vendredi 23 septembre 2011

Palestiniens et Droit à un Etat :Pari déjà gagnant pour Mahmoud Abbas devant l'ONU


dessin de plantu (en 1992) paraphé par Arafat et Shimon Perez




RAMALLAH, Cisjordanie (AP) — L'affaire de la reconnaissance de la Palestine à l'ONU semble d'ores et déjà bénéficier à Mahmoud Abbas: le président de l'Autorité palestinienne y a gagné un respect accru auprès des siens, pour tenir tête aux Etats-Unis, et pour avoir ramené sous le feu des projecteurs la longue quête d'un Etat palestinien.
La reconnaissance de la Palestine devant l'ONU, même dans une version édulcorée, ne débouchera certes pas sur une véritable indépendance, et risque même de n'offrir aucun levier supplémentaire aux Palestiniens en vue de futurs pourparlers sur les frontières avec Israël. Sans compter le risque d'une sérieuse fâcherie avec Washington. Mais, malgré ces incertitudes et inquiétudes, Abbas et ses conseillers jugent qu'il leur fallait absolument frapper un grand coup pour essayer de sortir de l'impasse de ces dernières années.
En restant accroché, malgré le manque de résultats, à la vieille formule des négociations avec Israël sous égide américaine, Abbas était en train de perdre toute crédibilité auprès des Palestiniens, ainsi que du terrain face à ses rivaux du Hamas.
La vague du Printemps arabe qui bouleverse la région rend en outre de plus en plus impensable pour l'Autorité palestinienne de continuer à sembler accepter le statu quo.
"Dans l'atmosphère révolutionnaire de la région, si les dirigeants palestiniens n'aboutissent à rien, ils doivent s'inquiéter de leur crédibilité", estime Ghassan Khatib, porte-parole de l'Autorité palestinienne. "Avec cette approche (de chercher la reconnaissance de l'ONU), je crois que cela va un peut faire baisser la pression populaire".
Selon un sondage réalisé la semaine dernière auprès d'un échantillon de 1.200 Palestiniens, le pari d'Abbas séduit en effet, récoltant plus de 80% de soutien. Malgré les risques, y compris celui de se voir privés des dollars de l'aide américaine.
Cette enquête réalisée par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, enregistre aussi une popularité en hausse de cinq points en trois mois pour Abbas, à 59%.
Une bonne nouvelle pour Abou Mazen, qui n'avait jamais bénéficié de la popularité de son prédécesseur Yasser Arafat, et qui lui donne plus de poids pour contrer le Hamas, qui l'accuse d'être trop pro-occidental au détriment des aspirations palestiniennes.
En dépit de la "très forte pression" exercée par Barack Obama et les autres dirigeants occidentaux, Abbas tiendra bon, a confirmé son conseiller Nabil Abou Rdeneh. L'attitude du président américain a surpris les Palestiniens et provoqué leur colère, l'entourage d'Abbas jugeant que l'attitude pro-Israël d'Obama semble dictée par des considérations de politique intérieure.
Abbas compte réclamer une reconnaissance au Conseil de sécurité, où elle est sous la menace du veto américain et de la nécessité d'obtenir neuf voix sur 15, et non pas à l'Assemblée générale, où la cause palestinienne est gagnante.
Pour certains, ce choix surprenant vise à faire monter la pression sur l'administration Obama, pour qu'elle-même à son tour s'implique plus pour faire aboutir les exigences palestiniennes: des négociations sur la base des frontières d'avant 1967 et le gel de la colonisation.
Si les Etats-Unis affirment qu'ils mettront leur veto à la demande palestinienne de reconnaissance au Conseil, ils préfèreraient nettement que cette demande ne soit pas présentée, ou qu'elle n'obtienne pas le nombre de voix requis... Car un veto mettrait sérieusement à mal l'image de Washington dans le monde arabe, à l'heure où sa cote commençait tout juste à remonter, via son soutien aux mouvements démocratiques du Printemps arabe.
En tout état de cause, un vote au Conseil ne pourrait intervenir qu'après l'examen de la demande d'adhésion palestinienne en commission, ce qui risque de prendre des semaines.
Les conseillers d'Abbas ont démenti les spéculations selon lesquelles les Palestiniens étaient d'accord pour laisser traîner les choses devant la commission, histoire de donner du temps aux Américains et autres médiateurs.
Si les Palestiniens soupçonnent des manoeuvres dilatoires, ils examineront leurs options, met en garde l'entourage d'Abbas. Et notamment celle de dégainer 'l'arme fatale': la dissolution de l'Autorité palestinienne et la démission de son président.
Ce qui marquerait l'effondrement de deux décennies de politique américaine dans la région, et forcerait Israël, puissance occupante, à assumer la responsabilité de près de quatre millions de Palestiniens... coût actuellement largement financé par la communauté internationale.
"Rendre les clés à la partie israélienne est devenue une option très réaliste", déclare Azzam Ahmed, un des dirigeants du Fatah.
Pour Moty Cristal, ex-négociateur israélien, si le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou bénéficie actuellement du soutien de Washington devant l'ONU, il risque de devoir bientôt subir une pression accrue pour une négociation dans les termes acceptables par les Palestiniens.
Jusqu'ici, Nétanyahou a toujours rejeté l'exigence palestinienne de gel des constructions dans les implantations de Cisjordanie le temps des pourparlers. Et il a toujours dit vouloir garder Jérusalem-Est et d'importants secteurs de Cisjordanie. Des préalables qui ont bloqué toute reprise des discussions.
"L'objectif stratégique des Palestiniens (à l'ONU) était d'amener Israël à la table des négociations en position beaucoup plus faible", estime M. Cristal. "Ils atteindront cet objectif dans une certains mesure. L'Europe et les Etats-Unis diront (à Israël, NDLR) 'nous vous avons soutenus à l'ONU, en échange il y aura un processus de négociation clair qui débouche sur des résultats'". AP

Aucun commentaire: