mardi 7 juin 2016

En accédant en partie aux revendications du bloc communal, François Hollande enfonce un coin dans l’union sacrée décrétée dans nos colonnes par les trois grandes associations d’élus. Mais le choc pourrait à terme se propager jusque au sein du bloc communal. Si l’association Ville de France parle de « décision raisonnable » et celle des petites villes de France (APVF) affiche sa « satisfaction », certaines différences d’appréciations se font déjà jour entre les représentants des villes rurales et ceux des villes urbaines. L’Association des maires ruraux de France s’est montrée la plus enthousiaste : « Ces annonces sont l’expression d’une volonté de rapprochement avec les élus ruraux », sourit Vanik Berberian devant la hausse annoncée de 200 M€ de la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), portant ainsi l’aide totale à ces collectivités à 600 millions dans le fonds de soutien à l’investissement. Une annonce qui laisse froide France Urbaine : « C’est du pipeau ! » s’exclame Olivier Landel. « Cette année, ce fonds n’a bénéficié que de 150 millions d’euros de crédit de paiement. Tout le reste est étalé sur plusieurs années. » C’est donc avec beaucoup de méfiance que France Urbaine a accueilli le geste présidentiel, qualifié de « limité, pas à la hauteur des pertes que nous subissons ».

Congrès de maires

Dotations : des milliards pour des projets et des discordes

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© GAUTIER Stéphane
L’annonce de François Hollande de diviser par deux la baisse des dotations appliquée au bloc communal en 2017 pourrait lever quelques freins à l’investissement, mais aussi aux désaccords entre associations d’élus sur la suite à donner à leurs actions.
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Congrès des maires 2016, l'année des bonnes nouvelles ?
 

Chiffres-clés

  • 1 milliard d’euros : c’est le montant de la baisse des dotations du bloc communal en 2017 contre 2 milliards initialement prévu.
  • 1,2 milliard d’euros : c’est le montant du fonds de soutien à l’investissement, reconduit en 2017 et élargi de 200 millions. 600 millions sont fléchés vers des projets de transition énergétique, le logement et l’accessibilité, les 600 autres sont des dotations d’équipement aux territoires ruraux.
Finalement, le gymnase municipal de Givors sera peut-être rénové. En allant au 99e congrès des maires qui s’est tenu du 31 mai au 2 juin à Paris, Martial Passi (FG) le maire de cette ville de 19 600 habitants accrochée à la métropole de Lyon s’était pourtant mis en tête de « demander le remboursement du montant de la baisse des dotations accumulée depuis 2014 ».
Mais revenu dans sa mairie, il se reprend déjà à rêver à de nouveaux investissements, après l’annonce du président de la République de réduire de moitié la baisse des dotations de l’Etat pour 2017.
« Avec les 500 000 euros environ de sauvés, nous allons peut-être rénover nos installations sportives vieilles d’une vingtaine d’années qui ne correspondent plus aux nouvelles normes énergétiques et d’accessibilité. »

Petites rénovations relancées

De son côté, Stéphan Rossignol (LR), maire de la Grande Motte (Hérault, 8500 hab.) a fait ses premiers comptes avec son directeur des finances dès le lendemain de son retour du congrès des maires : « On devrait préserver de 300 000 à 400 000 euros l’an prochain », pronostique-t-il.
Même si la base peut fluctuer, le principe du calcul est simple : il appliquera un taux de ponction de 0,9 % de ses recettes réelles de fonctionnement (RRF) attendues en 2017 au lieu du taux de 1,8 % de cette année.
En tant que président de son agglo, il fera de même avec les RRF de son EPCI amputées cette année de 2,51 % au titre de la contribution au redressement des finances publiques. Avec les montants épargnés par la baisse des dotations, le plan Lumière pourrait être relancé : « Nous avions prévu en 2013 de remplacer sur trois ans les 2800 boules lumineuses vieilles et énergivores », explique Stéphan Rossignol. « Mais nous avons réduit la voilure à cause de la baisse des dotations. »
La ville envisage aussi de solliciter le fonds de soutien à l’investissement, élargi à 1,2 milliard l’an prochain a annoncé François Hollande, dont 600 millions fléchés vers des projets de transition énergétique, le logement et l’accessibilité.
En revanche, il n’y aura toujours pas assez pour lancer le chantier de rénovation du front de mer gelé depuis l’an dernier, ni de rouvrir le théâtre de verdure ou de revenir sur les annulations d’animations ou de communications actées depuis deux ans.

Début de division entre les associations d’élus…

La diminution de la baisse des dotations, assortie à l’augmentation du fonds de soutien à l’investissement, ne résout donc pas tout et surtout pas les discordes naissantes.
« Le geste est positif mais il ne fera qu’annuler la hausse des charges provoquées par la hausse du point d’indice ou les rythmes scolaires », claque ainsi Olivier Landel, délégué général de France Urbaine. « Au final, cette mesure ne donne pas d’argent en plus », renchérit-il.
Ce remboursement à « l’euro près » de ces charges nouvelles, c’est également la nouvelle bataille du président de l’AMF, François Baroin, qui a tout de même affiché sa satisfaction de voir « une bonne partie du chemin accomplie même si ce n’est pas tout le chemin ».
Cette concession du président de la République, accordée au seul bloc communal au bout de deux ans de combats collectif, laisse en revanche bien amers les régions et les départements qui se sentent « les grands oubliés du geste présidentiel ».
Elles devront dorénavant lutter seules contre l’Etat pour obtenir une nouvelle aide gouvernementale. Une gageure dans la mesure où l’exécutif estime avoir déjà fait pour les départements une « proposition de recentralisation du RSA pour 700 millions d’euros refusée pour d’obscures raisons d’années de référence », a rappelé Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget.

… même au sein du bloc communal

En accédant en partie aux revendications du bloc communal, François Hollande enfonce un coin dans l’union sacrée décrétée dans nos colonnes par les trois grandes associations d’élus.
Mais le choc pourrait à terme se propager jusque au sein du bloc communal. Si l’association Ville de France parle de « décision raisonnable » et celle des petites villes de France (APVF) affiche sa « satisfaction », certaines différences d’appréciations se font déjà jour entre les représentants des villes rurales et ceux des villes urbaines.
L’Association des maires ruraux de France s’est montrée la plus enthousiaste : « Ces annonces sont l’expression d’une volonté de rapprochement avec les élus ruraux », sourit Vanik Berberian devant la hausse annoncée de 200 M€ de la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), portant ainsi l’aide totale à ces collectivités à 600 millions dans le fonds de soutien à l’investissement.
Une annonce qui laisse froide France Urbaine : « C’est du pipeau ! » s’exclame Olivier Landel. « Cette année, ce fonds n’a bénéficié que de 150 millions d’euros de crédit de paiement. Tout le reste est étalé sur plusieurs années. » C’est donc avec beaucoup de méfiance que France Urbaine a accueilli le geste présidentiel, qualifié de « limité, pas à la hauteur des pertes que nous subissons ».

La réforme de la DGF, bouc émissaire ?

Le fossé entre les deux associations pourrait même se creuser sur la question de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), finalement portée par un texte spécifique, a tranché François Hollande. L’AMRF qui milite pour un texte dès cette année, veut en finir avec « un système où un habitant rural vaut deux fois moins qu’un urbain », tempête Vanik Berbérian. « Faux ! », répond France Urbaine qui précise « qu’à revenu égal, on demande beaucoup plus à un urbain qu’à un rural » et se joint à Villes de France pour réclamer une « nouvelle définition de l’effort fiscal calculé en euro d’impôt local payé par habitant, rapporté au revenu moyen de ces mêmes habitants ».
En délaissant le champ de bataille des dotations, les associations vont donc avoir du mal à reconstituer une nouvelle entente autour d’une réforme de la DGF que personne ne veut à ses dépens. Y compris le gouvernement qui renvoie son application à 2018.

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