des variables d’ajustement, c’est-à-dire indirectement par les collectivités territoriales elles-mêmes selon une logique horizontale.
La péréquation verticale (fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle – FDPTP – inclus), qui passe par l’attribution de dotations de l’État en fonction de critères de ressources et de charges, représente 8,0 milliards d’euros en 2013, soit 88,8 % du total des dispositifs ayant une finalité explicitement péréquatrice.
La péréquation horizontale, qui consiste à prélever une fraction des ressources fiscales pour les reverser à des collectivités territoriales moins favorisées, représente 1,0 milliard d’euros en 2013, soit 11,2 % des dispositifs de péréquation.
Les dispositifs de péréquation verticale ont connu une croissance rapide depuis 2004 :
- Les composantes péréquatrices de la DGF ont augmenté plus rapidement que la DGF. Pour l’année 2013, elles représentent ainsi 18,2 % du montant total de la DGF.
Entre 2004 et 2013, la masse totale péréquée a été multipliée par 1,7 soit une hausse de 3 milliards d’euros;
- Les ressources consacrées à la Dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la Dotation de solidarité rurale (DSR) ont été multipliées par deux sur la même période.
Les principaux dispositifs concernent le bloc communal. Il concentre ainsi près de 78 % des volumes financiers, contre un poids dans les ressources locales de 58 %. Cette prépondérance du bloc communal s’explique en partie par le fait que les inégalités entre communes sont plus importantes que celles existant entre départements ou régions. Les écarts de richesses, évalués sur la base du potentiel fiscal par habitant, s’établissaient en 2008, de 1 à 5 pour les départements, de 1 à 3 pour les régions et dans des proportions beaucoup plus fortes pour les communes prises isolément (les écarts ne sont toutefois plus que de 1 à 3 lorsque l’on effectue les comparaisons par strate de population).
Par ailleurs, la montée en puissance de l’intercommunalité depuis la loi du 12 juillet 1999 aboutit, à travers la dotation d’intercommunalité (2,7 milliards d’euros en 2013) à placer l’intercommunalité au cœur du dispositif du bloc communal de péréquation. Cette tendance est confirmée par les modalités de fonctionnement du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) crée par l’article 144 de la loi de finances initiale pour 2012 et dont le montant atteint 360 millions d’euros en 2013.
La complexité croissante des dispositifs et des critères de répartition dégrade leur cohérence et leur lisibilité.Construit sur une accumulation successive de dispositifs, le système français de péréquation manque de lisibilité. Le système actuel de péréquation s’organise actuellement autour de quatorze fonds et dotations, dont huit sont rattachés à la péréquation verticale et six à la péréquation horizontale
Cette architecture complexe n’est pas satisfaisante, En premier lieu, ces fonds ont été créés sans cohérence d’ensemble, au fil des réformes de la fiscalité locale, Récemment, la création de dispositifs s’est accélérée (sept dispositifs modifiés ou créés en cinq ans). La mise en œuvre de la péréquation suppose de disposer de critères pour mesurer les inégalités, que ce soit pour l’éligibilité aux dispositifs ou la répartition des ressources. Chaque mécanisme de péréquation étant fondé sur des critères différents de mesure des inégalités, il devient très complexe d’analyser l’effet global de ces dispositifs, le foisonnement de critères, qui résulte lui-même de l’accumulation de dispositifs, limite non seulement les possibilités d’évaluation du dispositif de péréquation mais nuit également à sa crédibilité.
La complémentarité entre la péréquation verticale et la péréquation horizontale est insuffisamment analysée. Les deux types de péréquation peuvent conduire à des effets contraires. De même, la pleine cohérence des dispositifs de péréquation actuels ne peut être garantie, une même collectivité pouvant à la fois être contributrice au titre d’un dispositif et bénéficiaire à un autre titre. L’information sur l’évaluation de l’efficacité des dispositifs de péréquation doit être renforcée et portée à la connaissance des parties prenantes pour favoriser la transparence du débat sur la péréquation et l’acceptabilité de ces dispositifs.Les critères d’éligibilité, relativement larges, retenus pour les dotations péréquatrices favorisent une logique de dispersion qui atténue les effets correcteurs des inégalités de potentiel fiscal par habitant des collectivités.
En particulier, les dotations de péréquation à destination du bloc communal se caractérisent par le grand nombre de leurs bénéficiaires et donc un “saupoudrage” des dotations facteur d’inefficiences : 78 % des communes de plus de 10000 habitants étaient éligibles à la DSU en 2012 (soit 758 communes sur 972). (…) 97 % des communes de moins de 10 000 habitants étaient éligibles à la DSR en 2012, soit 34 634 communes sur 35 599.”L’efficacité péréquatrice des dotations verticales pourrait être renforcée par un resserrement de leurs conditions d’éligibilité, la suppression des dispositifs les moins efficaces et l’augmentation des dispositifs les plus efficaces.
Pour répondre à la préoccupation des élus de garantir une relative stabilité de leur budget local, les dotations de péréquation comportent souvent des mécanismes de garantie. Si la logique de ces mécanismes de garantie peut être acceptée, leur application trop large vient réduire les montants alloués à la péréquation et vient rigidifier les dispositifs, estiment les auteurs de ce rapport. L’ampleur de la tâche nécessitent qu’une réflexion s’engage en 2015 pour aboutir en 2016 à une sortie négociée de la période actuelle dans le cadre du pacte de confiance et de solidarité”.

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