Edouard Martin : premiers pas remarqués dans l’arène politique de l’homme de Florange
L’ex-leader de la CFDT à Florange devenu candidat aux européennes est intervenu ce samedi au rassemblement des secrétaires de section du PS. S’il dit encore avoir « tout à apprendre » sur la politique, il ne mâche déjà pas ses mots. Il n'a salué ni François Hollande ni Harlem Désir, mais a dit son admiration pour Catherine Trautmann, numéro deux sur sa liste.
Edouard Martin, l'ex-syndicaliste de Florange numéro un de la liste PS dans l'Est pour les européennes, a dit samedi sa "fierté" qu'un parti demande à un ouvrier d'être tête de liste, lors d'un discours chaleureusement applaudi par les troupes socialistes réunies à Paris.
"Je veux vous dire combien je suis fier que ce soit le PS qui demande à un ouvrier d'être tête de liste sur les listes pour les européennes", a-t-il déclaré devant quelques centaines de secrétaires de section réunis à la Mutualité. "Je veux vous saluer chaleureusement vous toutes et tous, militants du Parti socialiste, même si je n'en suis pas..., en tout cas pas encore", a-t-il ajouté, sans précision, lors d'un discours qui a reçu une ovation debout des personnes présentes.
Devant la presse auparavant, il avait assuré qu'il était "socialiste" mais précisé qu'il n'avait pas pris sa carte. "Pour moi, le PS ça représente beaucoup, en tout cas énormément, c'est l'esprit de Jaurès, mais pas seulement", a-t-il dit saluant les "grandes avancées sociales" de 1981 comme la 5e semaine de congés payés et l'abolition de la peine de mort, mais sans citer une seule fois François Hollande ni l'action du gouvernement depuis 20 mois.
Se disant "européen convaincu" et grand partisan de la "démocratie sociale" et du "dialogue social", il a plaidé pour une "Europe à visage humain, social", menant des politiques "au service des citoyens européens". Sans mentionner une seule fois non plus le nom du Premier secrétaire Harlem Désir, il a en revanche dit sa "grande admiration" pour Catherine Trautmann, qui a dû lui céder sa place et est désormais numéro deux sur sa liste.
Dans l’après-midi du samedi 1er février, à la Mutualité à Paris, Edouard Martin a donc fait ses premiers pas dans l’arène politique. Le PS rassemble toute la journée ses secrétaires de section pour préparer les échéances électorales : le matin les municipales de mars, l’après-midi les européennes de mai. Propulsé tête de liste dans le Grand Est , l’ancien leader CFDT de Florange est intervenu après le premier secrétaire du parti Harlem Désir et le candidat des socialistes européens à la Commission, l’Allemand Martin Schulz. Une tribune de choix pour l’ex-syndicaliste dontla rue de Solferino et l’Elysée espèrent faire un double antidote : à la percée du Front national dans l’Est de la France et à la coupure entre l’exécutif et le monde ouvrier.
Edouard Martin n’avait pas préparé de discours - « Je n’écris jamais mes interventions », confie-t-il - mais il savait avant son intervention qu’un sujet serait incontournable : pourquoi est-il passé du syndicalisme à la politique ? Comment est-il passé en un an de la dénonciation de la « trahison » de François Hollande à Florange à une candidature en tête d’une liste socialiste ? Il avait bien sûr déjà donné des réponses, lors de son ralliement en décembre : « Poursuivre le combat pour l’industrie à un autre niveau », les ouvriers des hauts fourneaux tous recasés et le nouveau centre de recherche sur la sidérurgie promis par François Hollande dans la vallée de la Fensch... Mais il sait aussi que la question n’a pas fini de lui être posée.
« Ces gens-là nous infantilisent »
Ses réponses sont, selon les publics, différenciées. Lorsqu’il s’agit de répondre à d’autres politiques, notamment ses futurs adversaires aux européennes, l’UMP Nadine Morano qui l’a traité de « syndicaliste vendu à la gauche » ou le FN Florian Philippot qui en a fait « une incarnation de la trahison », Edouard Martin fonce. « Ce qu’ils mettent en cause, c’est la légitimité d’un ouvrier à être tête de liste. Ces gens-là nous infantilisent », dit-il. Aussi a-t-il bien l’intention, à la Mutualité, de défendre cette « légitimité ». Une manière de prendre ses adversaires par leur point faible.
Mais lorsque les critiques ou les réserves émanent d’ailleurs, d’autres syndicalistes ou de simples citoyens pour qui il était devenu un symbole, l’homme de Florange étoffe son propos. Oui, il « peut comprendre que certaines personnes soient déboussolées ». Une pause puis il reprend : « Mais en quoi, j’ai trahi la classe ouvrière ? Le conflit, on l’a mené jusqu’au bout ! En juillet, on bloquait encore des trains ». Une pause encore, puis cette phrase dont on sent qu’elle a été, celle-là, préparée : « Mon entrée en politique n’est pas un reniement, mais une suite logique ». Pour « continuer le combat ailleurs »...
« Pas le VRP de la politique de Hollande »
Si cette dimension-là a son importance - au risque peut-être de surestimer le pouvoir des politiques - il n’y a bien sûr pas que cela. Après Gandrange, après Florange, Edouard Martin ne voulait « plus travailler pour Mittal ». Il avait d’autres opportunités - à la CFDT notamment - et il a songé à « mener une vie normale ». Puis il a choisi tout le contraire. « La liberté de parole et d’action, j’y ai pris goût », concède-t-il. Alors qu’on doute qu’il puisse être libre en politique, l’ancien syndicaliste y tient mordicus. « Ne pas avoir à jouer les VRP de la politique de Hollande » est l’une des trois conditions qu’il a posées avant d’accepter l’offre du PS. « Mais on ne te demande pas de lui taper dessus à tire-larigot », lui a-t-on répondu rue de Solférino.
Le combat d’Edouard Martin pour Florange et ses interpellations des politiques ont pu donner de lui une image - un peu romantique - de « révolutionnaire ». C’est une erreur. Son engagement à la CFDT, c’était du « réformisme ». Encore faut-il s’entendre sur la conception du réformisme. « Moi, je ne suis pas social-démocrate, je suis socialiste », lâche-t-il en référence au récent « outing » du chef de l’Etat. Il a déjà dit le mal qu’il pensait du pacte de responsabilité - « Il y en a assez de faire des cadeaux aux patrons ». Et il prévient désormais que lui député européen, il « ne votera jamais pour Michel Barnier à la tête de la commission européenne ». Même si la France était tentée de soutenir l’ancien ministre UMP.
Le défi du FN
Face au défi électoral qui l’attend, l’ex-syndicaliste évite toute fanfaronnade. Veut-il relever le gant pour contrer la progression du FN dans l’Est ? Cela a beau être un souci de longue date chez lui, il explique, prudent : « Il y a un vrai sentiment de colère par rapport aux politiques et de rejet de l’Europe et ce n’est pas Edouard Martin qui va changer les choses ». Quant au parlement européen, « J’ai tout à apprendre, j’en ai conscience » dit-il. Deuxième sur la liste, la députée sortante Catherine Trautmann veille à son initiation. La semaine prochaine, ils vont passer deux jours ensemble à Strasbourg.
L’ex-syndicaliste a prévu de faire campagne en utilisant, à partir de fin mars, le compte épargne-temps ouvert il y a huit ans chez ArcelorMittal. Il n’est plus permanent syndical et il a donc demandé à être réaffecté au travail de l’acier à Florange. Poste que la direction ne lui a pas trouvé même s’il est toujours payé. « Mais j’y vais quand même, je veux être clean », précise-t-il d’emblée. Parce qu’« en général, on pardonne peu aux gens, mais à moi encore moins »...
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