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Le burnout, c’est un peu comme une bougie dont la flamme vacille.
Même s’il n’existe aucun chiffre récent, la police est le groupe socioprofessionnel où il y a le plus de gens qui mettent fin à leur jour. Bien loin, il est vrai derrière le monde carcéral, mais il s’agit là de suicides qui répondent à d’autres critères que la vie en société, dite « normale ».
Et ce n'est pas d'aujourd'hui. « L'épidémie de suicides qui endeuille la police depuis peu est spectaculaire », pouvait-on lire dans Le Monde du... 4 avril 1996, dans un article de Véronique Maurus qui titrait sur « La déprime des flics ». « La source principale du malaise, disait alors Jean-Louis Arajol, le président du Syndicat général de la police, est la dévalorisation progressive du métier de policier. » Il parlait même d’un « complot politique » pour réduire les missions et les effectifs de la police nationale au profit de la gendarmerie et des polices municipales, réputées plus « dociles », des policiers auxiliaires et des sociétés privées de sécurité ».
Prémonitoire, non !...
Depuis, la gendarmerie a été rattachée au ministère de l’Intérieur, les polices municipales sont en pleine extension et il existe un préfet chargé de la sécurité privée qui vient d’ailleurs de sortir des cartons un décret visant à la création d’un « Conseil national des activités privées de sécurité ». Je sais, c’est hors sujet.
Selon certains, il y aurait plus de suicides parmi les policiers du fait que ceux-ci détiennent une arme. On pourrait raisonner a contrario et dire que si les policiers utilisent souvent leur arme (trois sur les cinq derniers) pour mettre fin à leurs jours, c’est tout simplement qu’ils ont une arme sous la main. Mais cela n’a rien à voir avec leurs motivations. Celui qui tous les jours passe sur le même pont va peut-être un jour se jeter dans le fleuve, mais s’il se suicide, ce n’est à cause du pont.
La théorie qui voudrait que les flics d’aujourd’hui, sur-diplômés et sans expérience de la vie, auraient le cuir trop tendre pour affronter ce métier ne repose sur aucun chiffre. C’est une théorie « d’anciens ». Rien ne prépare à ce métier. Tous les flics se souviennent de leur premier contact avec la mort violente. Que ce soit en effectuant les constatations sur la victime d’un meurtre ou face à un forcené qui vous menace d’une pétoire. Mon premier cadavre, c’était une vieille dame ligotée dans sa cuisine. Elle avait été torturée. En la déshabillant, on avait trouvé deux ou trois billets de cent francs, sous sa gaine. Le butin que recherchait le meurtrier. Je m’en souviens comme si c’était hier.
Ce métier, on l’apprend sur le tas. Et ceux qui ne résistent pas s’en vont ou cherchent une planque – ou ils craquent. Dans la préface du livre La parole est aux cadavres (Perrine Rogiez-Thubert, aux éditions Demos), Olivier Marchal écrit : « Je pense à tous ces moments où je n’avais plus envie, où j’en avais assez de patauger dans le sang, la merde, les larmes et le chagrin des familles (…) Être flic, c’est savoir accepter l’inacceptable. Supporter l’insupportable. Moi, je n’ai jamais su. C’est pour ça que j’ai fini par céder. Pour ne pas sombrer avec mes morts… »
Pas mieux.
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