Le rapporteur public de la cour administrative d'appel
de Marseille a conclu mardi 11 février au "harcèlement
moral" de la ville de Béziers à l'encontre d'un ancien
employé municipal qui s'est suicidé en 2003 après avoir
tué sa femme et ses deux enfants.
« La commune de Béziers a multiplié les fautes, engageant sa responsabilité, ses agissements ont altéré la santé psychologique de Jean-Michel Rieux (l’agent municipal, ndlr) dans des conditions telles qu’ils l’ont conduit à ce suicide altruiste, ce geste par lequel on emmène à la mort des êtres chers qu’on ne veut pas abandonner dans un monde hostile », a lancé Isabelle Hogedez, rapporteur public, considérant qu’il y avait « un lien direct » entre ce drame et le « harcèlement moral » de la ville.
Mme Hogedez a également conclu au versement de 30.000 euros de dommages-intérêts aux parents de Jean-Michel, présents à l’audience mardi 11 février, en réparation des préjudices subis par leur fils, et de 10.000 euros à chacun d’entre eux pour le préjudice moral.
Harcèlement pas prouvé en première instance - En première instance, le tribunal administratif de Montpellier avait jugé en février 2011 que le harcèlement moral n’était pas prouvé.
Jean-Michel Rieux s’est suicidé le 12 mars 2003 à l’âge de 34 ans dans sa cellule de la prison de Perpignan, où il était incarcéré après avoir tué quelques jours plus tôt, le 28 février, sa femme de 34 ans et ses deux enfants de cinq et sept ans.
Le rapporteur public a dressé mardi le tableau des « humiliations » et du climat de « violence psychologique » qu’avait subis cet ancien agent municipal recruté en 1994 au service des espaces verts, essentiellement entre 2000 et 2003. Et de lister notamment un refus de promotion alors qu’il avait réussi les concours internes, des affiches « grossières et injurieuses » à son encontre dans son service, en allusion notamment aux origines algériennes de sa femme et maintenues pendant trois semaines avant d’être retirées, des brimades syndicales, puis l’affectation de force au service déchetterie « un poste réputé difficile, conflictuel avec les usagers » et « imposant qu’il travaille le week-end, comme sa femme » ce qui posait des problèmes de garde d’enfants.
Série d’humiliations - La mairie n’aurait pas non plus pris en considération les nombreux avis du médecin du travail, qui l’avait alertée des « difficultés sérieuses » de M. Rieux, a souligné le rapporteur public. Le médecin, Marie-Hèlène Delhon, était également présent à l’audience, en soutien des parents. Elle a publié un livre en 2012 où elle reprend l’ensemble de cette histoire.
« Nous comprenons la douleur de la famille, personne ne peut être insensible à ce drame. (…) Mais je suis choqué, car personne, jusqu’à présent, malgré de nombreuses investigations, n’était allé jusqu’à dire que la commune de Béziers était responsable de la mort de Jean-Michel Rieux! Vous faites un rapport uniquement à charge! », a répliqué l’avocat de la ville, Christian Dumont, rappelant le non-lieu prononcé au pénal dans cette affaire et assurant que M. Rieux était en réalité « malade, mal dans sa tête ».
Les conclusions du rapporteur public ont en revanche « totalement satisfait » le défenseur de la famille, Régis Constans. « La vérité a été masquée pendant longtemps par ce dénouement dramatique. On est parti du constat que, les faits étant monstrueux, on avait affaire à un monstre. Cette version des faits arrangeait bien la commune de Béziers, et à aucun moment on n’a cherché à comprendre comment un être normal a pu commettre un acte aussi horrible », a-t-il dit.
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