Le numéro un du Medef, Pierre Gattaz, a annoncé mercredi que les entreprises «n’appliqueraient pas» les nouvelles obligations du compte pénibilité entrant en vigueur à partir du 1er juillet, s’attirant un rappel à l’ordre cinglant de la ministre de la Santé Marisol Touraine.
«Nous ne savons pas comment faire le 1er juillet, donc nous n’appliquerons pas» le compte pénibilité, dont six nouveaux critères entrent en vigueur à cette date, a déclaré M. Gattaz à des journalistes. 
«Le Medef ne peut pas choisir les lois qu’il applique», lui a rétorqué Mme Touraine, soulignant que «la démocratie ne s’arrêt(ait) pas aux portes» du patronat. «Il est inacceptable que le Medef appelle à ne pas appliquer une loi de la République», a-t-elle dénoncé dans un communiqué.
«Des mesures de simplification ont été prises, qui passent par des référentiels de branches», a rappelé la ministre. «En appelant à ne pas établir ces référentiels, M. Gattaz met en difficulté les entreprises et les encourage à se mettre hors la loi».
Dans les faits, les entreprises n’auront à faire leurs déclarations que début 2017 et pourront les modifier jusqu’en septembre 2017, voire 2019 si la modification joue en faveur du salarié.
- cumul de points -
Le compte pénibilité, instauré depuis 2015 et mesure emblématique de la réforme des retraites de 2013, vise à permettre aux salariés du privé ayant exercé des tâches pénibles, de cumuler des points afin de partir plus tôt à la retraite, se former ou travailler à temps partiel.
Potentiellement, 3 millions de personnes sont concernées, selon le gouvernement qui a retenu dix facteurs, dont quatre sont en vigueur depuis 2015: travail de nuit, travail répétitif, en horaires alternants ou milieu hyperbare (sous-marin). Au 1er juillet, six autres entrent en application: postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit.
«C’est beaucoup trop compliqué, c’est inapplicable», a expliqué M. Gattaz. «On ne sera pas prêts le 1er juillet», a-t-il répété, indiquant avoir déjà dit à de nombreuses reprises à la ministre du Travail Myriam El Khomri que ce dispositif était «une usine à gaz».
L’ensemble des organisations patronales ont demandé a minima à reporter l’entrée en vigueur des nouveaux critères.
Pour illustrer «l’absurdité» du compte, la CGPME a lancé lundi un «compte à rebours» en diffusant chaque jour un petit film didactique où un chef d’entreprise raconte ses difficultés.
L’UPA a souligné pour sa part que l’administration elle-même avait jugé prématurée la mise en oeuvre du dispositif au sein du secteur public, dans un rapport de l’IGAS publié début juin.
Elle demande un «report d’au moins un an» pour «éviter aux entreprises d’être confrontées à une incertitude juridique sans précédent».
Le mouvement Ethic (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance) a jugé mercredi dans un communiqué que le gouvernement n’avait «absolument pas tenu compte des tests effectués par les mouvements patronaux et en particulier des remontées des PME» et qualifié de «scandale d’Etat» que ce compte ne s’applique pas à la fonction publique.
Selon le gouvernement, 26.000 entreprises ont rempli en 2016 des fiches d’exposition pour 500.000 salariés au titre de l’année 2015, preuve que cela «fonctionne».
AFP