mercredi 27 janvier 2016

Ingénieurs en chef territoriaux : « Davantage de passerelles de la FPE vers la FPT, et non l’inverse »


Président de l'Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) © © Julien Rambaud/Alpaca/Andia
Scission du cadre d'emplois, formation, concours... Le président de l'Association des ingénieurs territoriaux de France, Patrick Berger, expose son point de vue sur la création du nouveau cadre d'emplois des ingénieurs en chef territoriaux, loin d'être à la hauteur des espérances initiales.
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Quel regard portez-vous sur la réforme du cadre d’emplois des ingénieurs ?

Nous avons toujours revendiqué la nécessité d’aboutir à la séparation du cadre d’emplois. Une telle réforme permet la cohérence avec d’autres cadres d’emplois, tels que celui des administrateurs, ainsi qu’avec la fonction publique d’Etat. Elle ne peut que renforcer la crédibilité des ingénieurs.
La réforme crée certes un grade d’ingénieur hors classe, c’est-à-dire d’ingénieur principal hors classe, mais nous regrettons que les conditions pour pouvoir bénéficier de ce grade soient finalement assez restrictives.
Nous comptions beaucoup sur les opportunités de carrières créées par ce grade, pour un certain nombre d’ingénieurs principaux ayant d’importantes responsabilités, tels que les DST de communes moyennes par exemple, qui ne vont plus pouvoir prétendre au grade d’ingénieur en chef par la promotion sociale.

L’objectif de développement des possibilités de carrière pour les ingénieurs en chef vous paraît-il rempli ?

A la lecture des projets de décret, on ressent bien qu’ils ont été écrits « sous la plume » des ingénieurs de la fonction publique d’Etat, qui étaient mieux positionnés pour ce faire… L’objectif est en théorie de favoriser la mobilité entre fonctions publiques mais ces textes vont permettre davantage de passerelles de l’Etat vers la territoriale, et non l’inverse.
En outre, les opportunités qui se créent avec les réorganisations issues de la réforme territoriale (grandes régions, métropoles, regroupements d’EPCI) offrent une plus grande attractivité pour un certain nombre de postes dans le haut des organigrammes des collectivités pour les ingénieurs de l’Etat. Ce n’est plus par défaut qu’on rejoint la FPT.
On ressent bien que les décrets ont été écrits « sous la plume » des ingénieurs de la FPE, qui étaient mieux positionnés pour ce faire…

Avez-vous d’ores et déjà constaté une augmentation du nombre d’ingénieurs de l’Etat dans les collectivités ?

De plus en plus, nous voyons postuler des ingénieurs de l’Etat sur des postes de DGST ou de DGA technique. Ils utilisent aussi déjà les « portes d’entrée » que constituent les conseils départementaux. Le nombre de collectivités qui recrutent ces personnes est en augmentation.
Notre but n’est pas de sanctuariser des postes ; nous aussi nous souhaiterions aller vers d’autres voies, par exemple des postes de direction générale des services. Mais il ne faudrait pas oublier les ingénieurs territoriaux.
Nous mettons actuellement en place un observatoire pour tenter de faire remonter ce type de données. Nous allons aussi faire davantage valoir la qualité des ingénieurs territoriaux auprès des élus.
De plus en plus, nous voyons postuler des ingénieurs de l’Etat sur des postes de DGST ou de DGA technique

La réforme prévoit aussi une formation initiale de douze mois mise en place par le CNFPT pour les élèves ingénieurs en chef territoriaux. Qu’en pensez-vous ?

Nous avions émis quelques remarques au moment des discussions. Mais elles n’ont pas été prises en compte. Pour nous, le texte ne fait pas suffisamment valoir les nouvelles formes de formation à distance. Même s’il ne s’agit bien sûr pas de supprimer les nécessaires échanges que permet le « présentiel ».
Un tel développement du suivi à distance des formations permettrait de renforcer le volet « stages ».
Il faudrait aussi profiter du réseau des Inset, et ne pas proposer que des formations à l’Inet de Strasbourg. Cela peut en effet générer des problèmes d’attractivité. Peut-être nous trompons-nous, les résultats de notre observatoire le diront, mais nous craignons que la formation obligatoirement en « présentiel » freine l’accès des femmes aux fonctions les plus élevées.
L’association restera mobilisée sur ces thématiques, et si nécessaire, nous demanderons des améliorations allant dans le sens d’une modernisation des formations.

Quel regard portez-vous sur la nouvelle épreuve de mise en situation professionnelle du concours des ingénieurs en chef, qui s’inspire d’une épreuve du concours de l’ENA ?

Nous étions au départ assez réticents et inquiets. Mais nous avons été rassurés par le CNFPT. Deux membres du jury assistent à cette épreuve. Et au moment du grand oral, ces mêmes personnes sont présentes à nouveau pour échanger avec le candidat, afin de comprendre sa « stratégie ». Ce dernier a ainsi la possibilité de s’expliquer sur ses postures durant ce « jeu de rôles ». Le jury peut véritablement juger individuellement et non pas collectivement le candidat.
Nous avons aussi l’assurance que les formations prendront bien en compte cette nouvelle épreuve afin de bien y préparer les candidats.

Quelles sont les autres inquiétudes dont vous vous êtes fait l’écho ?

Nous avons quelques regrets concernant la qualité des membres des jurys. Même si nous sommes favorables à la pluridisciplinarité des jurys, nous sommes très étonnés qu’au final, ces derniers ne soient a priori pas composés d’au moins la moitié de personnes issues du cadre d’emplois des ingénieurs.
Par ailleurs, les centres de gestion se basent en général sur « ceux dont ils disposent autour d’eux ». Imposer un volume significatif d’ingénieurs au sein des jurys aurait permis d’obliger les CDG à recruter des jurys « de qualité ».

Comment allez-vous accompagner cette réforme ?

Nous serons très vigilants au moment de la publication des textes au JO, et resterons mobilisés concernant leur application. Nous allons par ailleurs mettre en place au sein de l’AITF un service pour accompagner nos membres pour la préparation de ces concours.
Nous allons mettre en place un service pour accompagner nos membres pour la préparation des concours

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