mardi 27 novembre 2018


  • QUANTIFIER POUR TRANSFORMER LE RÉGIME DE CROISSANCE ?

Publié le 27/11/2018

Quantifier pour transformer le régime de croissance ?
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 NoteEcoNovembre2018


En France, des indicateurs complémentaires au PIB ont été intégrés dans l’appareil législatif afin de nourrir les débats parlementaires autour du projet de loi de finances du gouvernement. Mais ils sont plus utilisés comme des outils de communication gouvernementale que comme véritables balises politiques de pilotage. La loi dite Eva Sas6 prévoit que le gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport éclairant les orientations du projet de loi de finances (le budget) à l’aune d’exigences à la fois économiques, sociales et environnementales. Ce rapport a également pour vocation d’évaluer les réformes passées au-delà du simple PIB. Pour ce faire, dix indicateurs, disponibles au niveau national, international, voire territorial, ont été choisis parmi une liste préétablie lors d’un travail conjoint entre le CESE et France Stratégie7 : le taux d’emploi, l’effort de recherche8 , l’endettement, l’espérance de vie en bonne santé, la satisfaction dans la vie, les inégalités de revenus, la pauvreté en conditions de vie, les sorties précoces du système scolaire, 6 Loi n°2015-411 Avril 2015 pour la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques 7 Le CESE et France Stratégie ont organisé des concertations afin d'élaborer un tableau de bord d’indicateurs complémentaires au PIB. Plus précisément, en 2015, une très large concertation a réuni des membres du CESE, de France Stratégie, les instances réunissant utilisateurs et producteurs de la statistique publique, des représentants de la statistique publique, d’instances internationales telle que l’OCDE, de nombreuses ONG, des universitaires. Ces travaux se sont poursuivis avec des ateliers citoyens constitués de personnes choisies au hasard, afin d’intégrer les préoccupations des citoyens et l’appréciation qu’ils ont de leur satisfaction, et de permettre l’appropriation des indicateurs. 8 L’effort de recherche englobe les travaux de création entrepris en vue d’accroître la somme des connaissances et le développement de nouvelles applications (source OCDE). l’empreinte carbone et l’artificialisation des sols. L’ensemble doit pouvoir évaluer le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), la loi de transition énergétique, ou encore le plan de lutte contre la pauvreté, etc. Cependant, pour la deuxième année consécutive, le rapport que doit publier le gouvernement (le premier mardi d'octobre, selon les termes de la loi) arrivera trop tard pour éclairer les débats parlementaires. Si le rapport 2015 permettait d’évaluer la mise en place du CICE en termes de CO2, par exemple, le rapport 2017 – publié fin février 2018, soit deux mois après le vote du budget – est resté très général et descriptif. Il convient alors de s’appuyer sur les travaux du CESE qui analyse annuellement, avec France Stratégie, l’état de la France sur la base des indicateurs complémentaires au PIB9 . Constat du même ordre, le gouvernement doit annexer à son projet de loi de finances un rapport sur le financement de la transition énergétique10 au regard des objectifs fixés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Cette année, le rapport n’a pas été publié. Pourtant, la France a de véritables progrès à faire en la matière. Les dernières études menées par l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (ADEME) dressent un constat peu optimiste des résultats des politiques publiques en matière de maîtrise d’énergie. De même, l’INSEE soulignait récemment qu’en 2016 les investissements pour protéger l’environnement diminuent nettement, tout comme en 2015. La majorité des investissements pour protéger l’environnement vise avant tout à traiter ou éliminer les pollutions plutôt qu’à les prévenir. 9 https://www.lecese.fr/content/le-cese-adopte-son-rapport-annuelsur-letat-de-la-france-2018 10 Article 174 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il est donc urgent de (re)politiser tous les indicateurs complémentaires et alternatifs au PIB et de les disséquer tout autant que la croissance du PIB. Le même constat peut être fait à l’échelle européenne. Ni le suivi des ODD ni la stratégie Europe 202011 ne sont véritablement articulés à la gouvernance européenne ; en tout cas pas au même titre que le PIB. 5. Transformer le régime de croissance : des leviers syndicaux. Le dialogue social et économique doit prendre à bras le corps ces enjeux. C’est le sens de l’engagement de la CFDT pour intégrer efficacement la gouvernance des entreprises et doter ces dernières d’une raison d’être qui intègre les enjeux sociaux et environnementaux. Les leviers sont nombreux (CSE, BDES, devoir de vigilance, politique d’achats responsables, présence dans la gouvernance des entreprises, accords transnationaux, poids des produits d’investissement socialement responsable dans les dispositifs négociés d’épargne salariale, etc.). Il reste à davantage les intégrer à nos pratiques. La nature et la qualité des informations transmises sont essentielles pour conduire les revendications et les actions syndicales. La construction d'un tableau de bord pertinent n’est pas une question d’experts12. C’est un 11 Programme européen en faveur de la croissance et de l’emploi qui met l’accent sur une croissance intelligente, durable et inclusive comme moyen du progrès. Pour ce faire, plusieurs dimensions sont suivies (économiques, environnementales et sociales). 12 A noter, la CFDT publie trimestriellement un tableau de bord évolutif de données socioéconomiques en comparaison internationale : https://www.cfdt.fr/upload/docs/application/pdf/2018- 10/tableauxdebordoctobre2018.pdf sujet éminemment syndical car il s’agit d’attirer l’attention et de cibler l’action sur les questions économiques, sociales et environnementales. Cela permet de déconstruire des représentations statiques de la réalité centrées sur les indicateurs de performance et de productivité. En étant force de proposition, les représentants syndicaux participent à changer le regard de leurs interlocuteurs. De nombreux représentants syndicaux n’ont pas attendu cette réflexion sur les indicateurs de richesse pour être force de propositions et enrichir leur pilotage. C'est le cas des accords d’intéressement d’entreprise ou de groupe retenant des critères incitatifs extra-financiers afin de tendre vers un objectif collectif déterminé. La CFDT d’Orange a ainsi signé un accord d’intéressement dont l’un des critères incite les salariés à agir sur la consommation énergétique dans le cadre de leur activité professionnelle. Autre exemple, la fédération CFDT Interco s’est emparée de la responsabilité sociale des organisations (RSO) s’inscrivant dans la démarche des ODD. L’idée était d’agir sur l’ensemble du processus de commande et d’achats publics13. Sous cette impulsion, le syndicat Interco 33 a matérialisé la démarche en identifiant localement des marges de progression sur le marché « blanchisserie » (identification des soustraitants, des produits de lavage, etc.) puis, sur les vêtements de travail eux-mêmes. Du passage à l’achat responsable à la limitation du gaspillage et de l’impact environnemental, cette démarche syndicale a suscité l’intérêt de nombreux agents publics et offert une piste 13 https://www.cfdt.fr/portail/actualites/economie-/- developpement-durable/la-rse-en-travaux-pratiques-srv1_425268 concrète pour le développement syndical, notamment auprès des plus jeunes agents. Il est également possible d’agir dans le cadre d’un mandat d’administrateur salarié. En 2016, la Confédération, épaulée par des administrateurs salariés et la CFDT Cadres, a publié un guide relatif à la rémunération des dirigeants pour permettre de rééquilibrer le dialogue économique et social dans l’entreprise. Agir pour le développement durable nécessite de modifier la manière dont nous mesurons collectivement les richesses et le progrès. Cela engage tous les acteurs. La CFDT peut être fer de lance en la matière en actionnant tous les leviers à sa disposition. Le débat portant sur les indicateurs de richesses montre que leur mise en œuvre relève aussi de notre responsabilité.

Laurent Berger a une nouvelle fois appelé le gouvernement à faire en sorte que la "conversion écologique soit indolore pour les personnes qui ont les revenus les plus modestes".

“IL FAUT RÉINVENTER UNE PRÉSENCE DES SERVICES PUBLICS DANS LES TERRITOIRES”

Publié le 26/11/2018
Invité des 4 Vérités sur France 2 le 26 novembre 2018, Laurent Berger a une nouvelle fois appelé le gouvernement à faire en sorte que la "conversion écologique soit indolore pour les personnes qui ont les revenus les plus modestes".

À quelques semaines du vote, il s’agit de rencontrer le plus grand nombre d’agents et de les convaincre de voter et faire voter CFDT.

ÉLECTIONS FONCTIONS PUBLIQUES : C’EST PARTI POUR LE SPRINT FINAL

Publié le 31/10/2018
La journée orange du 6 novembre marque l’entrée dans la dernière ligne droite de la campagne. À quelques semaines du vote, il s’agit de rencontrer le plus grand nombre d’agents et de les convaincre de voter et faire voter CFDT.
Orange sera la couleur du 6 novembre. Alors que les listes de candidats sont bouclées et validées depuis le 25 octobre, une nouvelle phase de la campagne est lancée. L’organisation, mobilisée à tous les niveaux – sections, fédérations, unions régionales… –, appelle les agents à voter et faire voter CFDT.
Le message auprès des militants est régulièrement passé : une progression de 20 000 voix permettrait à la CFDT de passer première organisation syndicale, privé et public confondus. « Ce qui est en jeu, c’est le type de syndicalisme qui sera majoritaire demain dans la fonction publique, a rappelé Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, lors du conseil national confédéral d’octobre. Les agents sont en attente d’un syndicalisme exigeant, en prise avec leur quotidien et leur travail, tel qu’il est porté par la CFDT. » Tous les militants qui ont participé à des tournées sur le lieu de travail des agents le confirment : la CFDT est bien accueillie, sa différence est appréciée.
Des listes ont pu être montées dans des établissements faisant figure de forteresses imprenables, à l’image des grands centres hospitaliers de Versailles et d’Argenteuil ou de collectivités territoriales telle la communauté urbaine de Marseille. Aussi faut-il garder le tempo de la campagne, à seulement quelques semaines du vote, le 6 décembre pour ceux qui votent à l’urne, et à partir du 29 novembre pour ceux qui choisissent le vote électronique.
Un second souffle
   
Le vote fonction publique, mode d’emploi
Le 6 novembre au plus tard, les listes électorales doivent être affichées sur le lieu de travail. Les agents ont jusqu’au 19 novembre pour faire une requête auprès de l’administration en cas d’erreur ou de non-inscription. Les modalités de vote, électronique, à l’urne ou par correspondance, peuvent différer selon les administrations et parfois selon l’instance à élire. La période de vote électronique doit débuter au plus tôt le 29 novembre et s’achever le 6 décembre. Les agents recevront auparavant leurs identifiants et codes d’accès afin de procéder à l’ouverture de leur espace de vote (attention à bien relever le courrier de toutes ses boîtes mail). « Mieux vaut ne pas s’y prendre au dernier moment, conseille Martial Crance, secrétaire national de la CFDT-Fonctions publiques. En cas de code ou d’identifiant égaré, une procédure permet de les récupérer. » Le 6 décembre, il conviendra d’être vigilant sur les heures de fermeture des bureaux de vote, virtuels ou non. Quant aux résultats, si le taux de participation officiel est communiqué dès le 7 décembre, les chiffres de représentativité nationale des organisations syndicales devraient, eux, être annoncés à partir du 10 décembre.
   
« Faire des listes, c’est difficile, et il faut reconnaître l’effort impressionnant produit par les équipes pour les constituer, lance Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale. Soufflons un peu mais, derrière, il faut pouvoir repartir. C’est le signal donné par le 6 novembre. On repart et on y va à fond. L’idée est d’aller au contact, tout simplement, partout où nous le pouvons sur nos territoires, en fonction des besoins exprimés par les fédérations. Nous avons pensé par exemple aux établissements scolaires, aux restaurants administratifs, aux directions départementales interministérielles. » Le contact direct est une méthode imparable, poursuit-elle, évoquant les derniers éléments chiffrés sur le sujet. « Quand vous voulez faire changer les gens d’avis et les décider à voter pour vous, si vous procédez par campagne d’affichage, vous n’y arrivez pas, vous obtenez juste un gain de notoriété ; si vous communiquez par e-mail, vous arrivez à convaincre une personne sur 100 000, pareil si vous laissez des tracts à disposition. En revanche, quand on est capable d’aller serrer la main des gens, de parler avec eux, c’est une personne sur 14 que l’on parvient à convaincre ! »
Mais les militants ne sont pas tous à l’aise avec le contact direct, les uns y excellent quand d’autres redoutent l’exercice. « Cette journée orange a aussi pour vocation d’apprivoiser ce que peut être le contact direct afin de reproduire cette action autant que nécessaire jusqu’au 6 décembre », indique la secrétaire nationale, qui conseille d’élargir le cercle militant, de proposer aux adhérents et sympathisants de participer à ces actions.
À chaque situation ses outils
Pour les y aider, une palette complète d’outils est à leur disposition. Le dernier en date : une carte-pétition qui porte une revendication phare de la CFDT, la participation de l’employeur public à la mutuelle des agents, fonctionnaires ou contractuels. À cela s’ajoutent les « tracts à trous » à compléter avec des revendications locales, le livre L’Autre Trésor public, des mémos pour briefer les équipes qui se lancent dans une tournée des services. Des tracts thématiques permettent de nourrir les échanges avec les agents rencontrés et de répondre à leurs préoccupations : « Sortir les contractuels de l’oubli », « Pour une augmentation du pouvoir d’achat », « Agents publics : soyez acteurs de votre carrière ». Grâce aux coordonnées recueillies pendant les tournées, les militants suivront en temps réel les intentions de vote des agents, par des relances téléphoniques ou des campagnes SMS. « Nulle part il n’y a de génération spontanée de travailleurs qui viennent voter pour la CFDT !, résume Laurent Berger. Mais aucun de nous ne peut s’exonérer de sa responsabilité individuelle dans ces élections, aller voir les équipes, les soutenir, faire le job, y compris passer un certain nombre de coups de fil… Tous, collectivement, nous pouvons faire gagner la CFDT. »

lundi 19 novembre 2018

"Chaque fois que deux euros de ce budget seraient engagés dans l’accueil de réfugiés, un euro supplémentaire alimenterait le budget social de la collectivité accueillante."

[ENTRETIEN] COHN-BENDIT, L’EUROMILITANT

Publié le 16/11/2018
À 73 ans, l’ancien leader de Mai 68 paraît plus sage mais son engagement n’a pas faibli. Européen convaincu, écologiste de la première heure, trublion médiatique, celui que les Français surnomment encore Dany le Rouge n’a rien perdu de son franc-parler. Rencontre.
On ne peut pas ne pas vous poser la question : cinquante ans après, que reste-t-il de Mai 68 ?
Rien, sinon un grand moment d’histoire dans les mémoires française et internationale. L’ordre établi a été très fortement contesté avec la grève générale. Mais, dans les faits, cinquante après, Mai 68 est dépassé : les rapports entre les hommes et les femmes, le rapport à l’autorité, aux partis politiques, la quasi-disparition du parti communiste… même pour les syndicats, tout est très différent. Chercher les restes de Mai 68 n’a pas de sens. J’ai fait un petit livre qui s’intitule Forget 68*, dans lequel j’explique que c’était un grand moment de notre vie mais qui ne sert plus à grand-chose aujourd’hui.
L’an prochain, les Européens vont élire un nouveau Parlement. Craignez-vous une percée des idées réactionnaires ?
Le risque est réel. Les principaux groupes politiques européens doivent réagir en faisant le ménage en leur sein. Les présidents de la Commission européenne et du Parlement ne doivent pas être élus avec le soutien des députés du parti d’Orbán, en Hongrie, ou du PiS polonais. On pourrait très bien imaginer un accord politique entre tous les groupes démocratiques, une sorte d’union contre les partisans de la démocratie illibérale [liberticide].
Vous-même, vous engagerez-vous dans ces élections et, si oui, aux côtés de qui ?
Je m’engagerai, j’aiderai. Mais j’ai fait vingt ans au Parlement européen. On parle du renouvellement de la représentation politique, je n’en suis pas le symbole. Je vais avoir 74 ans et il y a des choses qui se terminent, il faut accepter cette évolution naturelle.
La question des réfugiés sera centrale, au risque de dénaturer ces élections. Comment parler de la situation sereinement ?
On peut critiquer l’Italie, qui vire de plus en plus à droite, mais le fait est que, pendant des années, on a laissé les Italiens seuls face à ce problème. Les pays méditerranéens devraient prévoir des centres d’accueil et organiser la répartition des réfugiés dans les pays de l’Union qui le souhaitent dans le cadre d’une coopération renforcée. Il suffit d’une dizaine de pays pour y parvenir. Il est illusoire d’espérer un accord unanime des Vingt-Sept. On ne pourra pas obliger les Polonais ou les Hongrois à accueillir les réfugiés.
DCB Joel SagetComment l’Europe pourrait organiser cette coopération ?
Je suis favorable à la création d’une Agence européenne des réfugiés avec un budget conséquent. Chaque fois que deux euros de ce budget seraient engagés dans l’accueil de réfugiés, un euro supplémentaire alimenterait le budget social de la collectivité accueillante. Ce système pourrait débuter avec neuf ou dix États seulement. L’espace Schengen a bien commencé par neuf États. Enfin, il faut que ces réfugiés accèdent à un permis de travail le plus rapidement possible, dès qu’ils sont enregistrés. S’ils ont un permis, ils travaillent et s’intègrent. Les Allemands ont accéléré leur procédure, même si elle reste trop lente. Aujourd’hui, 35 % du million de réfugiés arrivés en 2015 travaillent.
Que vous inspire la montée des populismes ?
La question des migrants désintègre le tissu démocratique. On observe une irrationalité incroyable et il devient très difficile d’argumenter. En Allemagne, à Chemnitz, une rumeur a couru sur les réseaux sociaux qu’il y aurait eu 54 viols dont 51 dus aux immigrés. La police a démenti, il y avait eu douze viols dont trois perpétrés par des immigrés. La réponse des habitants a été : « On nous ment. » Une partie de la société se cabre, résiste et ne veut plus rien écouter.
Comment répondre à cela ?
D’abord avec des politiques qui fonctionnent. En écoutant ce que les gens ont à dire et en les faisant participer. Si on se limite à dénoncer la politique gouvernementale ou à accuser le capitalisme sans se mobiliser, on sera échec et mat. Face au populisme, qui désintègre la démocratie, on a une responsabilité commune de la défendre même si on n’est pas d’accord avec la majorité en place.
  

Parcours
1945Naissance à Montauban (82) de parents allemands antinazis.
1968Leader du mouvement étudiant de contestation. Expulsé vers l’Allemagne, mesure qui prendra fin en 1978.
1989
Élu Vert au conseil municipal de Francfort-sur-le-Main.
1994-2014
Eurodéputé en alternant liste allemande (1994) et française (1999) puis allemande (2004) et à nouveau française (2009). Pour cette dernière élection, sa liste réalise le meilleur score (16,28 %) jamais enregistré par une liste écologiste en France.
2015Obtient la nationalité française.
2017Soutient la candidature d’Emmanuel Macron.
2018La Traversée, film réalisé avec Romain Goupil.
    
       
Le départ de Nicolas Hulot est un aveu d’impuissance du mouvement écologiste en France. Pourquoi ça bloque, alors que les enjeux écologistes sont prégnants ?
L’écologie n’est pas une priorité dans la société. Tout le monde comprend qu’il y a nécessité de passer par la transition écologique mais en accepter les conséquences est beaucoup plus difficile. L’écologie pose un problème démocratique compliqué à résoudre. Il s’agit de prendre aujourd’hui des mesures qui permettront la transition dans vingt ans. Ces décisions à long terme se heurtent à d’autres, urgentes, celles-là. C’est pour cela que l’on repousse sans cesse ces décisions. Les régimes totalitaires n’ont pas ce problème. Ils décident que dans dix ans, il n’y aura plus d’automobiles diesel et ça se fait ! Et donc, dans certains milieux, on affirme que pour résoudre le problème écologique, il faut un régime autoritaire. C’est très dangereux. Le mouvement écologiste dans son opposition à Macron a mal compris pourquoi il fallait soutenir Nicolas Hulot au lieu de lui taper dessus, de se plaindre qu’il n’allait pas assez loin. Il s’est retrouvé coincé entre la nécessité de convaincre un gouvernement qui n’est pas génétiquement écologiste et ceux qui lui disaient : « Si tu ne vas pas plus loin, tu es un traître. »

Quel regard portez-vous sur la vie sociale et syndicale en France ?
Il y a deux problèmes. D’un côté, le gouvernement veut passer au-dessus des syndicats parce qu’il estime que ce sont des institutions de blocage de la société ; de l’autre, la multitude des syndicats se livre une concurrence sans fin. Du coup, ni le gouvernement ni la majorité des syndicats n’ont compris la puissance du réformisme syndical. La CFDT est différente, elle est l’héritière, depuis 68, d’une autre approche du syndicalisme, ancrée à la fois dans les entreprises et dans la société. Elle est aussi prise entre tous les feux et doit faire face à deux points de blocage que sont une CGT dépassée et un patronat qui ne l’est pas moins. Dans les entreprises, il faut avancer sur la cogestion en plaçant des administrateurs salariés dans les conseils d’administration, ce qui est prévu par la loi Pacte. On verra si cela va jusqu’au bout. Mais, là encore, il faut que ceux qui sont élus jouent le jeu de la cogestion. 
* Forget 68 - Entretiens avec Stéphane Paoli et Jean Viard, éditions de l’Aube, 144 pages.

mercredi 14 novembre 2018

Conditions de la disponibilité dans la fonction publique. Objectif : encourager les fonctionnaires à enrichir leurs carrières par un passage temporaire dans le secteur privé.

Un projet de décret actuellement soumis à concertation prévoit de modifier les conditions de la disponibilité dans la fonction publique. Objectif : encourager les fonctionnaires à enrichir leurs carrières par un passage temporaire dans le secteur privé.
Le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) a examiné, le 12 novembre, un projet de décret précisant les modalités de mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2019, des récentes dispositions législatives rendant plus attractif le régime de la disponibilité dont peuvent bénéficier les agents publics pour l'exercice temporaire d'une activité professionnelle dans le secteur privé.
Jusqu'à présent, un fonctionnaire qui se trouvait en position de disponibilité pour exercer ce type d'activité - on parle de "pantouflage" dans le cas d’un haut fonctionnaire - devait renoncer à ses droits à l'avancement et à la retraite. Mais la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis à celui qui se trouve dans une telle situation de conserver le bénéfice de son avancement dans la limite de cinq ans

"Diversification" des parcours professionnels

À l'origine de la mesure, le gouvernement a voulu inciter les fonctionnaires à diversifier leurs parcours professionnels, et ce au plus grand bénéfice de la fonction publique, selon lui.
Le projet de décret, auquel Localtis a eu accès, organise le maintien des droits à l'avancement d'échelon et de grade durant la disponibilité, que celle-ci soit de droit ou sur demande. Il précise à cet égard la notion d'activité professionnelle. Celle-ci "recouvre toute activité lucrative, salariée ou indépendante, exercée à temps complet ou à temps partiel, à condition que cette activité, lorsqu'elle a été exercée en France, ait généré un revenu soumis à cotisation sociale dont le montant brut annuel est au moins égal au salaire brut annuel permettant de valider quatre trimestres d'assurance vieillesse en application du dernier alinéa de l'article R. 351-9 du code de la sécurité sociale". Pour les activités professionnelles exercées à l'étranger et la création ou la reprise d'entreprise, aucune condition de revenu n'est, en revanche, exigée.
Le maintien des droits à l'avancement sera conditionné à la transmission par le fonctionnaire, au 31 mai de chaque année suivant le premier jour de son placement en disponibilité, des pièces justifiant de l'exercice d'une activité professionnelle et, le cas échéant, du respect des obligations déontologiques auxquelles il est soumis, concernant les activités professionnelles exercées durant la disponibilité.

Des retombées positives pour le service public

Par ailleurs, le projet de décret procède à une refonte du régime de la disponibilité pour convenances personnelles. Actuellement, un agent peut en bénéficier pour une durée maximale de trois ans, renouvelable dans la limite de dix ans. Le projet de décret allonge cette durée à cinq ans, renouvelable, mais conserve la limite totale de dix ans. De plus, il conditionne l'octroi d'une nouvelle disponibilité de ce type à la réintégration de l'agent dans l'administration pendant une durée minimale de deux ans, lorsque le fonctionnaire a exercé une activité professionnelle au cours des cinq premières années de disponibilité pour convenances personnelles. L'objectif est de "maintenir le lien entre l'administration et l'agent" et de "permettre à l'administration de bénéficier de l'expérience professionnelle acquise par l'agent dans le secteur privé".
Dans la même logique, le projet de décret limite la possibilité de cumuler une disponibilité pour reprendre ou créer une entreprise et la première période de disponibilité pour convenances personnelles pour exercer une activité professionnelle à une durée maximale de cinq ans.
Selon la commission de déontologie de la fonction publique, 1.454 agents territoriaux ont bénéficié d'une disponibilité pour convenances personnelles, entre 2015 et 2017. Sur la même période, 378 agents territoriaux ont bénéficié de ce droit pour créer une entreprise.

mardi 13 novembre 2018

François de Rugy a rappelé, lors de son audition, que le budget de son ministère était du même niveau que le montant des recettes cumulées de la fiscalité écologique (34 milliards d’euros). Cela légitime, selon lui, le fait qu’il n’y ait pas besoin de répondre favorablement à la demande de l’affectation d’une partie de la taxe carbone à la transition énergétique des territoires.Il a répondu favorablement à la proposition du sénateur EELV Ronan DANTEC de créer un groupe de travail entre le ministre et les associations d’élus pour réfléchir à l’utilisation d’une partie des (énormes) recettes de la taxe carbone pour financer la transition énergétique dans les territoires.

Hausse du prix des carburants : une opportunité à saisir pour les collectivités ?

Publié le 09/11/2018 • Par Arnaud Garrigues • dans : Actu experts financesactus experts techniqueFrance

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La pression monte sur le gouvernement concernant la hausse du prix des carburants, qui est due pour partie à l’augmentation de la taxe carbone. Pour déminer le terrain, l’exécutif va devoir faire des gestes de compensation. Voire infléchir sa politique de refus de l'affectation d’une partie des recettes de la taxe carbone pour financer la transition énergétique dans les territoires. Une occasion que ne vont pas manquer de saisir les représentants des collectivités, comme l’a montré l’audition du ministre de la Transition écologique et solidaire au Sénat, le 7 novembre.


C’est une petite victoire qu’a obtenue le sénateur Ronan Dantec (EELV), héraut de la cause des élus dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, ce 7 novembre, lors d’une audition devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (ATDD) du Sénat, le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, a répondu favorablement à la proposition du sénateur de créer un groupe de travail entre le ministre et les associations d’élus pour réfléchir à l’utilisation d’une partie des (énormes) recettes de la taxe carbone pour financer la transition énergétique dans les territoires.
C’est là une requête ancienne des collectivités que les différents gouvernements ont continuellement rejetée. Mais les associations d’élus tiennent bon sur ce sujet, remettant à chaque occasion le sujet sur la table, avançant comme rarement en front uni, et obligeant le gouvernement à ne pas s’y opposer frontalement … sans pour autant y accéder. L’an dernier, lors de l’examen du PLF, un amendement en ce sens avait failli survivre au parcours parlementaire, avant qu’il ne soit finalement écarté, le gouvernement avait cependant reconnu la légitimité de cette demande et renvoyé au PLF 2019, où nous sommes désormais. Les membres de la commission ATDD viennent d’ailleurs de voter un amendement au PLF en ce sens.
Mais malgré l’annonce positive du 7 novembre, à écouter François de Rugy, on sent bien que le combat n’est  pas gagné et que le nouveau ministre s’inscrit dans la ligne chère à Bercy : le refus de l’affectation des taxes. Autrement dit, la taxe carbone n’est pas faite pour financer la transition écologique, mais pour nourrir les caisses de l’Etat, qui peut alors décider de nourrir tel ou tel budget ministériel, dont celui de l’écologie. Car s’il y avait une affectation, l’Etat perdrait son pouvoir de décider librement de l’utilisation de la manne de la fiscalité écologique. Elle est, au passage, la seule à voir ses recettes considérablement  augmenter ; elle sert donc à chaque gouvernement à financer ces principales  nouvelles annonces : sous François Hollande, le CICE ; sous Emmanuel Macron, la baisse de la taxe d’habitation.
Certes, François de Rugy a rappelé, lors de son audition, que le budget de son ministère était du même niveau que le montant des recettes cumulées de la fiscalité écologique (34 milliards d’euros). Cela légitime, selon lui, le fait qu’il n’y ait pas besoin de répondre favorablement  à la demande de l’affectation d’une partie de la taxe carbone à la transition énergétique des territoires. D’autant, a-t-il souligné, que la TICPE (principale taxe sur le carburant) bénéficie aux collectivités à hauteur de 36%, pour moitié aux régions, et pour autre moitié aux départements. Ce à quoi il peut être opposé au ministre que le bloc local (communes et intercommunalités) ne touche donc rien, et que ces moyens affectés aux régions et départements ne sont pas fléchés vers la transition énergétique.

Besoin de transparence sur la fiscalité écologique

Trois experts étaient aussi invités par la commission ADTT du Sénat, ce 7 novembre,  quelques heures avant le ministre, pour débattre de la fiscalité écologique et de son affectation : Benoît Leguet, directeur général de l’institut I4CE,  Dominique Bureau, délégué général du Conseil économique pour le développement durable (CEDD) et Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce. Ils ont tour à tour  fait le constant d’une quasi impossibilité de s’y retrouver dans les comptes de la transition énergétique (1).
C’est en partie ce qui explique qu’il n’existe pas en France une véritable politique publique de transition énergétique – comme cela est le cas de la Suède – , qui soit compréhensible par les citoyens, transparente pour tous, et qui incite plus massivement les différents acteurs de ce pays (ménages, collectivités, entreprises, etc.)  à faire évoluer leurs comportements. Et cela explique également la grogne actuelle sur la hausse du prix des carburants, les Français y voyant uniquement un moyen pour l’Etat de remplir ses caisses.
Ce constat est en partie faux, car les deux tiers de la hausse sont liés à l’augmentation du prix de baril de pétrole, le tiers restant correspondant à l’augmentation programmée de longue date de la taxe carbone (qui elle revient bien à l’Etat). Mais il est révélateur. On est bien loin en effet du cas de la Colombie britannique, cité par Bernard Lenglet (I4CE), où une réforme fiscale par le carbone a été mise en place, et où tout l’argent levé est redistribué à la population et aux acteurs économiques pour réaliser la transition écologique.

La nécessité d’ajouter un volet social

Alors que jusque-là les hausses de la taxe carbone passaient relativement inaperçues, la colère qui monte dans le pays et qui va connaître un pic le 17 novembre avec la manifestation prévue par les « gilets jaunes » oblige désormais le gouvernement à changer son fusil d’épaule.
S’il ne veut pas écarter de la lutte contre le climat toute une partie de la population, surtout ceux qui sont captifs des énergies fossiles et des voitures, et qui se trouvent autant dans les territoires ruraux qu’en milieu urbain (en situation de précarité énergétique), le gouvernement va devoir prévoir tout un volet social. Certes, la hausse du chèque énergie et son extension à une plus grande partie de la population est annoncée, mais comme l’a souligné Nicolas Garnier, « mais il y a un risque que ce ne soit qu’un pansement sur une jambe de bois, si l’on compare cette augmentation de 50 euros à une facture annuelle en chauffage qui tourne autour de 1000 euros… » D’autres mesures seraient sur la table pour un montant tournant autour de 400 à 500 millions d’euros, selon l’AFP : une défiscalisation des aides des collectivités au carburant, une extension des primes à la casse ou encore la mise en place du forfait versé par l’employeur aux employés qui se rendent à leur lieu de travail en covoiturage.
Le délégué général d’Amorce a d’ailleurs souligné qu’au-delà d’annoncer des mesures de compensation, il fallait faire en sorte que le montant des factures énergétiques diminue, en s’attaquant à ce qui est la vraie question : la rénovation énergétique des bâtiments, et la lutte contre la précarité énergétique. « On est à un tournant : la fiscalité  écologique est un outil efficace, à condition qu’elle porte des objectifs partagés : atteindre des objectifs environnementaux, traiter la question des plus pauvres, des plus démunis et des captifs, et enfin on peut envisager qu’une partie des recettes soit affecté à une autre cause, mais pas dans un premier temps comme ça nous est proposé aujourd’hui. Et en transparence », a-t-il conclu.

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Notes
Note 01Certes, il existe dans le PLF un compte d’affectation spéciale transition énergétique (CAS TE) qui s’élève à 7,2 Md€, mais il est bien loin de reprendre toutes les actions du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), qui sont aussi présentes dans ce qui est appelé « ses missions ». Bref, que ce soit pour les parlementaires ou les experts, il est donc impossible d’analyser le rapport entre les recettes de la fiscalité écologique et les moyens accordés pour mettre en œuvre la transition énergétique. Et il est vraisemblable qu’il s’agisse là d’une volonté de Bercy de créer un flou qui permet à l’Etat d’agir plus facilement à sa guise.