Rentrée scolaire : L’an 1 de la réforme du collège
publié le 31/08/2016 à 16H49
par
Marie-Nadine Eltchaninoff
La réforme du collège entre en vigueur dès cette rentrée. Soutenue
dans ses orientations par la CFDT, elle renouvelle l’approche
pédagogique pour une meilleure réussite de tous les élèves.
Annoncée
en début de quinquennat, la refondation de l’école se poursuit. Après
la « priorité au primaire » affirmée en 2015 avec la réforme des rythmes
scolaires, c’est au tour du collège, à bout de souffle, de se réformer.
Nouveaux programmes, modalités d’organisation des enseignements
revisitées, pratiques pédagogiques innovantes : l’ensemble de ces
changements s’applique simultanément en cette rentrée 2016 à tous les
niveaux du collège, de la sixième à la troisième. Très contestée par des
organisations syndicales aussi diverses que le Snes-FSU, la CGT, Sud,
FO, la CFE-CGC ou le Snalc (Syndicat national des lycées et collèges),
classé à droite, la réforme – qui va dans le sens d’une meilleure
réussite éducative de tous les élèves et d’une plus grande initiative
donnée aux enseignants – a reçu le soutien des fédérations CFDT-Sgen (Syndicat général de l’Éducation nationale) et Fep
(Formation et enseignement privés), mais aussi de l’Unsa Éducation.
Elle a été adoptée à une large majorité par le Conseil supérieur de
l’éducation en avril 2015 et par le Conseil d’État le 1er juin 2016.
Les clés de la mise en œuvre
Les enseignants enfin revalorisés !
Avec
1 300 euros en début de carrière à bac + 5, les enseignants français
sont parmi les plus mal payés des pays de l’OCDE. Seuls 13 pays sur 34
sont moins bien classés, selon une étude de 2013. Il était donc urgent
de redorer le blason d’un métier en perte d’attractivité. Les
enseignants, mais aussi les conseillers d’orientation-psychologues et
les conseillers principaux d’éducation, verront leur paye augmenter dès
cette année. Comme tous les agents de la fonction publique, ils
bénéficient d’abord de la hausse de 1,2 % du point d’indice (qui sert à
calculer le salaire de base), en deux temps : 0,6 % en juillet 2016 et
0,6 % en février 2017.
Les fruits du protocole PPCR
À
cela doivent s’ajouter, dès 2017, les premiers effets du protocole
parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), qui
s’appliquera graduellement jusqu’à 2020. Pour rappel, la mise en œuvre
de ce protocole (signé par la CFDT) a été l’objet d’une décision
gouvernementale, faute d’accord majoritaire. La refonte des grilles
indiciaires entraînera « une revalorisation importante des salaires de chacun »,
selon le Sgen. Le salaire d’entrée passera de 1 300 euros cette année à
1 440 euros à la rentrée 2017. Les progressions salariales en fin de
carrière s’amélioreront également (jusqu’à 700 euros de plus) et, de ce
fait, le montant des pensions (jusqu’à 500 euros de plus). Enfin, une
prime supplémentaire de 800 euros est attribuée aux professeurs des
écoles afin que leur ISAE (indemnité de suivi et d’accompagnement des
élèves) annuelle soit équivalente à celle des enseignants du secondaire.
Une victoire du Sgen-CFDT, qui a été à la manœuvre pour faire avancer
cette mesure de justice sociale.
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Les
moyens sont-ils à la hauteur des ambitions portées par la réforme ? Fep
et Sgen n’ont cessé d’alerter sur les conditions de sa réussite :
formation, emploi, accompagnement et conditions de travail des
enseignants. Le ministère a annoncé la création de 4 000 postes
d’enseignants pour le seul collège dans sa circulaire de rentrée, ce
qui, dans un contexte de stabilité démographique, crée selon lui « des conditions particulièrement favorables »
pour la rentrée 2016. L’Éducation nationale se voit d’ailleurs
attribuer 2,15 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2016 dans
le budget 2017. « L’enveloppe budgétaire permet de faire face aux nouvelles dépenses, dont les revalorisations salariales (lire l’encadré en p. 2) et les créations d’emploi, indique Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen-CFDT. Mais
ces moyens accrus ne suffiront pas pour réussir. S’il n’y a pas de
profondes évolutions pédagogiques, ils ne produiront pas les effets
attendus. » De son côté, Bruno Lamour, secrétaire général de la
Fep-CFDT, se félicite que les alertes répétées au ministère aient
suscité une vigilance quasi inédite afin de « s’assurer de la mise en œuvre de la réforme dans le privé dans les mêmes conditions que dans le public ».
Pédagogie et accompagnement
L’une
des principales nouveautés pédagogiques est la mise en œuvre des
enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), mesure emblématique
de la réforme qui a focalisé la contestation d’une partie des
enseignants. Des professeurs de deux ou trois disciplines différentes
(par exemple anglais, histoire et technologie numérique) élaborent
ensemble un projet à mener pendant l’année (ou le trimestre) en
choisissant l’une des thématiques définies par l’Éducation nationale :
« corps, santé, bien-être, sécurité », « transition écologique et
développement durable », « sciences, technologie et société »,
« information, communication, citoyenneté », « monde économique et
professionnel », « culture et création artistiques », « langues et
cultures de l’Antiquité », « langues et cultures étrangères ou, le cas
échéant, régionales ».
L’aboutissement
du projet peut être la réalisation d’un livret, d’un blog, d’une
exposition, etc. Cette démarche plus concrète et vivante facilite
l’acquisition des connaissances et favorise le développement de
compétences telles que l’autonomie, le travail en équipe, l’expression
orale, la conduite de projet. L’expérience profite à tous les élèves,
surtout ceux qui sont le plus en retrait dans une situation de cours
classique. Les EPI représentent 20 % de l’emploi du temps.
Autre
nouveauté, les élèves bénéficient désormais d’un accompagnement
personnalisé aux devoirs assuré par les enseignants et intégré à
l’emploi du temps. Trois heures par semaine en sixième pour intégrer les
bonnes méthodes de travail, deux heures dans les classes suivantes,
avec l’accent mis en troisième sur la préparation à la poursuite
d’études dans le second cycle.
La
place des langues est redéfinie. L’étude de la deuxième langue vivante
commence dorénavant en cinquième avec un horaire de 2 heures et demie
par semaine tout au long du cycle collège (au lieu de 3 heures par
semaine à partir de la quatrième). Le latin est enseigné dès la
cinquième aux élèves qui le souhaitent. Les élèves étudiant une même
langue sont répartis dans plusieurs classes afin d’éviter le phénomène
de filières.
Davantage de coopération
La
mise en œuvre de ces nouvelles pratiques pédagogiques, les EPI
notamment, nécessite un temps de coopération entre enseignants. Une
dotation horaire supplémentaire est mise à la disposition des
établissements pour l’organisation de ces enseignements, sur la base de
2 heures 45 minutes par semaine et par niveau de classe (au lieu de
2 heures actuellement pour les quatre niveaux du collège).
On le voit, le succès de la réforme reposera en grande partie sur l’engagement des enseignants. « La réforme donne plus de libertés d’organisation pédagogique, approuve Frédéric Sève. Mais
aucune de ces libertés ne sera effective si l’on ne s’en saisit pas
collectivement, notamment au niveau du conseil pédagogique », nouvelle instance de coordination entre les équipes.
L’évaluation
est elle aussi amenée à évoluer. La fin des notes, sujet polémique,
n’est toutefois pas d’actualité. À l’issue de la troisième, tous les
élèves doivent avoir acquis « un socle commun de compétences, de connaissances et de culture », selon la terminologie de l’Éducation nationale. « Cet
objectif est essentiellement formulé en termes de compétences, dont
l’apprentissage peut être fait dans plusieurs disciplines, par exemple
“coopérer et réaliser un projet”, “comprendre et s’exprimer en utilisant
la langue française à l’oral et à l’écrit”, explique Frédéric Sève.
On se dirige vers une évaluation plus “binaire”, dans le sens où une
compétence est acquise ou pas. Le ministère a été très frileux quant à
l’évolution de la notation. Si on continue de l’utiliser à l’avenir, ce
sera uniquement par habitude, ou faute de réflexion sur ce que doit être
une évaluation. » La généralisation du livret scolaire numérique doit permettre « un suivi de l’élève tout au long de chaque cycle et de l’ensemble de sa scolarité à l’école et au collège », selon la circulaire de rentrée.
Plan numérique
Autre
chantier majeur de cette rentrée : le plan numérique. Annoncé par
François Hollande en 2014, il doit entrer en vigueur dans toutes les
classes de cinquième cette année, avant de se déployer dans les autres
d’ici à 2018. Le plan numérique est doté d’un programme d’investissement
d’un milliard d’euros sur trois ans ; principe retenu : un euro est
abondé par l’État pour chaque euro investi par le département dans les
projets des collèges. Les élèves de cinquième recevront une tablette
numérique qu’ils utiliseront tout au long de leur scolarité au collège
et suivront des cours de code informatique. La transition numérique, qui
touche l’enseignement comme les autres secteurs d’activité, ne fait que
commencer.