dimanche 31 mars 2019

Depuis 2018, l’industrie française crée davantage d’emplois qu’elle n’en détruit. Après plus de vingt années de décroissance, cette reprise fragile laisse espérer un rebond d’un secteur clé de l’économie française.

LES DÉFIS DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE

Publié le 28/03/2019
Depuis 2018, l’industrie française crée davantage d’emplois qu’elle n’en détruit. Après plus de vingt années de décroissance, cette reprise fragile laisse espérer un rebond d’un secteur clé de l’économie française.
L’industrie française est-elle en train de se redresser ? Sur le front de l’emploi, en tout cas, l’année 2018 est charnière. C’est la première fois depuis plus de quinze ans que le secteur a créé davantage d’emplois qu’il n’en a détruit. Le résultat est modeste puisqu’il tournerait autour de 10 000, selon les estimations de l’Insee, et l’année 2019 devrait également afficher un résultat positif malgré un ralentissement sensible des embauches. « Vu la conjoncture internationale, et notamment les difficultés que connaît l’industrie allemande, l’année 2019 reste incertaine », avertit le secrétaire confédéral Augustin Bourguignat. L’heure n’est donc pas à l’euphorie, mais il faut rappeler d’où revient l’industrie française pour apprécier ces signes de reprise. Depuis les années 2000, 800 000 emplois ont été rayés de la carte. En 2016, le secteur en perdait encore 30 000.
En 2019, 175 000 salariés à recruter
   
La filière de l’automobile à l’heure des choix
Dans l’industrie automobile, l’heure est aux interrogations. Comme celles qui touchent la filière diesel, frappée par une crise sans précédent. Le « dieselgate » n’a rien arrangé, mais les ventes de véhicules diesel aux particuliers avaient déjà subi une baisse drastique entre 2010 et 2018, en passant de 71 à 36 %. Constructeurs, équipementiers, sous-traitants : tous les acteurs regardent l’avenir avec inquiétude. D’ailleurs, les équipementiers spécialisés sont les premiers à faire les frais de cette crise. Ibiden, fabricant de filtres à particules pour les moteurs Diesel, a dû fermer son site de 300 salariés à Courtenay (Loiret) à la fin de 2018. L’usine Bosch de Rodez est sur la sellette. Au total, près de 150 sites en France seraient directement menacés.
Plus largement, c’est toute la filière structurée autour de la motorisation thermique – celle sur laquelle l’automobile prospère depuis des décennies – qui est déstabilisée. La pression des nouvelles normes européennes, extrêmement restrictives en matière d’émissions de CO2 y est pour beaucoup. Mais les effets de cette mutation annoncée sont énormes. L’Observatoire de la métallurgie estime entre 15 000 et 20 000 le nombre d’emplois menacés sur la seule filière powertrain (ce qui correspond au groupe motopropulseur d’un véhicule automobile). Dans ce contexte, l’électrique et l’hybride (moteurs thermiques et électriques) sont indéniablement les voies d’avenir. Mais le futur modèle économique est encore loin d’être précisé. Les investissements tardent, et la diversification des sites de production reste timide. Sachant qu’il faut sept fois moins d’ouvriers pour fabriquer un véhicule électrique qu’un véhicule à moteur thermique, la CFDT a d’ores et déjà alerté sur l’urgence d’anticiper dans le domaine de la formation en vue de faire évoluer les compétences et préparer les salariés aux mutations.
   
Alors que la 9e édition de la Semaine de l’industrie s’achève, l’enjeu pour l’industrie est aujourd’hui de changer d’image afin d’attirer davantage les jeunes car cette reprise a fait naître quelques tensions dans les entreprises qui disent peiner à trouver des salariés formés. L’industrie devrait en effet recruter 175 000 personnes en 2019. Alors que les soudeurs et autres profils qualifiés sont rares sur le marché, les centres d’apprentissage peinent à faire le plein. « L’industrie souffre d’une mauvaise image alors que les salariés sont plutôt mieux rémunérés que dans d’autres secteurs d’activité », insiste Augustin Bourguignat.
Les emplois proposés nécessitent également davantage de qualifications car l’industrie est en pleine transformation. Les usines du futur ont besoin de moins de main-d’œuvre assignée à des tâches répétitives, mais exigent davantage d’opérateurs maîtrisant les outils numériques, capables de s’adapter à des process en perpétuelle évolution. Les entreprises doivent donc tout à la fois attirer des jeunes et faire monter en qualification leurs salariés. Le secteur automobile est la parfaite illustration des mutations en cours. La filière diesel doit se restructurer pour faire face aux enjeux écologiques, Renault crée de nouveaux emplois pour ces moteurs 100 % électriques. À l’échelle européenne, les gouvernements français et allemand réfléchissent à faire émerger une filière batterie. L’idée est de créer une sorte d’Airbus de la batterie, ce qui permettrait de ne pas laisser les pays asiatiques seuls sur ce créneau porteur. « Une filière batteries permettrait d’intégrer une partie importante de la valeur ajoutée des ventes de véhicules électriques et hybrides en rééquilibrant notre balance commerciale, en créant des emplois de proximité en France et en Europe, qui compenseraient en partie les emplois menacés par les mutations actuelles et à venir de la filière automobile, analyse Stéphane Destugues, secrétaire général de la CFDT-Métallurgie. Une telle filière pourrait faire avancer la réflexion sur le stockage d’énergie en accélérant la transition énergétique. »
Toujours dans le secteur de l’énergie propre, l’industrie française devrait se développer dans l’éolien offshore(pleine mer).
Des atouts pour reconquérir des parts de marché
Enfin, des secteurs plus traditionnels comme la sidérurgie vont également devoir évoluer pour répondre aux exigences environnementales. Là aussi, ce sujet ne pourra être traité efficacement qu’à l’échelle européenne. L’industrie française, allemande ou polonaise ne pourra faire face à l’acier chinois que si des mesures sont prises au sein de l’Union, évitant ainsi un dumping écologique asiatique. « Après avoir énormément souffert, l’industrie française possède tous les atouts pour reconquérir des parts de marché en Europe et dans le monde à l’heure des usines du futur et des nouvelles exigences environnementales, conclut Augustin Bourguignat. Les entreprises doivent être au rendez-vous, dans la recherche et développement comme dans la formation de leurs salariés. La CFDT saura le leur rappeler. »
photo © F.Crusiaux / Réa 

CFDT FEMINISTE .....TOUTE UNE HISTOIRE PAR JEANNETTE LAOT 2004

CFDT FÉMINISTE ... TOUTE UNE HISTOIRE !

À la suite d’une grande concertation, Dominique Libault a remis aujourd’hui à la ministre de la Santé un rapport consacré à la prise en charge de la perte d’autonomie. La CFDT salue le contenu du rapport centré sur les personnes, les aînés mais aussi les professionnels qui s’en occupent ou leurs aidants. Par Jocelyne Cabanal, Secrétaire nationale de la CFDT

PERTE D'AUTONOMIE, LA CFDT DEMANDE LA MISE EN OEUVRE DU RAPPORT LIBAULT

Publié le 28/03/2019
À la suite d’une grande concertation, Dominique Libault a remis aujourd’hui à la ministre de la Santé un rapport consacré à la prise en charge de la perte d’autonomie. La CFDT salue le contenu du rapport centré sur les personnes, les aînés mais aussi les professionnels qui s’en occupent ou leurs aidants.
Les réponses s’articulent autour de la citoyenneté, la dignité, la qualité de vie et la reconnaissance de chacun. La CFDT partage les constats sans appel de crise du secteur, constats qu’elle avait portés fortement lors du mouvement des Ehpad et de l’aide à domicile. Les professionnels ont longtemps dû compenser seuls les sous-effectifs. Les propositions de meilleurs taux d’encadrement en établissement, de temps respectueux des interventions au domicile et de revalorisation des professionnels sont à souligner et correspondent à des revendications portées de longue date par la CFDT.
Aujourd’hui, les pistes de solutions se concrétisent autour de la reconnaissance d’un vrai risque social et d’un financement pérenne et solidaire qui permettra une organisation vertueuse de la prise en charge. Et c’est possible : la CFDT soutient la proposition d’utiliser les excédents attendus de la Sécurité sociale et de recourir au maintien de la CRDS après 2024 comme base structurelle de ce financement. Pour la CFDT, des financements complémentaires pourraient être mobilisés, notamment autour des droits de donation et de succession pour privilégier définitivement la solidarité nationale plutôt que des financements auto-assuranciels privés, porteurs d’inégalités.
Le Gouvernement doit prendre en compte ces aspirations fortes. Elles émergent de tous les territoires et se sont exprimées largement lors des grands débats. Aucun citoyen ne comprendrait à l’aube d’un vieillissement structurel de la population que des choix de courts termes repoussent la possibilité d’une prise en charge digne de nos aînés.
La CFDT appelle donc à suivre les préconisations du rapport Libault et s’inscrira dans les concertations qui s’organiseront dans le cadre du projet de loi, notamment celles concernant l’attractivité des métiers.

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lundi 25 mars 2019

Transposition de la directive détachement .Ces nouvelles dispositions, qui répondent à des revendications de longue date de la CFDT et de la CES, sont indispensables au renforcement du cadre du détachement et à la lutte contre la fraude. Elles assurent une meilleure équité de rémunération entre les salariés détachés et locaux, instaurent une durée limitée du détachement, élargissent les règles françaises auxquelles l’employeur étranger doit se soumettre et enfin, clarifient les obligations d’information des entreprises utilisatrices accueillant des intérimaires détachés. Certaines réserves sont toutefois à souligner… Pour toutes ces raisons, dans le cadre des consultations menées par la Direction générale du travail (DGT) et le ministère du Travail, la CFDT a rendu un avis favorable avec réserves, avis partagé par la plupart des autres organisations syndicales.

DÉTACHEMENT : TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE DÉTACHEMENT EN DROIT FRANÇAIS

Publié le 13/03/2019
Le 20 février dernier, le Conseil des ministres a adopté l’ordonnance de transposition de la directive européenne du 28 juin 2018, modifiant ainsi la directive 96/71/CE sur le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Faisons le point sur les nouvelles dispositions nationales qui en découlent.

Il faudra encore patienter !  Ces nouvelles dispositions ne seront applicables qu’à partir du 30 juillet 2020, sauf pour les chauffeurs du secteur du transport routier (1), qui resteront soumis au-delà de cette date aux règles du détachement en vigueur aujourd’hui dans le Code du travail.
Pour en savoir plus sur la directive Détachement de 2018, vous pouvez lire l’article « Détachement : la nouvelle directive enfin adoptée ».
  • Transposition stricte en droit interne par voie d’ordonnance
Comme à son habitude en matière de détachement, la France a été très réactive. À peine l’été passé, la loi sur la formation professionnelle (2) a habilité le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance dans les 6 mois afin de transposer la directive.
L’ordonnance adoptée en Conseil des ministres ce 20 février dernier devra désormais être ratifiée par le Parlement dans les 3 mois pour lui donner une valeur législative, soit avant le 21 mai 2019.
Cet emballement n’était pourtant pas justifié. Les dispositions issues de l’ordonnance ne seront effectives qu’à compter du 30 juillet 2020. La directive, et c’est assez rare pour être souligné, précise en effet que les dispositions en droit national ne pourront être applicables qu’à compter de cette date. Il n’était donc pas indispensable de procéder par voie d’ordonnance, ce qui aurait permis une concertation plus approfondie avec les partenaires sociaux. Si bien que lors des consultations, la CFDT et les autres organisations syndicales ont dénoncé la méthode choisie.
Lors des différentes consultations avec les partenaires sociaux, le ministère du Travail a précisé que l’objectif de cette ordonnance ne devait pas viser une « sur-transposition » de la directive, mais bel et bien une stricte transposition en droit interne, comme le prévoyait la loi d’habilitation.
  • Le contenu de l’ordonnance et la position CFDT
Avec seulement 7 articles, le contenu de l’ordonnance est donc assez succinct, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit inutile, loin de là ! Ces nouvelles dispositions, qui répondent à des revendications de longue date de la CFDT et de la CES, sont indispensables au renforcement du cadre du détachement et à la lutte contre la fraude. Elles assurent une meilleure équité de rémunération entre les salariés détachés et locaux, instaurent une durée limitée du détachement, élargissent les règles françaises auxquelles l’employeur étranger doit se soumettre et enfin, clarifient les obligations d’information des entreprises utilisatrices accueillant des intérimaires détachés. Certaines réserves sont toutefois à souligner…
Pour toutes ces raisons, dans le cadre des consultations menées par la Direction générale du travail (DGT) et le ministère du Travail, la CFDT a rendu un avis favorable avec réserves, avis partagé par la plupart des autres organisations syndicales.
  • Tour d'horizon des nouvelles dispositions 
-Une obligation d’information du détachement de l’entreprise de travail temporaire (ETT) étrangère par l’entreprise utilisatriceSont désormais distinguées les obligations des entreprises utilisatrices sises hors de France et exerçant temporairement une activité en France de celles se situant sur le territoire national (3).
Par ailleurs, lorsque l’entreprise utilisatrice est hors de France et détache des salariés en France, elle ne devra plus remettre à l’inspection du travail une déclaration attestant avoir prévenu l’ETT étrangère du détachement ni certifier qu’elle ait bien pris connaissance des règles en la matière. Dorénavant, l’entreprise utilisatrice aura une simple obligation d’information vis-à-vis de l’ETT et des règles applicables. Notons que la liste de ces informations fera l’objet d’un arrêté à venir... En cas de contrôle de l’inspection du travail, elle devra être en capacité de prouver par tout moyen avoir rempli son obligation. C’est donc désormais un contrôle a posteriori (4).
POUR LA CFDT, LA DÉCLARATION PRÉVUE EN AMONT DU DÉTACHEMENT ÉTAIT PLUS CONTRAIGNANTE ET DISSUADAIT DAVANTAGE DE LA FRAUDE. D’AUTANT QUE CE TYPE DE DÉTACHEMENT PEUT CONSTITUER UN DÉTACHEMENT EN CASCADE, ET DONC FAVORISER LA FRAUDE PAR DILUTION DE LA RESPONSABILITÉ DE L’EMPLOYEUR.
Au contraire, la Direction générale du travail (DGT) considère que cette obligation d’information est plus contraignante car, en cas de contrôle, l’entreprise en question devra prouver qu’elle a bien informé l’entreprise d’intérim, et non simplement remettre une attestation. Mais ceci ne pourra se vérifier qu’en cas de contrôle…
Enfin, pour les entreprises utilisatrices en France, est créée une nouvelle obligation d’information de l’ETT étrangère sur les règles relatives à la rémunération pendant la mise à disposition sur le territoire national (5).
-Le noyau dur de règles impératives françaises étofféLe noyau dur de règles impératives françaises applicables au salarié détaché est étoffé et inclut désormais la mention du principe d’égalité de traitement entre les salariés détachés et locaux d’une même branche (6).
Le noyau dur se compose des règles légales et conventionnelles applicables dans la branche d’activité concernée qui s’imposent à l’employeur envoyant des salariés dans le pays d’accueil.
Conformément à la directive, est inséré dans le noyau dur le terme « rémunération » (et non plus celui du salaire minimum), ainsi que le remboursement des frais professionnels au salarié détaché dans le cadre de sa mission selon la loi française (logement, transport, repas).
Alors que la directive prévoit que le noyau dur précise les conditions d’hébergement, l’ordonnance ne le prévoit pas expressément. En réponse à un courrier que la CFDT a adressé à la DGT, celle-ci nous a indiqué oralement que les informations seraient précisées sur le site du ministère.  Etant donné qu’il ne s’agissait pas de dispositions nouvelles, elle n’estimait pas nécessaire de les faire figurer dans l’ordonnance. Or pour la CFDT, lesdites dispositions figurent au sein de la partie réglementaire, et non législative, comme l’y oblige la directive.
-La limitation de la durée du détachement et des règles applicablesLa durée du détachement maximale est limitée à 12 mois, avec un possible allongement jusqu’à 18 mois. Pour cela, l’employeur devra effectuer une déclaration motivée auprès de l’administration, préalablement à l’expiration des 12 mois. Un décret devra en préciser les conditions (7).
Au-delà des 12 mois (ou des 18 mois), tout le Code du travail doit s’appliquer au salarié détaché, sauf les dispositions relatives à la conclusion, à l’exécution, au transfert et à la rupture du contrat de travail, à sa modification pour motif économique, à la mobilité volontaire sécurisée, au CDD, au contrat de mission à l’exportation, au contrat de chantier ou d’opération, ainsi qu’aux chèques et titres simplifiés de travail.
Pour la CFDT, la justification de prolongation du détachement de 12 à 18 mois reste trop vague. Aucune précision n’est apportée sur le point de savoir quel contrôle sera effectué par les autorités quant à la justification de prolongation établie par l’employeur de l’état d’envoi. Suite au passage du projet de texte devant le Conseil d’État, le décret ne devra pas seulement prévoir le délai pour faire la demande de prolongation de la durée du détachement, mais, plus largement, il devra en fixer les conditions, ce qui est sans nul doute préférable... Par ailleurs, la DGT a précisé aux partenaires sociaux qu’une instruction sera publiée sur ce point.
Enfin, en cas de remplacement d’un salarié détaché par un autre salarié détaché sur le même poste de travail, la durée maximale sera atteinte lorsque la durée cumulée sur le même poste est égale à 12 mois. Cette durée devra s’apprécier en tenant compte des périodes de détachement déjà accomplies avant le 30 juillet 2020.
CETTE PRÉCISION, AJOUTÉE À LA DERNIÈRE MINUTE DANS L’ORDONNANCE, EST TRÈS POSITIVE !
-De nouvelles sanctions administratives et la prise en compte de la bonne foi de l’auteur. De nouvelles amendes administratives sont créées en cas de manquement aux règles, y compris pour l’entreprise utilisatrice :
- une amende pour l’employeur étranger en cas de manquement de l’obligation de déclaration motivée à l’administration préalablement à l’expiration des 12 mois pour demander l’allongement à 18 mois (4 000 € par salarié détaché, voire 8 000 € en cas de récidive dans un délai de 2 ans) (8) ;
- une amende pour l’entreprise utilisatrice en cas d’absence d’information de l’ETT étrangère sur les règles relatives à la rémunération, voire en cas de non-respect de ces règles (9).
Il est également prévu que la bonne foi de l’auteur pourra être prise en compte au moment du prononcé de la sanction, ou encore lors de la fixation du montant de l’amende (10). Le gouvernement justifie ce principe par la volonté de la directive de prendre en compte, au moment du prononcé de la sanction, le plausible caractère erroné des informations portant sur les règles relatives au détachement qui seraient publiées sur le site internet national.
Pour la CFDT, il est surtout important :
- que le gouvernement mette à jour régulièrement le site national officiel (celui du ministère du Travail) ;
- que l’ensemble des conventions collectives soient accessibles aux salariés détachés et à leurs employeurs.
  • Encore du chemin à parcourir…
Il est vrai qu’un certain nombre de revendications de la CES qui visaient à préciser les conditions du détachement pour éviter les abus n’ont pas été intégrées dans la nouvelle directive de 2018. Par exemple, l’obligation d’avoir embauché un salarié au moins 3 mois avant qu’il ne puisse être détaché. À ce sujet, le gouvernement français nous a annoncé qu’il comptait imposer une telle obligation avec le Règlement européen de coordination des systèmes de sécurité sociale (Règlement n°883/2004, en cours de révision).
La transposition en droit français aurait pu aller au-delà de ce que prévoyait la nouvelle directive, notamment en matière de frais de transport depuis le pays d’origine. En effet, pour rappel, la directive fixe un minimum et rien n’interdit aux États membres d’aller au-delà, comme l’a déjà fait la France (au sujet du noyau dur par exemple), à condition toutefois de ne pas entraver les libertés garanties par le droit de l’Union européenne : la liberté de circulation des travailleurs et la liberté de prestation de services, par exemple.
 En outre, compte tenu du contenu de la loi d’habilitation, il n’était pas possible d’intégrer au sein de l’ordonnance des éléments non prévus par la directive. Mais pour la CFDT, rien n’empêche la France d’introduire par la suite de nouvelles dispositions via d’autres véhicules législatifs !
Rappelons que la France fait de la lutte contre la fraude au détachement une priorité. Depuis 2014, de nombreuses dispositions ont été adoptées en ce sens. Encore en 2018, avec la loi formation professionnelle, une dizaine d’articles concernent ce sujet. À ce propos, le ministère a informé les partenaires sociaux que les décrets d’application devraient paraître courant mars.
La lutte contre les fraudes au détachement n’est donc pas près de s’épuiser, que ce soit en France ou au sein de l’Union... À cet égard, il est important de préciser que l’accord interinstitutionnel qui se dégage au niveau européen sur la future Autorité européenne du Travail devrait donner à cette instance des moyens de lutter contre les abus en matière de détachement, dans le cadre d’une coopération renforcée entre les inspections du travail (ou équivalents) des différents États membres.




(1) Art. L.1321 Code des transports.
(2) Art. 93 de la loi n° 2018-771 du 5.09.18 sur la liberté de choisir son avenir professionnel. 
(3) Art. L.1262-2 C.trav.
(4) Art. L.1262-2-1 IV C.trav.
(5) Art. L.1262-2-1 V C.trav.
(6) Art. L.1262-4 C.trav.
(7) Art. L.1264-2 C.trav in fine.
(8) Art. L.1264-1 C.trav.
(9) Art. L.1264-2 C.trav.
(10) Art. L.1264-3 C.trav.

Une fois notifié, le licenciement acté par SMS doit être considéré comme définitivement prononcé et ce à l’instar de tous les autres licenciements. Il ne saurait donc par la suite être régularisé via la mise en œuvre d’une procédure de licenciement plus conforme. C’est en substance ce que la Cour de cassation est venue rappeler dans un arrêt rendu au cœur de l’hiver. Cassation sociale n° 18-12.546, 20.02.2019

LICENCIEMENT PAR SMS : L’EMPLOYEUR NE PEUT Y RENONCER QU’AVEC L’ACCORD DU SALARIÉ

Publié le 20/03/2019
Une fois notifié, le licenciement acté par SMS doit être considéré comme définitivement prononcé et ce à l’instar de tous les autres licenciements. Il ne saurait donc par la suite être régularisé via la mise en œuvre d’une procédure de licenciement plus conforme. C’est en substance ce que la Cour de cassation est venue rappeler dans un arrêt rendu au cœur de l’hiver. Cassation sociale n° 18-12.546, 20.02.2019
« Steph, ma décision est prise, tu es licencié ». Voilà en substance les termes pour le moins abruptes du message SMS qu’un employé polyvalent de la société You sushi a eu la désagréable surprise de trouver le 23 mars 2013 sur son téléphone portable. Message aux allures de couperet en provenance du gérant du restaurant pour lequel le salarié travaillait depuis le 11 mai 2011 et qui, accessoirement, exigeait de lui la restitution des clefs de l’établissement pour le lendemain, 24 mars, 13 heures.
  • Une (rapide) prise de conscience par l’employeur de son erreur
Point besoin de longuement épiloguer pour arriver à la conclusion qui s’impose : le licenciement ici prononcé était tout à la fois vicié sur la forme et sur le fond. Il devait donc être vu comme irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Certes, la cour de cassation ne proscrit fermement que les seuls licenciements verbaux(1). Ce qui l’a déjà conduit, malgré la lettre de la loi(2), à considérer que la notification d’un licenciement pouvait très bien être réalisée par un autre biais que celui de la lettre recommandée avec accusé de réception. Ainsi, par exemple, d’une remise en mains propres(3) ou bien encore d’un exploit d’huissier(4).
Par essence, le licenciement par SMS ne semble donc pas pouvoir être ipso facto considéré comme irrégulier.
Mais par-delà cet aspect des choses, ce qui marque dans les faits ici relatés, c’est surtout le cumul des infractions : une absence de convocation à entretien préalable, une absence de motivation de la décision de licencier et un caractère pour le moins expéditif de l’opération menée par l’employeur : pas le moindre préavis alors même que le salarié, qui travaillait à son service depuis presque deux ans, avait légalement droit à bénéficier d’un délai de prévenance minimal d’un mois(5).
Après s’être visiblement emporté et avoir fait montre d’un manifeste abus de pouvoir, l’on peut assez facilement imaginer que l’employeur a cru bon de prendre un peu de recul (et aussi, à n’en pas douter, quelques conseils éclairés). Et c’est ainsi que, deux jours après avoir envoyé le message SMS prononçant le licenciement du salarié, il a tenté de corriger le tir :
- d’une part, en lui adressant un second message SMS confirmant certes son licenciement mais lui octroyant finalement son droit à préavis ;
- d’autre part, en lui adressant un courrier recommandé avec accusé de réception le convoquant à un entretien préalable au licenciement pour le 6 avril suivant. 
  • Une (vaine) tentative de régularisation patronale du licenciement
Dans cette affaire, la partie employeur ne s’est pas risquée à convaincre les juges de la licéité de son licenciement « 2.0 ». Ce qui se conçoit parfaitement dans le sens où, juridiquement parlant, une telle « stratégie » eut été pour ainsi dire vouée à l’échec. La décision de licencier étant toujours susceptible d’être lourde de conséquence, le Code du travail a en effet, de longue date, pris le soin de conditionner sa validité au respect de règles de forme et de fond. C’est ainsi que :
- en son article L. 1232-1, il précise que tout licenciement doit être « motivé » et « justifié par une cause réelle et sérieuse » ;
- en son article L. 1232-2, il précise que le salarié dont le licenciement est envisagé doit pouvoir être entendu (et s’il le souhaite assisté) lors d’un entretien préalable au licenciement ;
- en son article L. 1232-6, il précise que toute décision de licenciement doit faire l’objet d’une notification (normalement) par lettre recommandée avec accusé de réception comportant les « l’énoncé du (ou des) motif(s) invoqué(s) par l’employeur ».
Or, à l’évidence, le licenciement ici prononcé s’affranchissait allégrement de l’ensemble de ces garanties. C’est donc par un autre biais que la partie patronale a tenté de faire avaliser par les juges du contrat de travail sa décision de licencier. Et pour ce faire, il a tout bonnement pris l’initiative de tout reprendre à zéro et de lancer une nouvelle procédure de licenciement. Irréprochable celle-là !
Voici, en quelques mots, le stratagème mis en œuvre :
Le 25 mars 2013, soit deux jours seulement après le prononcé du licenciement par voie de SMS, l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable au licenciement ... dans les règles de l’art. Le délai de cinq jours devant s’écouler entre la date de présentation de la convocation et la date retenue pour la tenue de l’entretien préalable est ici parfaitement respecté et, conformément à la loi, les possibilités d’assistance du salarié convoqué lui sont parfaitement bien rappelées.
Et le 6 avril 2013, date retenue pour la tenue de l’entretien préalable, le poisson mord à l’hameçon. Accompagné d’un conseiller du salarié, le salarié -pourtant déjà licencié depuis déjà plus de 15 jours- se présente en toute innocence à son entretien préalable … au licenciement (!).
Le piège se referme alors sur le salarié et il ne restera plus à l’employeur qu’à lui adresser une lettre de licenciement en bonne et due forme et en recommandée avec accusé de réception. Ce qui fût fait dès le 12 avril 2013.
Résultat a priori probant pour l’employeur : initialement mal licencié, le salarié se trouve finalement parfaitement bien licencié.
  • Un licenciement qui (parfois) peut en cacher un autre
Il n’en reste pas moins qu’à ce stade de l’histoire, un doute subsiste encore. Nous nous retrouvons tout de même avec un salarié deux fois licencié : une première fois de manière irrégulière -via un simple message SMS- et une seconde fois de manière régulière -après entretien préalable et en lettre recommandée avec accusé de réception (et on peut l’imaginer avec à la clef un motif).
Alors, lequel fallait-il retenir ? L’irrégulier ou le régulier ?
L’on peut assez facilement imaginer la préférence de l’employeur mais encore fallait-il que, devant les juges, ce dernier puisse justifier de son choix de manière un tant soit peu objective … afin de ne pas trop donner l’impression de « faire son marché » en retenant celui qui l’arrangeait. Pour ce faire, il a plaidé le fait que la (première) décision de licencier -prononcée le 23 mars 2013- avait été « rétracté » du fait même du déroulement sans coup férir de la procédure préalable au second.
Il faut ici rappeler que, de longue date, il est admis en jurisprudence que l’employeur est parfaitement habilité à « renoncer » au licenciement qu’il a initialement prononcé dès lors que le salarié est d’accord pour qu’il en aille ainsi(6).
  • Le (prétendu) consentement du salarié au renoncement de l’employeur à son licenciement
Reste qu’ici, le salarié n’avait pas expressément donné son aval pour qu’il soit renoncé au licenciement qui lui avait été notifié le 23 mars 2013 par voie de SMS …
Mais c’est justement sur ce point précis que le cœur de la stratégie de l’employeur -en forme de piège pour le salarié- fût élaborée : en convoquant le salarié, le gérant du restaurant espérait secrètement qu’il viendrait bien afin de pouvoir par la suite plaider que, ce faisant, il avait « de façon claire et non équivoque » acquiescé à la volonté patronale de renoncer au prononcé du premier licenciement.
Dit autrement, après que l’employeur a convoqué son salarié à entretien préalable, celui-ci ne lui a pas fait savoir que la procédure ainsi mise en œuvre était sans objet. Il y a au contraire souscrit en venant à l’entretien préalable assisté d’un conseiller du salarié. Il avait donc admis qu’il n’était pas encore licencié, ce qui permettait d’alléguer du fait qu’il avait bien accepté le renoncement de l’employeur au licenciement dont il avait initialement fait l’objet …
Une telle argumentation, pour le moins tendancieuse, conduisait clairement à faire au salarié un procès d’intention. Qui plus est, elle instrumentalisait l’entretien préalable au licenciement (qui est normalement là pour protéger le salarié) afin d’en faire une arme par destination contre ce dernier. Et pourtant, elle a bel et bien emporté la conviction des juges du fond.  
Notons pour la petite histoire que ce n’est pas la première fois que la partie employeur à un procès patronal tente de retourner la protection de l’entretien préalable contre la partie salariée. Ainsi a-t-il déjà été tenté par un employeur de justifier du prononcé d’un licenciement par le seul fait que le salarié n’avait pas daigné répondre à sa convocation à entretien préalable (!). Ce en quoi la Cour de cassation lui avait rétorqué qu’il ne pouvait pas le faire dans le sens où cette formalité n’a été prévue que « dans le seul intérêt du salarié »(7).   
  • La (nécessaire) remise en ordre de la Cour de cassation
Fort heureusement, la cour de cassation vient remettre les choses en ordre en cassant l’arrêt qui avait été rendu le 1er décembre 2016 par la Cour d’appel de Pau, ce au visa des trois articles du Code du travail que nous détaillés plus haut dans ce commentaire : l’article L. 1232-1, l’article L. 1232-2 et l’article L. 1232-6. Pour elle, en effet, la « volonté claire et non équivoque » du salarié d’accepter la rétractation du 1er licenciement n’était à l’évidence pas suffisamment établie.
Et à bien y réfléchir, le fait que ce 1er licenciement ait été prononcé par message SMS ne doit finalement être vu que comme un simple détail de cette affaire. A notre sens, la solution eut en effet été exactement la même s’il avait été prononcé, dans des conditions identiques, par le biais d’un autre support.


(1) Cass. soc. 23.06.98, n° 96-41.688.
(2) Art. L. 1232-3 C. trav.
(3) Cass. soc. 16.12.09, n° 08-42.922.
(4) Cass. soc. 16.12.09, n° 08-40.722.
(5) Art. L. 1234-1 C. trav.
(6) Cass.soc., 17.01.90, n° 87-40.666.
(7) Cass.soc.,15.01.91, n° 89-42.270.