mardi 4 juin 2019

De manière inédite et audacieuse, le Conseil de prud’hommes de Lyon statuant en référé a fait application de la loi Sapin II de 2016 pour reconnaître le statut de lanceur d’alerte à un salarié qui a dénoncé des actes de malversations, corruption et trafic d’influence conduisant à contourner des règles de commande publique. CPH, 17.04.19, n°19/00087.

LANCEUR D’ALERTE : LE NOUVEAU STATUT RECONNU PAR LA JUSTICE !

Publié le 29/05/2019
De manière inédite et audacieuse, le Conseil de prud’hommes de Lyon statuant en référé a fait application de la loi Sapin II de 2016 pour reconnaître le statut de lanceur d’alerte à un salarié qui a dénoncé des actes de malversations, corruption et trafic d’influence conduisant à contourner des règles de commande publique. CPH, 17.04.19, n°19/00087.
C’est semble-t-il une grande première ! Un Conseil de prud’hommes réuni en référé statue pour la première fois sous l’empire de la loi Sapin II(1), laquelle vise notamment à offrir une protection aux lanceurs d’alerte. Il donne droit à la demande d’un salarié licencié suite à la révélation d’actes illicites en lui reconnaissant le statut de lanceur d’alerte et en ordonnant sa réintégration dans l’entreprise.
  • Les faits
Engagé en qualité d’acheteur à la SNCF, un cadre a constaté, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, de nombreuses irrégularités parmi lesquelles des malversations, corruption, trafic d’influence ou encore la création d’une société écran qu’il a signalées par différents courriels à sa hiérarchie entre 2008 et 2012. Face à l’inertie de cette dernière, le salarié a décidé de s’en remettre tout d’abord à la justice par le dépôt d’une plainte puis, de s’adresser à la Commission européenne en invoquant le fait que la société s’affranchissait de la réglementation européenne en matière de commande publique.
Si, dans un premier temps, sa plainte a été jugée irrecevable, la Commission européenne a quant à elle reconnu l’existence de manquements graves de la société par la « création d’une construction artificielle » aux fins « de tenter d’échapper à l’application du droit européen de la commande publique ».
L’histoire ne s’est pour autant pas arrêtée là et le calvaire a commencé pour le salarié : affectation à un autre poste, détachement provisoire, éviction des listes de diffusion d’informations, accès limité au réseau, effacement de ses données personnelles, et une carrière qui n’évolue plus… Il décide alors de saisir le Conseil de prud’hommes en janvier 2012 pour harcèlement moral, suite à quoi l'employeur lui a proposé un autre poste. Le salarié refuse une telle évolution qui constitue pour lui une rétrogradation, et au-delà, impliquerait d’être à nouveau en relation directe avec les personnes concernées par les agissements qu’il a dénoncés.
La situation se détériore encore : sanctions disciplinaires, mutation à la cellule interne de l’entreprise pour accompagner les salariés en recherche de poste, puis réaffectation à son poste d’origine au service achats qu’il refuse. Au final, se fondant sur le refus du salarié de réintégrer son poste d’acheteur, l’employeur engage une procédure au terme de laquelle est prononcée sa radiation des cadres et par conséquent la rupture de son contrat de travail.
Le salarié ne baisse pas les bras. Estimant que la situation qu’il subit depuis plus de 5 ans est la conséquence des différentes alertes qu’il a intiées, il décide de saisir à nouveau le Conseil de prud’hommes cette fois-ci en référé pour demander la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte, l’annulation de sa radiation des cadres et sa réintégration hors le service achats.
L’article 12 de loi du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin II » sur les lanceurs d’alerte prévoit la compétence exclusive de la section référé du Conseil de Prud’hommes « en cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte au sens de l’article 6 » afin de demander une réintégration.
  • La reconnaissance du statut de lanceur d’alerte
Pour que le statut de lanceur d’alerte soit reconnu, le Conseil de prud’hommes rappelle l’obligation de réunir deux conditions fondamentales définies par la loi Sapin II : répondre à la définition légale du lanceur d’alerte et respecter la procédure de signalement.
1- La définition légale du lanceur d’alerte : selon l’article 6 de la loi Sapin II, un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi :
- un crime ou un délit,
- une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France,
- une violation de la loi ou du règlement,
- ou une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général,
De plus, la personne qui signale l’acte illicite doit en avoir eu personnellement connaissance.
2- Le respect de la procédure de signalement : l’article 8 de la loi Sapin II fixe une procédure d’alerte graduée en trois étapes successives (hors les cas de danger grave et imminent) pour les agents publics et les salariés du secteur privé employés dans des organismes dépassant certains seuils.
1ère étape : la saisine obligatoire de la voie interne : le signalement de l’alerte est porté en premier lieu à la connaissance du supérieur hiérarchique direct ou indirect, l’employeur ou le référent désigné par l’employeur.
2ème étape : si l’alerte n’a pas été traitée par la voie interne dans un délai raisonnable, le salarié peut adresser le signalement à l’autorité judiciaire (procureur, juge) ou administrative (préfet, inspections, agence française anticorruption, etc.) et/ou de l’ordre professionnel compétent (ordre des avocats, des médecins, etc.).
3ème étape : enfin, si l’alerte n’a pas été traitée par les autorités dans un délai de 3 mois, elle peut être rendue publique (media, associations, ONG ou syndicats).
En l’espèce, les conseillers prud'hommes considèrent que le salarié « remplit pleinement l’ensemble des conditions cumulativement requises » : il a agi de bonne foi et de manière désintéressée pour signaler des actes illicites, et son signalement a respecté la procédure définie par la loi Sapin II. Ils reconnaissent par conséquent au salarié le bénéfice du statut de lanceur d’alerte.
  • Les conséquences de la protection du lanceur d’alerte
En se fondant sur l’article L.1132-3-3 alinéa 2 du Code du travail, les juges prud’homaux rappellent qu’ « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification et de promotion professionnelle pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 ».
Les juges en tirent donc toutes les conséquences. D’une part, ils déclarent nulle la mesure de radiation des cadres prononcée à l’encontre du salarié et, d’autre part, ils ordonnent la réintégration du salarié hors le service achats en condamnant l’employeur au paiement des salaires dus jusqu’à l’effectivité de sa réintégration.
Par ailleurs, l’entreprise est condamnée au paiement de dommages et intérêts au salarié et à un syndicat qui s’est porté partie intervenante volontaire.
La CFDT se félicite d’une telle décision qui reconnaît pour la première fois le statut de lanceur d’alerte et garantit la protection du salarié ayant révélé des actes illicites. L’affaire n’est à ce jour point close puisque l’employeur a fait appel. Affaire à suivre…
Le 16 avril dernier, le Parlement européen a voté à une large majorité une proposition de directive venant offrir une protection aux personnes dénonçant des infractions au droit de l’Union européenne (UE). Seuls dix États membres bénéficient à ce jour d’une protection complète. Désormais, au sein de l’UE, les lanceurs d’alerte ne pourront plus être condamnés ou sanctionnés pour avoir dénoncé des informations acquises dans un cadre professionnel sur des actes illicites. Le texte européen est largement inspiré de la loi française avec deux différences importantes : il n’existe pas d’obligation de recourir préalablement à la procédure d’alerte interne et la définition de lanceur d’alerte est plus large.Pour aller plus loin, voir l’article juridique Lanceurs d’alerte : de nouvelles règles de protection adoptées au sein de l’Union européenne.



(1) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

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La LOM devrait également permettre aux agents des fonctions publiques de bénéficier d’un forfait mobilité d’une valeur de 200 euros annuels à partir de 2020. Bien d’autres aspects sont abordés dans cette loi comme les travailleurs dépendant d’une plateforme numérique (article 20) c’est le cas des chauffeurs VTC notamment. La CFDT souhaite que ces travailleurs puissent eux-mêmes se trouver en situation de discuter avec les responsables de la plateforme pour négocier des conditions leur permettant de vivre décemment de leur activité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La mise en place d’un tarif minimum payé par la plateforme serait selon nous un début de réponse.


LOI LOM, VERS UNE OBLIGATION DE NÉGOCIER LES PLANS DE DÉPLACEMENTS DOMICILE-TRAVAIL

Publié le 03/06/2019
La séance publique sur la Loi d’Organisation des Mobilités (LOM) débute aujourd’hui, lundi 3 juin, au Parlement. La CFDT se félicite de certaines avancées qui devraient être contenues dans ce texte.
En effet, il sera obligatoire pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés de négocier un plan de déplacement des salariés de leur domicile à leur lieu de travail. A défaut d’accord, un plan unilatéral devra être mis en place et contenir une prime mobilité.
C’est l’aboutissement de discussions engagées en début d’année. La CFDT porte depuis le début cette volonté de rendre la négociation obligatoire et qu’à défaut d’accord, le salarié puisse bénéficier malgré tout d’une aide pour ses déplacements.
L’idée de fond est de faire en sorte que les déplacements domicile travail soit réalisés avec des moyens de transport plus écologiques, que l’organisation du temps de travail soit discutée pour notamment permettre aux salariés d’employer les transports en commun, que les AOM (Autorités Organisatrices de la Mobilité) puissent être associées aux discussions avec les partenaires sociaux et que l’on puisse négocier des plans inter-entreprises lorsqu’en un même lieu on compte plus de 50 salariés.
La LOM devrait également permettre aux agents des fonctions publiques de bénéficier d’un forfait mobilité d’une valeur de 200 euros annuels à partir de 2020.
Bien d’autres aspects sont abordés dans cette loi comme les travailleurs dépendant d’une plateforme numérique (article 20) c’est le cas des chauffeurs VTC notamment.
La CFDT souhaite que ces travailleurs puissent eux-mêmes se trouver en situation de discuter avec les responsables de la plateforme pour négocier des conditions leur permettant de vivre décemment de leur activité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La mise en place d’un tarif minimum payé par la plateforme serait selon nous un début de réponse.

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