Loi numérique : la donnée et les savoirs circulent un tout petit peu plus
Le texte porté par la
secrétaire d’Etat en charge du Numérique a commencé à être examiné ce
mardi et ce mercredi 12 et 13 janvier par plusieurs commissions :
affaires culturelles et éducation, affaires sociales et affaires
économiques, saisies pour avis, et commission des lois, saisie sur le
fond. Récapitulatif des principales amendements intéressant, de près ou
de loin, les collectivités, sur le Titre I.
670 amendements,
toutes commissions confondues : le projet de loi Lemaire “pour une
République numérique”, en dépit de sa matière ardue, a suscité son lot
de demandes de modifications. Malgré la volonté d’avancer au pas de
charge, conformément à l’habitude de la commission des lois, saisie sur
le fond, les débats ont duré fort longtemps. La commissiondes affaires
culturelles et de l’éducation, celle des affaires sociales et celle des
affaires économiques, saisies pour avis, avaient débattu la veille.
Voici un récapitulatif des principales amendements intéressant, de près
ou de loin, les collectivités, qu’ils aient été adoptés ou retoqués, sur
le Titre 1 consacré à “la circulation des données et du savoir”.
A lire aussi Le projet de loi Lemaire aux portes du Parlement
Un article additionnel, toujours du rapporteur, prévoit que le code source des logiciels des administrations est un document communicable au sens de la loi Cada, reprenant une disposition de l’avant-projet de loi. Il consolide une jurisprudence fragile, mais n’a pas eu le soutien du gouvernement.
De plus, il rajoute une nouvelle modalité de communication d’un document, sa publication en ligne.
Un article additionnel (EELV) pérennisant la publication des avis du Conseil d’Etat sur les projets de loi, une promesse de François Hollande pour son quinquennat, n’a pas eu de succès.
A lire aussi Open data : de la nécessaire gratuité des échanges de données entre les administrations
En revanche, les collectivités territoriales ne sont pas concernées : leurs obligations sont encadrées par l’article 106 de la loi Notre. Luc Belot, comme d’autres, “regrette que des dispositions non identiques sur le même sujet soient éclatées dans plusieurs codes” mais le gouvernement a demandé le retrait de son amendement.
Le seuil de 250 agents a fait l’objet d’âpres discussions. Certains voulaient le faire purement sauter, le gouvernement l’abaisser à 50 ; finalement, sa fixation est renvoyée à un décret, pour ne pas le figer, avec la promesse qu’il sera bien de 50 agents dans un premier temps.
Un amendement de la commission des affaires économiques qui étendait l’ouverture aux documents “susceptibles d’être aisément numérisés”, a été finalement rejeté.
Bon vouloir
Autre sujet de conflit, une petite incise glissée dans la version post-consultation des internautes sur les documents publiés. Elle peut sembler contredire la disposition qui la précède.
“Les administrations (…) rendent publics (…) les documents suivants” :
En revanche, un amendement du gouvernement, d’une bien moindre portée, est passé, sur le 3° : l’exception de publication ne concerne désormais que les bases déjà publiées dans un standard ouvert aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine.
Débat, encore, autour de l’articulation vie privée/données personnelles/ouverture. Un amendement (EELV) incluait dans les documents communicables ceux qui comportent des données personnelles sans porter atteinte à la vie privée, comme un organigramme administratif par exemple, sans les anonymiser : en vain.
Déjà présent lors des échanges sur le projet de loi Valter sur la réutilisation des données publiques, le système de licence freemium/premium a connu le même sort : rejeté. Il était soutenu entre autres par NKM (LR). L’idée : mettre à disposition gratuitement les données si leur usage est libre (au sens des licences, à ne pas confondre avec usage non commercial), et payant dans le cas contraire.
Axelle Lemaire a indiqué que le share-alike serait examiné pour l’IGN, de quoi apaiser les tensions nées de la double licence de la base adresse nationale (voir encadré).
Un article additionnel de Luc Belot impose l’ouverture des données publiques dans le domaine des déchets, en modifiant le code de l’environnement.
La suppression du “si possible” est passée ; en revanche, l’amendement (EELV) rajoutant « pouvant être exploité par un système de traitement automatisé” n’a pas été retenu, lui. En clair, le pdf est encore bien vivace, alors que ce format est un frein certain à la réutilisation.
A l’article 7, un amendement (EELV) écartant la possibilité pour un agent public de revendiquer son droit d’auteur pour s’opposer à la publication d’un document a été rejeté. Cette disposition a pu poser problème, par exemple dans le cas de la base Mérimée. Le ministère de la Culture suit le dossier, sans grande conviction pour le moment. Rappelons toutefois une avancée : le droit sui generis des bases de données ne peut plus être avancé par le producteur, obligé de communiquer publiquement sa base.
Un article additionnel, sur proposition du gouvernement, supprime les redevances pour l’Insee (cf encadré). Un coup supplémentaire porté aux redevances, maintenues, pourtant, il y a quelques semaines encore, par le projet de loi Valter pour ce type d’organisme.
A lire aussi Projet de loi Valter : un (tout) petit pas pour l’opendata
L’article 8 confère un peu plus de pouvoirs à la Cada. AAI discrète, et tenant visiblement à le rester, celle-ci a toutefois, dans l’avis qu’elle a émis sur le projet de loi, signifié poliment mais fermement qu’elle n’en voulait pas. Le Conseil d’Etat avait aussi tiqué, contraignant le cabinet Lemaire à raboter une disposition lui donnant le pouvoir de publier une liste des administrations ayant refusé de communiquer des données malgré son avis favorable
Rappelant ce point de vue timoré, le rapporteur a rejeté un amendement visant à accélérer les recours devant la Cada : il donnait à celle-ci la possibilité de saisir le tribunal administratif en cas de refus de communication d’un document dont le cas a déjà été traité par elle-même ou par la jurisprudence. Il s’agissait pourtant de la première recommandation du rapport Bouchoux et Hyest sur l’ouverture des données publiques.
Désormais, donc, “La mise à disposition et la publication des données de référence en vue de faciliter leur réutilisation constitue une mission de service public relevant de l’État. Toutes les autorités administratives concourent à cette mission”.
Les logiciels libres ont fait, un peu, leur chemin, via un amendement après l’article 9 qui indique que les personnes publiques, dont les collectivités territoriales, “encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique”.
La formulation est moins musclée qu’un autre amendement (EELV), qui donnait la “priorité” au libre. La disposition a été taxée d’anti concurrentielle.
La suppression de cette exemption, soutenue par plusieurs députés, a été rejetée. De même s’agissant de son applicabilité aux contrats en cours, dans un futur proche (CL386, CL241), car jugée anti constitutionnelle.
Retoquée aussi, l’extension aux PPP et aux marchés publics dans leur ensemble de cette ouverture, soutenue à droite comme à gauche.
Selon le rapporteur, cela serait déjà prévu par l’article 56 de l’ordonnance des marchés publics. Toutefois cet article porte sur les données du marché lui-même, et pas sur les données produites à l’occasion de l’accomplissement du marché (par exemple, les données sur la qualité de l’eau dans le cadre d’une DSP de distribution d’eau potable).
En commission des lois, le débat s’est éternisé, malgré l’heure tardive. Sur la liberté de panorama, le rapporteur a renvoyé à la séance, penchant pour une exception concernant les usages non commerciaux, à partir de cet amendement.
Le domaine commun informationnel a eu encore moins de succès, les amendements, maintenus (CL341, CL460…) ont été rejetés. Ils inscrivaient dans la loi une définition positive du domaine public informationnel et donnait la possibilité à un auteur de verser volontairement dans le domaine public une oeuvre. Le débat renvoyé à un énième rapport, alors même qu’un rapport vient d’être publié. Axelle Lemaire comme Luc Belot ont évoqué un sujet pas assez mûr. Ce à quoi Christian Paul (PS) a répondu que le sujet était sur la table depuis dix ans.
Signalons un dernier amendement favorisant le développement du prêt de livre numérique en bibliothèque, qui n’a pas eu de succès.
Reste à voir les modalités effectives de l’ouverture : le système de la double licence de la base adresse nationale (BAN) avait fait hurler les partisans de l’open data car la licence de la version de la BAN de La Poste et de l’IGN n’a d’open data que le nom.
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Gratuité entre administrations
L’open data est l’un des gros morceaux de ce Titre 1. L’article 1 donne aux administrations le droit de recourir à la Cada. Un amendement du rapporteur Luc Belot (PS), avec le soutien du gouvernement qui en a proposé un similaire, instaure en outre la gratuité de l’échange de données entre administrations. Cette mesure est la suite logique du récent rapport Fouilleron, qui soulignait la contre-productivité d’une telle pratique.Un article additionnel, toujours du rapporteur, prévoit que le code source des logiciels des administrations est un document communicable au sens de la loi Cada, reprenant une disposition de l’avant-projet de loi. Il consolide une jurisprudence fragile, mais n’a pas eu le soutien du gouvernement.
De plus, il rajoute une nouvelle modalité de communication d’un document, sa publication en ligne.
Un article additionnel (EELV) pérennisant la publication des avis du Conseil d’Etat sur les projets de loi, une promesse de François Hollande pour son quinquennat, n’a pas eu de succès.
A lire aussi Open data : de la nécessaire gratuité des échanges de données entre les administrations
Seuil des administrations fixé par décret à 50
Les échanges ont été longs et parfois houleux sur l’article 4, qui étend les obligations de publication des documents administratifs : en l’état, les dispositions concernent l’Etat et les administrations de plus de 250 agents, si les documents sont déjà sous format électronique.En revanche, les collectivités territoriales ne sont pas concernées : leurs obligations sont encadrées par l’article 106 de la loi Notre. Luc Belot, comme d’autres, “regrette que des dispositions non identiques sur le même sujet soient éclatées dans plusieurs codes” mais le gouvernement a demandé le retrait de son amendement.
Le seuil de 250 agents a fait l’objet d’âpres discussions. Certains voulaient le faire purement sauter, le gouvernement l’abaisser à 50 ; finalement, sa fixation est renvoyée à un décret, pour ne pas le figer, avec la promesse qu’il sera bien de 50 agents dans un premier temps.
Un amendement de la commission des affaires économiques qui étendait l’ouverture aux documents “susceptibles d’être aisément numérisés”, a été finalement rejeté.
Bon vouloir
Autre sujet de conflit, une petite incise glissée dans la version post-consultation des internautes sur les documents publiés. Elle peut sembler contredire la disposition qui la précède.
“Les administrations (…) rendent publics (…) les documents suivants” :
- 3° les bases de données “qu’elle produisent ou reçoivent” et de leur contenu ;
- 4° les données “dont l’administration qui les détient, estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental.”
En revanche, un amendement du gouvernement, d’une bien moindre portée, est passé, sur le 3° : l’exception de publication ne concerne désormais que les bases déjà publiées dans un standard ouvert aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine.
Débat, encore, autour de l’articulation vie privée/données personnelles/ouverture. Un amendement (EELV) incluait dans les documents communicables ceux qui comportent des données personnelles sans porter atteinte à la vie privée, comme un organigramme administratif par exemple, sans les anonymiser : en vain.
Pas d’obligation pour les archives
Les archives issues des opérations de sélection(1), même numérisées, restent dispensées des obligations d’ouverture. Axelle Lemaire a argué de la charge qui incomberait aux collectivités territoriales, en particulier les départements.Déjà présent lors des échanges sur le projet de loi Valter sur la réutilisation des données publiques, le système de licence freemium/premium a connu le même sort : rejeté. Il était soutenu entre autres par NKM (LR). L’idée : mettre à disposition gratuitement les données si leur usage est libre (au sens des licences, à ne pas confondre avec usage non commercial), et payant dans le cas contraire.
Axelle Lemaire a indiqué que le share-alike serait examiné pour l’IGN, de quoi apaiser les tensions nées de la double licence de la base adresse nationale (voir encadré).
Un article additionnel de Luc Belot impose l’ouverture des données publiques dans le domaine des déchets, en modifiant le code de l’environnement.
Format : PDF forever
L’article 6 inclut les SPIC dans le régime de la loi Cada, même si elle garde la possibilité de lever des redevances. Il précise aussi le format de la communication, peu contraignant : “Lorsqu’elles sont mises à disposition sous forme électronique, ces informations le sont, si possible, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine. »La suppression du “si possible” est passée ; en revanche, l’amendement (EELV) rajoutant « pouvant être exploité par un système de traitement automatisé” n’a pas été retenu, lui. En clair, le pdf est encore bien vivace, alors que ce format est un frein certain à la réutilisation.
A l’article 7, un amendement (EELV) écartant la possibilité pour un agent public de revendiquer son droit d’auteur pour s’opposer à la publication d’un document a été rejeté. Cette disposition a pu poser problème, par exemple dans le cas de la base Mérimée. Le ministère de la Culture suit le dossier, sans grande conviction pour le moment. Rappelons toutefois une avancée : le droit sui generis des bases de données ne peut plus être avancé par le producteur, obligé de communiquer publiquement sa base.
Un article additionnel, sur proposition du gouvernement, supprime les redevances pour l’Insee (cf encadré). Un coup supplémentaire porté aux redevances, maintenues, pourtant, il y a quelques semaines encore, par le projet de loi Valter pour ce type d’organisme.
A lire aussi Projet de loi Valter : un (tout) petit pas pour l’opendata
L’article 8 confère un peu plus de pouvoirs à la Cada. AAI discrète, et tenant visiblement à le rester, celle-ci a toutefois, dans l’avis qu’elle a émis sur le projet de loi, signifié poliment mais fermement qu’elle n’en voulait pas. Le Conseil d’Etat avait aussi tiqué, contraignant le cabinet Lemaire à raboter une disposition lui donnant le pouvoir de publier une liste des administrations ayant refusé de communiquer des données malgré son avis favorable
Rappelant ce point de vue timoré, le rapporteur a rejeté un amendement visant à accélérer les recours devant la Cada : il donnait à celle-ci la possibilité de saisir le tribunal administratif en cas de refus de communication d’un document dont le cas a déjà été traité par elle-même ou par la jurisprudence. Il s’agissait pourtant de la première recommandation du rapport Bouchoux et Hyest sur l’ouverture des données publiques.
Service public de la donnée : création dans la douleur
La notion de service public de la donnée, objet de l’article 9, avec ses “données de référence” ne fait pas que des heureux. Lionel Tardy (LR) voulait même lui faire un sort, le jugeant source de complexité. Au final, le gouvernement a proposé une nouvelle version de cet article pour clarifier cette nouveauté.Désormais, donc, “La mise à disposition et la publication des données de référence en vue de faciliter leur réutilisation constitue une mission de service public relevant de l’État. Toutes les autorités administratives concourent à cette mission”.
Les logiciels libres ont fait, un peu, leur chemin, via un amendement après l’article 9 qui indique que les personnes publiques, dont les collectivités territoriales, “encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique”.
La formulation est moins musclée qu’un autre amendement (EELV), qui donnait la “priorité” au libre. La disposition a été taxée d’anti concurrentielle.
Données des DSP : l’exemption reste possible
Enjeu important pour les collectivités, l’ouverture des données des DSP, définies comme des “données d’intérêt général”, est actuellement limitée par la possibilité d’en exempter le délégataire, sous réserve d’une “décision motivée et rendue publique”.La suppression de cette exemption, soutenue par plusieurs députés, a été rejetée. De même s’agissant de son applicabilité aux contrats en cours, dans un futur proche (CL386, CL241), car jugée anti constitutionnelle.
Retoquée aussi, l’extension aux PPP et aux marchés publics dans leur ensemble de cette ouverture, soutenue à droite comme à gauche.
Selon le rapporteur, cela serait déjà prévu par l’article 56 de l’ordonnance des marchés publics. Toutefois cet article porte sur les données du marché lui-même, et pas sur les données produites à l’occasion de l’accomplissement du marché (par exemple, les données sur la qualité de l’eau dans le cadre d’une DSP de distribution d’eau potable).
Biens communs et liberté de panorama : débat reporté
Le chapitre II de cette première partie, sur l’économie du savoir, a réservé, en commission des affaires culturelles, une surprise, avec le retour des biens communs informationnels, et de la liberté de panorama, supprimée dans la version issue de la consultation des internautes, suite à un intense lobbying des ayants droit. Ce, contre l’avis du rapporteur.En commission des lois, le débat s’est éternisé, malgré l’heure tardive. Sur la liberté de panorama, le rapporteur a renvoyé à la séance, penchant pour une exception concernant les usages non commerciaux, à partir de cet amendement.
Le domaine commun informationnel a eu encore moins de succès, les amendements, maintenus (CL341, CL460…) ont été rejetés. Ils inscrivaient dans la loi une définition positive du domaine public informationnel et donnait la possibilité à un auteur de verser volontairement dans le domaine public une oeuvre. Le débat renvoyé à un énième rapport, alors même qu’un rapport vient d’être publié. Axelle Lemaire comme Luc Belot ont évoqué un sujet pas assez mûr. Ce à quoi Christian Paul (PS) a répondu que le sujet était sur la table depuis dix ans.
Signalons un dernier amendement favorisant le développement du prêt de livre numérique en bibliothèque, qui n’a pas eu de succès.
Focus
Une annonce à point nommé
A l’occasion de #DataDay, une conférence sur l’économie de la donnée, la secrétaire d’Etat en charge du Numérique a annoncé l’ouverture au 1er janvier 2017 du répertoire SIRENE, “en accès ouvert et gratuit”. Cette énorme base de données gérée par l’Insee contient les informations de référence sur toutes les entreprises françaises. Elle est actuellement accessible moyennant redevance. Son classement dans l’Open Data Index de l’OKFN, un des principaux baromètres en la matière, en a pâti.Reste à voir les modalités effectives de l’ouverture : le système de la double licence de la base adresse nationale (BAN) avait fait hurler les partisans de l’open data car la licence de la version de la BAN de La Poste et de l’IGN n’a d’open data que le nom.
Références
Le projet de loiLes amendements
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