dimanche 31 mars 2019

Depuis 2018, l’industrie française crée davantage d’emplois qu’elle n’en détruit. Après plus de vingt années de décroissance, cette reprise fragile laisse espérer un rebond d’un secteur clé de l’économie française.

LES DÉFIS DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE

Publié le 28/03/2019
Depuis 2018, l’industrie française crée davantage d’emplois qu’elle n’en détruit. Après plus de vingt années de décroissance, cette reprise fragile laisse espérer un rebond d’un secteur clé de l’économie française.
L’industrie française est-elle en train de se redresser ? Sur le front de l’emploi, en tout cas, l’année 2018 est charnière. C’est la première fois depuis plus de quinze ans que le secteur a créé davantage d’emplois qu’il n’en a détruit. Le résultat est modeste puisqu’il tournerait autour de 10 000, selon les estimations de l’Insee, et l’année 2019 devrait également afficher un résultat positif malgré un ralentissement sensible des embauches. « Vu la conjoncture internationale, et notamment les difficultés que connaît l’industrie allemande, l’année 2019 reste incertaine », avertit le secrétaire confédéral Augustin Bourguignat. L’heure n’est donc pas à l’euphorie, mais il faut rappeler d’où revient l’industrie française pour apprécier ces signes de reprise. Depuis les années 2000, 800 000 emplois ont été rayés de la carte. En 2016, le secteur en perdait encore 30 000.
En 2019, 175 000 salariés à recruter
   
La filière de l’automobile à l’heure des choix
Dans l’industrie automobile, l’heure est aux interrogations. Comme celles qui touchent la filière diesel, frappée par une crise sans précédent. Le « dieselgate » n’a rien arrangé, mais les ventes de véhicules diesel aux particuliers avaient déjà subi une baisse drastique entre 2010 et 2018, en passant de 71 à 36 %. Constructeurs, équipementiers, sous-traitants : tous les acteurs regardent l’avenir avec inquiétude. D’ailleurs, les équipementiers spécialisés sont les premiers à faire les frais de cette crise. Ibiden, fabricant de filtres à particules pour les moteurs Diesel, a dû fermer son site de 300 salariés à Courtenay (Loiret) à la fin de 2018. L’usine Bosch de Rodez est sur la sellette. Au total, près de 150 sites en France seraient directement menacés.
Plus largement, c’est toute la filière structurée autour de la motorisation thermique – celle sur laquelle l’automobile prospère depuis des décennies – qui est déstabilisée. La pression des nouvelles normes européennes, extrêmement restrictives en matière d’émissions de CO2 y est pour beaucoup. Mais les effets de cette mutation annoncée sont énormes. L’Observatoire de la métallurgie estime entre 15 000 et 20 000 le nombre d’emplois menacés sur la seule filière powertrain (ce qui correspond au groupe motopropulseur d’un véhicule automobile). Dans ce contexte, l’électrique et l’hybride (moteurs thermiques et électriques) sont indéniablement les voies d’avenir. Mais le futur modèle économique est encore loin d’être précisé. Les investissements tardent, et la diversification des sites de production reste timide. Sachant qu’il faut sept fois moins d’ouvriers pour fabriquer un véhicule électrique qu’un véhicule à moteur thermique, la CFDT a d’ores et déjà alerté sur l’urgence d’anticiper dans le domaine de la formation en vue de faire évoluer les compétences et préparer les salariés aux mutations.
   
Alors que la 9e édition de la Semaine de l’industrie s’achève, l’enjeu pour l’industrie est aujourd’hui de changer d’image afin d’attirer davantage les jeunes car cette reprise a fait naître quelques tensions dans les entreprises qui disent peiner à trouver des salariés formés. L’industrie devrait en effet recruter 175 000 personnes en 2019. Alors que les soudeurs et autres profils qualifiés sont rares sur le marché, les centres d’apprentissage peinent à faire le plein. « L’industrie souffre d’une mauvaise image alors que les salariés sont plutôt mieux rémunérés que dans d’autres secteurs d’activité », insiste Augustin Bourguignat.
Les emplois proposés nécessitent également davantage de qualifications car l’industrie est en pleine transformation. Les usines du futur ont besoin de moins de main-d’œuvre assignée à des tâches répétitives, mais exigent davantage d’opérateurs maîtrisant les outils numériques, capables de s’adapter à des process en perpétuelle évolution. Les entreprises doivent donc tout à la fois attirer des jeunes et faire monter en qualification leurs salariés. Le secteur automobile est la parfaite illustration des mutations en cours. La filière diesel doit se restructurer pour faire face aux enjeux écologiques, Renault crée de nouveaux emplois pour ces moteurs 100 % électriques. À l’échelle européenne, les gouvernements français et allemand réfléchissent à faire émerger une filière batterie. L’idée est de créer une sorte d’Airbus de la batterie, ce qui permettrait de ne pas laisser les pays asiatiques seuls sur ce créneau porteur. « Une filière batteries permettrait d’intégrer une partie importante de la valeur ajoutée des ventes de véhicules électriques et hybrides en rééquilibrant notre balance commerciale, en créant des emplois de proximité en France et en Europe, qui compenseraient en partie les emplois menacés par les mutations actuelles et à venir de la filière automobile, analyse Stéphane Destugues, secrétaire général de la CFDT-Métallurgie. Une telle filière pourrait faire avancer la réflexion sur le stockage d’énergie en accélérant la transition énergétique. »
Toujours dans le secteur de l’énergie propre, l’industrie française devrait se développer dans l’éolien offshore(pleine mer).
Des atouts pour reconquérir des parts de marché
Enfin, des secteurs plus traditionnels comme la sidérurgie vont également devoir évoluer pour répondre aux exigences environnementales. Là aussi, ce sujet ne pourra être traité efficacement qu’à l’échelle européenne. L’industrie française, allemande ou polonaise ne pourra faire face à l’acier chinois que si des mesures sont prises au sein de l’Union, évitant ainsi un dumping écologique asiatique. « Après avoir énormément souffert, l’industrie française possède tous les atouts pour reconquérir des parts de marché en Europe et dans le monde à l’heure des usines du futur et des nouvelles exigences environnementales, conclut Augustin Bourguignat. Les entreprises doivent être au rendez-vous, dans la recherche et développement comme dans la formation de leurs salariés. La CFDT saura le leur rappeler. »
photo © F.Crusiaux / Réa 

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