lundi 25 janvier 2016

Sur les recrutements sans concours des agents de catégorie C, le gouvernement souhaite que chaque jury de recrutement compte une « personnalité extérieure ». Pour Claire Le Callonec, secrétaire générale d’Interco-CFDT, une telle mesure présente l’avantage d’aller dans le sens d’un renforcement des bonnes manières de recruter.

Projet de loi « déontologie des fonctionnaires » au Sénat : à quoi faut-il s’attendre ?

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Contractuels, listes d’aptitude, dispositifs déontologiques, sanctions disciplinaires, rôle des centres de gestion, apprentissage, dialogue social, cumul d'activité… les débats s’annoncent denses au Sénat sur le projet de loi « déontologie », dont l’examen commence mardi 26 janvier 2016.
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L’examen au Sénat du projet de loi « déontologie » doit débuter mardi 26 janvier. Le texte, qui avait été initialement déposé en juillet 2013, a subi de nombreuses modifications. Il a été allégé en juin 2015 par lettre rectificative. Une procédure accélérée (une seule lecture par chambre) a été prononcée. Mais l’examen à l’Assemblée nationale a abouti à de nouveaux ajouts, concernant notamment les contractuels.

Le Sénat, par le biais de sa commission des lois, a aussi apporté sa patte, et devrait continuer de le faire ce mardi, ce qui en fait un projet de loi « fourre-tout » selon certains observateurs.

Sanctions disciplinaires

Pas moins de 176 amendements doivent être examinés mardi et/ou mercredi. Les syndicats de la fonction publique attendent une modification importante concernant le régime de sanctions disciplinaires. Ils ont adressé le 13 janvier à la ministre et aux rapporteurs des assemblées un courrier demandant que l’exclusion temporaire de trois jours figure dans les sanctions du deuxième groupe, non du premier. « C’est un projet de loi sur les droits et les devoirs des fonctionnaires. Il ne faudrait pas oublier cette première partie », argumente notamment Luc Farré, secrétaire général de l’Unsa Fonction publique.
De son côté, l’Association des DRH des grandes collectivités, qui a envoyé un courrier au rapporteur au Sénat Alain Vasselle, estime que l’exclusion de trois jours doit plutôt faire partie du premier groupe, ce qui exclut la possibilité de saisir le conseil de discipline.
« Nous estimons que les exclusions représentent environ 25 % des procédures disciplinaires. Il n’est donc pas concevable de réunir pour chacune un conseil de discipline, notamment en raison de la lourdeur de saisine de cette instance », indique le président de l’Association, Johan Theuret.
Les syndicats souhaitent également la réintroduction du juge administratif lorsque les commissions administratives paritaires siègent en conseil de discipline. La présence du magistrat « permet, le plus souvent, de préserver la neutralité, l’impartialité et la sérénité des débats », argumente aussi la commission « fonction publique territoriale et ressources humaines » de l’Association des maires de France dans une note au rapporteur.

Quelles nouveautés pour les contractuels ?

Le projet de loi apporte en outre des modifications pour les contractuels. Il devrait notamment permettre la mise en mise en place des commissions consultatives paritaires (CCP) dans la FPT.
Parmi les mesures attendues par les syndicats, la suppression de l’allongement de deux ans à trois ans de la durée maximale des contrats conclus, dans la territoriale, pour vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.
Le gouvernement a déposé un amendement en ce sens.
De son côté, l’Association des DRH des grandes collectivités milite pour une durée de trois ans. « Il y aurait lieu de prévoir au moins trois ans de contrats (soit le renouvellement non pas une fois mais deux fois du contrat initial) pour permettre aux agents de passer réellement des concours, qui ne sont organisés actuellement que tous les deux ans ». Par ailleurs, certains métiers de la fonction publique ont des difficultés à être pourvus et la possibilité de ne renouveler qu’une seule fois un contrat « fait peser des contraintes supplémentaires sur des métiers déjà en tension », estime l’association.
Le projet de loi « déontologie » devra également trancher sur la question du maintien ou non de l’intérim dans la fonction publique. Un sujet qui « interroge fortement à propos des questions de déontologie et de droits et obligations applicables aux agentes et agents exerçant des missions de service public », souligne dans un communiqué la FA-FP, qui insiste sur le coût de ce dispositif.

Vers un nouveau dispositif pour les reçus-collés ?

La commission des lois du Sénat est également revenue sur les mesures en faveur des listes d’aptitude. Elle a supprimé l’allongement de la durée de validité de l’inscription sur les listes d’aptitude au profit d’un système où les candidats seraient tenus de justifier chaque année leur maintien sur les listes d’aptitude.
Le Sénat ou la commission mixte paritaire devront trancher.

Recrutements sans concours des agents de catégorie C

Sur les recrutements sans concours des agents de catégorie C, le gouvernement souhaite que chaque jury de recrutement compte une « personnalité extérieure ». Pour Claire Le Callonec, secrétaire générale d’Interco-CFDT, une telle mesure présente l’avantage d’aller dans le sens d’un renforcement des bonnes manières de recruter.
Dans sa note au rapporteur, l’Association des maires de France estime pour sa part « qu’il ne peut être soutenu sérieusement que les collectivités auraient besoin d’être « épaulées » dans leurs politiques de recrutement, sauf à considérer qu’elles seraient incompétentes ou qu’elles n’établiraient aucun critère de sélection des candidats aux postes qu’elles proposent, ce qui plus de trente ans après le premier mouvement de décentralisation témoigne d’un manque de confiance dans les élus. » Les employeurs locaux s’interrogent en outre sur la faisabilité d’une telle mesure, estimant qu’elle relève d’un « formalisme excessif » et instaure « une tutelle qui ne dit pas son nom ».

Centres de gestion : un rôle en partie renforcé

La commission des lois, via le rapporteur, a introduit des dispositions en faveur des centres de gestion. Dans un amendement, le gouvernement se dit favorable au renforcement des missions obligatoires des CDG (tenue du dossier individuel, secrétariat des commissions consultatives paritaires et gestion administrative des comptes épargne-temps), dès lors qu’elles sont centrées sur la gestion des ressources humaines, ainsi qu’à l’extension des missions mutualisées à un niveau au moins régional (organisation des concours et examens professionnels, publicité des créations et vacances d’emploi, prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emploi et reclassement des fonctionnaires devenus inaptes à l’exercice de leurs fonctions pour les agents de catégorie B).
L’amendement propose également de compléter les missions des centres de gestion, par souci de mutualisation, en étendant l’une des missions du « bloc insécable » destiné aux collectivités affiliées et aux collectivités adhérentes à ce bloc : l’assistance juridique statutaire à la fonction de référent déontologue.
En revanche, le relèvement du seuil d’affiliation fixé à 300 fonctionnaires pour les communes appartenant à une communauté de communes à taxe professionnelle unique, souhaité par les CDG, mériterait selon le gouvernement d’être réexaminé à la lueur de la nouvelle carte intercommunale.
Et l’extension des missions facultatives des centres de gestion à toute tâche administrative, organisationnelle ou de gestion à la demande des collectivités, en dehors du champ des ressources humaines, « paraît trop large et entrer en concurrence directe avec la logique de mutualisation au sein du bloc communal ». L’amendement gouvernemental propose donc de limiter l’extension des missions facultatives à l’archivage, qui correspond à une demande forte des collectivités.
Pour Christophe Couderc, secrétaire fédéral CGT Services publics, confier la gestion des tâches administratives ou organisationnelles aux centres de gestion présente un risque pour l’emploi des secrétaires de mairie dans les plus petites communes. Le rôle initial des CDG est selon lui dévoyé et le risque est grand que ces centres deviennent des sortes d’agences d’intérim et des prestataires de services. D’après Claire Le Calonnec, il faudrait repenser le rôle des centres de gestion de manière plus globale, via un texte dédié.
Le projet de loi « déontologie » comporte en outre plusieurs dispositions en matière de dialogue social. Il prévoit notamment en sa version actuelle que les syndicats proposent pour les élections professionnelles des listes composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.

Cumul d’activités encadré

Enfin, parmi les dispositions à surveiller, le gouvernement souhaite intervenir concernant les fonctionnaires auto-entrepreneurs. Il est selon lui « important de rappeler l’interdiction du cumul d’un emploi à temps complet avec un « emploi à temps incomplet », notion qui n’existe que dans la fonction publique de l’Etat, dans le cadre de la nouvelle approche déontologique ».

Développement de l’apprentissage dans la FPT

Le gouvernement souhaite également introduire de nouvelles dispositions concernant l’apprentissage dans la FPT. Il s’agirait de confier au CNFPT deux nouvelles missions. Il a été convenu entre le gouvernement et l’établissement, indique le texte de l’amendement, de confier au CNFPT :
  • la mise en place d’actions de développement de l’apprentissage et la participation au financement de la formation des apprentis recrutés par les collectivités et leurs établissements ;
  • la préparation à des concours externes ou des troisièmes concours de catégorie A de la fonction publique territoriale ouverte à des étudiants de niveau licence après sélection sur la base de critères destinés à favoriser l’égalité des chances. L’objectif poursuivi est d’encourager et de diversifier l’accès aux concours de catégorie A de la FPT, indique l’amendement qui sera examiné.

Vers un changement des règles d’affectation par ordonnance

Enfin, un dernier amendement du gouvernement vise à autoriser ce dernier à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi, afin de favoriser et de valoriser l’affectation des agents publics dans des zones connaissant des difficultés particulières de recrutement ; et d’adapter et de moderniser les dispositions relatives aux conditions d’affectation et aux positions statutaires, pour favoriser la mobilité des agents publics à l’intérieur de chaque fonction publique et entre les trois fonctions publiques et de contribuer à la diversification de leur parcours professionnel. Des dispositions prévues dans le protocole PPCR.
A noter : les sénateurs de la commission des lois vont une nouvelle tenter d’instaurer trois jours de carence dans les trois fonctions publiques. Et un amendement de la droite sénatoriale souhaite obliger les collectivités à instaurer les 35 heures pour leurs personnels. 1 550 collectivités seraient en deçà des 1 607 heures, insistent les sénateurs, qui rappellent un exemple de la Cour des comptes : si 12 agents d’une collectivité passent de 32 heures à 35 heures hebdomadaires, un équivalent temps plein serait libéré chaque année.
En conclusion, le côté « fourre-tout » du projet de loi ne devrait pas s’amenuiser après cette lecture au Sénat.
« Nous avions adopté en 2013 à l’unanimité des membres du Conseil commun un préambule qui réaffirmait que les agents de la fonction publique portent haut et fort les valeurs de la République que certains hélas souvent haut placés ont tendance à ne pas s’appliquer. Un engagement qui ne figure aucunement dans ce projet de loi », déplore Denis Turbet-Delof, délégué général à la fonction publique de Solidaires, qui estime que dans une période aussi compliquée, ce texte aurait pu avoir un intérêt, mais qu’il ne l’a plus…

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