samedi 15 février 2014

Le Conseil constitutionnel a mis fin jeudi 13 février aux derniers espoirs des partisans du cumul – surnommés péjorativement les « cumulards » – en validant la loi interdisant ce cumul, définitivement votée le 22 janvier au parlement malgré l’hostilité de la droite et d’une petite partie de la majorité de gauche.

Feu vert constitutionnel au non-cumul 

des mandats à partir de 2017

Par A. l'AFP
Publié le 14/02/2014

Sujet de controverse depuis des années et symbole de 
modernisation de la vie politique, le non-cumul d'un
 mandat parlementaire avec une fonction exécutive
 locale entrera bel et bien en vigueur, mais seulement en 2017.
Le Conseil constitutionnel a mis fin jeudi 13 février aux derniers espoirs des partisans du cumul – surnommés péjorativement les « cumulards » – en validant la loi interdisant ce cumul, définitivement votée le 22 janvier au parlement malgré l’hostilité de la droite et d’une petite partie de la majorité de gauche.
Dans ses voeux aux assemblées le 21 janvier, le président François Hollande a prédit que cette réforme, qui aligne la France sur toutes les grandes démocraties, sera « irréversible », en dépit de déclarations de députés UMP, tel Daniel Fasquelle, promettant de « revenir dessus » en cas de retour au pouvoir.
L’interdiction s’appliquera selon la loi pour toutes les élections prévues à partir du 31 mars 2017, et de la même façon pour tous les parlementaires.
Loi en application après le 31 mars 2017 - La loi s’appliquant « à compter du renouvellement de l’assemblée suivant le 31 mars 2017″, la prohibition sera effective pour les députés et les sénateurs en 2017 et pour les députés européens en 2019. Au grand dam du président du groupe PS au Sénat, François Rebsamen. Si je suis réélu maire de Dijon en mars et sénateur en septembre, « jusqu’en 2020, je peux cumuler », avançait-il en janvier, au nom d’une interprétation écartée par le Conseil constitutionnel.
Conséquences concrètes de la loi, il sera interdit d’être à la fois député, ou sénateur, ou député européen et en même temps maire d’une ville ou président ou vice-président d’une intercommunalité, d’un Conseil général ou régional, ou même membre du conseil d’administration d’une société d’économie mixte.
Incompatibilités loisibles au législateur – Le Conseil constitutionnel « a jugé qu’il était loisible au législateur de poser de telles incompatibilités », selon un communiqué des neuf juges. Il a étendu l’application de la loi aux fonctions de vice-président de l’Assemblée de Corse.
Néanmoins, tout parlementaire pourra continuer à être conseiller municipal, départemental ou régional.
Actuellement, 60% des parlementaires cumulent ce mandat avec une fonction exécutive locale, et rares sont ceux qui anticipent le nouveau régime. Parmi les 577 députés, 244 au moins veulent rester ou devenir maires et se présentent ou se représentent aux élections municipales du mois de mars.
Ainsi, à Marseille, le sénateur UMP Jean-Claude Gaudin brigue un quatrième mandat de maire et son challenger socialiste Patrick Mennucci entend conserver son mandat de député s’il est élu à la mairie le mois prochain.
Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, qui avait défendu la réforme au parlement et « se félicite » de sa validation constitutionnelle, estime pourtant qu’elle « commence d’ores et déjà à produire ses effets » pour les municipales.
« atteinte au bicamérisme » - La loi avait été votée définitivement par l’Assemblée nationale par 313 voix (socialistes, écologistes et communistes), contre 225 (UMP, centristes, radicaux de gauche) et 14 abstentions.
132 sénateurs UMP et UDI-UC, mais aussi de la majorité gouvernementale, RDSE (à majorité PRG) avaient saisi le Conseil constitutionnel, dénonçant une « atteinte au bicamérisme ». Ils estimaient notamment que la loi aurait dû être adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat.
« Renouvellement des générations » - En dépit de pressions au sein du PS, le gouvernement avait décidé de ne faire entrer en vigueur le cumul qu’à partir de 2017 en raison, selon lui, d’un risque d’inconstitutionnalité si la loi devait s’appliquer immédiatement. Les partisans du non-cumul faisaient valoir, tels le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qu’il permettrait « la diversité des candidatures, un renouvellement de générations, davantage de parité ».
Ses adversaires avançaient que renoncer à une mairie, par exemple, « coupera de la réalité du terrain » les élus. Le non-cumul, ont-ils aussi plaidé, « mettra les élus à la merci des appareils politiques », car ils ne pourront plus s’appuyer sur leur implantation locale pour garder une certaine indépendance à l’égard de l’exécutif.
Certains spécialistes de droit constitutionnel soutenaient aussi que, paradoxalement, cette réforme renforcerait le président de la République, dans la mesure où les députés sont élus dans la foulée de l’élection présidentielle, et presque toujours majoritairement choisis parmi ceux qui ont fait campagne pour le président élu.

Les réactions à la décision du Conseil constitutionnel

- Manuel Valls, ministre de l’Intérieur: « Cette décision vient confirmer la position soutenue par le ministre de l’Intérieur tout au long de la discussion parlementaire de ce texte. Cette loi s’applique à tous les parlementaires, députés comme sénateurs, en même temps et dans les mêmes conditions. Les sénateurs ne pouvaient être exclus des dispositions de cette loi (…) Prétendre le contraire, c’était se tromper de Constitution et de République. Par ailleurs, la décision du Conseil Constitutionnel confirme la date d’effet de la loi telle qu’elle était proposée par le gouvernement : juin 2017 pour les députés, septembre 2017 pour tous les sénateurs (…) Mais cette loi commence d’ores et déjà à produire ses effets dès les prochaines élections locales (…) La promulgation de la loi interdisant le cumul des mandats marque l’aboutissement d’un processus de modernisation de notre démocratie menée par Manuel Valls depuis sa nomination au ministère de l’Intérieur. » (communiqué)
- François Sauvadet, vice-président du groupe UDI à l’Assemblée: « Au cours de ses voeux à la presse, le 23 janvier 2014, François Rebsamen (chef de file des sénateurs socialistes, ndlr) a adressé ce qu’il voulait être un pied de nez au gouvernement en affirmant: « Jusqu’en 2020, je peux cumuler les fonctions de sénateur et de maire » (…) Cette affirmation complètement fausse vient d’être infirmée par le Conseil Constitutionnel lui-même. (…) Venant d’un juriste de formation, cette erreur grossière surprend et deux hypothèses sont envisageables. La première hypothèse serait que le Président du groupe socialiste au Sénat n’est pas en mesure de connaître la nature et les effets des textes qu’il vote. Et ce alors même qu’il s’agit-là d’un texte sur lequel il a travaillé et bataillé avec le plus d’acharnement ! La seconde hypothèse, c’est que M. Rebsamen cherche à dissimuler qu’il ne pourrait pas effectuer ses deux mandats jusqu’à leur terme : dans l’éventualité où il serait réélu maire puis sénateur en septembre 2014, il devra abandonner l’un de ces mandats à peine trois ans plus tard! » (communiqué)
- Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée: « Les arguties juridiques, que la droite n’a cessé de brandir tout au long du débat, ont été balayées. Elle n’étaient que le cache misère des conceptions archaïques de l’UMP. Cette séparation des mandats va changer le visage de notre démocratie. Le Parlement va voir son rôle renforcé avec des élus totalement investis à leur mission. La rotation des responsabilités favorisera l’émergence des nouvelles générations et les citoyens auront des institutions plus claires et plus transparentes. En votant cette grande avancée démocratique, les députés de la gauche ont montré qu’ils plaçaient l’intérêt du pays bien au-dessus des commodités personnelles. Ce doit être une source de confiance pour les citoyens envers leurs représentants. » (communiqué)
- Christophe Borgel (PS), rapporteur de la loi sur le non-cumul à l’Assemblée: « Cette loi, et c’était là le principal enjeu de la décision du Conseil constitutionnel, s’appliquera bien à l’ensemble des parlementaires, députés comme sénateurs. Nous entrerons ainsi dans une nouvelle ère de l’exercice du mandat parlementaire qui sera celle du mandat à temps plein. C’est une réforme attendue de nos concitoyens qui mettra fin à cette exception culturelle bien française qui conduit aujourd’hui six parlementaires sur dix à cumuler leur mandat avec une fonction exécutive locale. Mon pronostic, c’est que cette réforme renforcera le pouvoir du Parlement en permettant aux parlementaires, députés et sénateurs, de se consacrer pleinement aux prérogatives que leur confère la Constitution (…) C’était, reconnaissons-le, le dernier espoir des opposants au non-cumul des mandats, espoir déçu, ce dont je me félicite. En devenant une loi de la République, cette réforme va pouvoir insuffler un vent nouveau dans la vie démocratique du pays. » 

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