“Utiliser ses droits pour construire son parcours grâce au CPA”
publié le 27/11/2015 à 17H20
par
Aurélie Seigne
C’est officiel, le compte personnel d’activité sera créé au 1er janvier
2017. D’ici là, les partenaires sociaux vont devoir négocier son cadre
et le calendrier de sa mise en œuvre. Véronique Descacq, secrétaire
générale adjointe de la CFDT chargée du dossier, rappelle ce sur quoi la
CFDT mettra l’accent.
Qu’est-ce que le compte personnel d’activité (CPA), dont le gouvernement a annoncé la création au 1er janvier 2017 ?
C’est
un endroit où chacun pourra voir et utiliser l’ensemble des droits dont
il peut bénéficier comme le compte personnel de formation ou le compte
de prévention de la pénibilité. Mais cela peut aussi inclure les droits à
l’Assurance-chômage ou les allocations familiales. L’enjeu est de
donner plus de lisibilité à chacun sur ce à quoi il peut prétendre et de
s’en saisir pour construire son projet, son parcours. On peut ainsi
imaginer utiliser les jours mis dans son compte épargne-temps pour
mettre en œuvre un projet de reconversion.
Patronat et syndicats ouvrent une négociation. Quels vont être les points en discussion ?
La
première question à laquelle nous devrons répondre porte précisément
sur les principes d’utilisation des droits inscrits au CPA. Autrement
dit, que peut-on utiliser et pour quoi faire ? On peut dire que le
compte épargne-temps peut être converti en temps de formation ; cela ne
signifie pas que les droits à la formation pourront être utilisés en
congé sabbatique. Nous allons devoir placer le curseur au bon endroit
entre la liberté de chacun dans l’usage de ses droits et l’intérêt
général. Dans le contexte actuel, la priorité est à la sécurisation des
parcours professionnels et à la formation continue : nous faisons face à
une transformation en profondeur de notre société, en particulier avec
les transitions numérique et écologique, qui nécessite d’évoluer en
compétences. Peut-être que demain, d’autres besoins émergeront et que la
priorité sera à une utilisation à la carte des différents temps de vie.
Il faut prévoir les conditions dans lesquelles l’usage des différents
droits pourra évoluer.
Sur quels points la CFDT compte-t-elle mettre l’accent ?
Nous
avons déjà obtenu que les jeunes sortis du système scolaire sans
qualification voient leur CPA abondé d’un nombre d’heures leur
permettant d’acquérir un premier niveau de qualification. Autre sujet à
prendre en compte, les nouvelles formes d’emploi, notamment celles liées
aux plateformes numériques. Il va falloir déterminer lesquelles sont de
l’ordre du salariat et génèrent les mêmes droits et obligations, quels
droits sont accessibles à tous et comment ils sont financés, comment on
facilite le passage d’un statut à l’autre, par exemple de salarié à
indépendant, sans perte de droits. La CFDT souhaite aussi que l’on
réfléchisse à une généralisation du compte épargne-temps, qui
permettrait à tous les salariés et les agents d’y verser des jours de
RTT ou de congés et de les utiliser au gré de leurs besoins ou de leurs
envies, pour alimenter un projet de formation ou mener des activités
bénévoles.
Chacun est-il capable de construire de tels projets ?
C’est
le principal enjeu : travailler sur l’accompagnement à l’utilisation du
CPA afin de permettre à tous les détenteurs du compte de bénéficier
effectivement de leurs droits. Un droit auquel on ne recourt pas reste
virtuel. L’accompagnement doit être global et traiter la dimension
professionnelle en tenant compte de tous les aspects de la vie sociale
des personnes : santé, logement, mobilité, etc. C’est ainsi que nous
pourrons les aider à rassembler des droits, aujourd’hui épars, au
service de la construction d’un projet.Accords et désaccords sur le compte personnel d’activité
publié le 15/12/2015 à 14H17
par
Aurélie Seigne
La deuxième séance de négociation sur le compte
personnel d’activité a permis de valider la méthode de travail des
partenaires sociaux, même si les désaccords sur le fond restent
nombreux.
Réunis
le 14 décembre pour la deuxième séance de négociation sur le compte
personnel d’activité (CPA), organisations syndicales et patronales ont
affiché leur satisfaction sur la méthode retenue pour tenter d’élaborer
en un temps record une position commune sur les objectifs et principes
du CPA, le cahier des charges du futur portail numérique des droits
sociaux et les thèmes à approfondir dans le courant de l’année 2016. À
l’issue de la précédente séance, ils avaient convenu de partager leurs
contributions écrites, rassemblées au sein d’un document listant les
points d’accord et de désaccord.
Le CPA, un portail et un compte
La
liste de ces derniers a en revanche montré l’ampleur du travail qu’il
reste à accomplir pour se mettre d’accord sur le contenu. À commencer
par la définition elle-même. Simple « assemblier des droits portables des actifs » selon le patronat, le CPA est, aux yeux de la CFDT, « un vrai projet de société pour lutter contre les inégalités et sécuriser chacun dans son parcours de vie et de travail »,
à travers des droits nouveaux et un accès universel et facilité aux
droits existants, a rappelé la secrétaire générale adjointe, Véronique
Descacq, cheffe de file de la délégation* lors de la première séance.
Reste également à clarifier les droits devant intégrer le futur portail
des droits sociaux, pour les rendre plus lisibles et accessibles, de
ceux qui ont vocation à être fondus dans le futur compte à proprement
parler. Si tous s’accordent à ce que le compte personnel de formation
(CPF) et le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P)
constituent le socle du futur CPA, le patronat n’exclut pas que les
droits à l’assurance-chômage, voire à la retraite, y soient intégrer.
Pour les organisations syndicales a contrario, ces droits doivent être
seulement inscrits dans le futur portail numérique.
Pas de cheval de Troie patronal
Le
financement sera un autre sujet de taille. Le patronat a d’entrée de
jeu fixé ses lignes rouges, refusant toute complexité, tout financement
supplémentaires pour les entreprises. Il est même allé jusqu’à proposer
« l’universalisation du financement du CPA, c’est-à-dire une réduction des cotisations salariés et employeurs au profit de l’impôt »
– une perspective unanimement rejetée par les organisations syndicales.
Pour la CFDT, le CPA ne doit en aucun cas conduire à une
déresponsabilisation des entreprises, en termes de financement comme
d’obligations légales (employabilité, santé, qualité de vie au travail,
etc.).
Cahier des charges et programme de travail
D’ici
la prochaine séance, le 12 janvier 2016, organisations syndicales et
patronales vont mettre en commun leurs contributions sur le cahier des
charges du futur portail des droits sociaux et le programme de sujets en
réflexion pour 2016. « La discussion sur le CPA amènera dans un deuxième temps la question de droits nouveaux »,
a indiqué le secrétaire national Hervé Garnier. La CFDT revendique
ainsi l’ouverture d’une négociation sur la généralisation et la
portabilité du compte épargne-temps – une demande partagée par la CFTC
et la CFE-CGC.
*
La délégation est composée de Véronique Descacq, secrétaire générale
adjointe, Hervé Garnier, secrétaire national, et des secrétaires
confédéraux Samira Bouzebra, Philippe Couteux et Delphine Meyer.
©Hamilton/Réa
Une négociation en « 3D »« C’est une négociation qui ne ressemble pas à une négociation »,
a estimé le secrétaire national Hervé Garnier, à l’issue de la deuxième
séance sur le compte personnel d’activité, le 14 décembre au Medef. Et
d’évoquer « une négociation en 3D », avant d’expliciter son propos : « Nous sommes dans une temporalité qui n’est pas celle d’un accord »,
les partenaires sociaux devant rendre leur copie dans des délais
extrêmement contraints compte tenu du calendrier politique imposé par le
gouvernement. Par ailleurs, « un certain nombre de sujets relèvent de concertations tripartite et quadripartite ».
Or la concertation quadripartite prévue entre les partenaires sociaux,
l’État et les régions, qui devait porter notamment sur l’abondement en
heures supplémentaires de formation pour les jeunes décrocheurs, est
percutée par les élections régionales qui entraîne une modification du
rapport de force politique, une recomposition des exécutifs régionaux et
donc des instances de l’Association des régions de France,
interlocuteur de la concertation. Enfin, si les partenaires sociaux
peuvent traiter, dans le cadre de la négociation, les questions
relatives aux salariés, il faudra inscrire le CPA dans l’agenda social
de la fonction publique et engager une concertation plus large pour ce
qui concerne les travailleurs indépendants. Le chantier vient seulement
de commencer.
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