Dialogue social : De la loi à la mise en pratiques
publié le 09/09/2016 à 14H07
par
Aurélie Seigne
Promulguée il y a un an, la loi Rebsamen sur le dialogue social
peine à entrer dans la phase opérationnelle sur le terrain. Face à
l’attentisme des directions, la CFDT prend les choses en main.
Un
an après sa promulgation, où en est l’application de la loi du 17 août
2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen ? En
Conseil des ministres du 22 août, les ministres Marisol Touraine
(Affaires sociales et Santé) et Myriam El Khomri (Travail, Emploi,
Formation professionnelle et Dialogue social) ont indiqué que « plus de 90 % des décrets ont été pris ». Mais, sur le terrain, « ce n’est pas vraiment opérationnel », note Philippe Portier, secrétaire général de la CFDT-Métallurgie.
« La sortie tardive des décrets a retardé l’application concrète de la loi dans les entreprises, analyse la secrétaire nationale Marylise Léon. Et dans le contexte du débat sur la loi El Khomri, beaucoup de directions ont attendu de s’assurer que les dispositifs étaient bien stabilisés. »
Des changements au temps long
De l’avis général, « 2017 sera la véritable année de mise en œuvre de la loi ». Et ça ne se fera pas en un jour ! « Il a fallu trente ans pour s’emparer de tous les outils de la loi Auroux », rappelle Marylise Léon. « La nouvelle organisation des consultations bouleverse un paysage assis depuis une trentaine d’années »,
confirme Olivier Laviolette, du cabinet Syndex. Le passage de
17 consultations éparses à trois blocs thématiques articulés en trois
temps – sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs
conséquences, puis la situation économique et financière et enfin la
politique sociale – « va prendre du temps ». Selon l’expert, le
regroupement des négociations autour de deux grands axes (rémunération,
temps de travail et partage de la valeur ajoutée ; qualité de vie au
travail et égalité professionnelle) dans les entreprises dès
11 salariés, auxquels s’ajoute, dans celles de 300 et plus, une
négociation triennale obligatoire sur la gestion prévisionnelle des
emplois et des parcours professionnels se fera quant à lui « au fil de l’eau » : « C’est
à l’occasion de la renégociation d’un accord antérieur que la plupart
des entreprises mettront le doigt dans la nouvelle mécanique. »
Sans compter que la réussite de la nouvelle donne de la modernisation du
dialogue social passe par une articulation étroite des consultations et
des négociations, « les premières devant alimenter les secondes, en termes d’analyses et de positionnement ». Pour Olivier Laviolette, « c’est le principal enjeu de la loi », qui nécessite de renforcer le lien entre les instances représentatives du personnel (IRP) et les représentants syndicaux.
Des réalités très variables
Quant
aux IRP elles-mêmes, rares sont les grandes entreprises qui ont
aujourd’hui abouti à un accord de regroupement des instances. Chez
Syndex, on dénombre « à peine une demi-douzaine de négociations abouties sur le sujet ». L’accord chez Solvay a fait grand bruit ; celui négocié par la CFDT à La Mondiale a été moins médiatisé. Dans les entreprises de 50 à 300 salariés, en revanche, « le mouvement est plus rapide ».
Avec des situations très variables selon les secteurs. Si Syndex
constate une forte appétence dans les services, notamment financiers,
pour la DUP (délégation unique du personnel) « nouvelle formule »,
c’est-à-dire fusionnant la délégation du personnel, le comité
d’entreprise et le CHSCT, « les entreprises du secteur industriel voient un intérêt à conserver un CHSCT en propre ».
La mise en place de nouvelles pratiques dans la durée
Au
global, la mise en œuvre des dispositions de la loi dépend beaucoup de
la situation du dialogue social dans l’entreprise et des perspectives
économiques : « On se préoccupe beaucoup moins des conditions du dialogue social dans une entreprise en restructuration », rappelle Olivier Laviolette. Dans le meilleur des cas, estime l’expert, « il
faudra quatre ou cinq ans avant la mise en routine de pratiques
structurées autour de la nouvelle donne. Ces prochaines années, l’enjeu
sera donc de former, d’accompagner et de soutenir les élus et mandatés ».
Telle est bien la priorité de la CFDT, qui a élaboré de nombreux outils. On peut ainsi citer le guide mis en ligne par la Fédération Métallurgie ou le Mode d’emploi confédéral « Modernisation du dialogue social ».
La Fédération des Services réfléchit à un outil numérique aidant les
militants à constituer des listes conformes aux nouvelles règles de la
mixité proportionnelle, « leur principal sujet de préoccupation actuellement ». La Confédération lancera, le 17 octobre, un outil en ligne d’accompagnement à la nouvelle donne. « On ne peut pas donner la caisse à outils sans mode d’emploi », justifie la secrétaire nationale Marylise Léon.
Un accompagnement individuel des sections
C’est
partant de cette certitude que fédérations et unions régionales
interprofessionnelles ont multiplié les rencontres avec des collectifs
d’entreprise et les formations. Avec une appétence forte des équipes. « Les unions Mines-Métaux ont été obligées de rajouter des sessions »,
constate Philippe Portier. Même engouement en Pays de la Loire. L’union
régionale a organisé, au printemps, une réunion des responsables pro et
interpro sur le contenu de la loi, les nouvelles règles et les
pratiques syndicales induites. Puis réuni les équipes syndicales
département par département, en leur présentant un dispositif
d’accompagnement individuel. « On propose aux sections de faire un autodiagnostic en quatre points, explique la secrétaire régionale Anne-Flore Marot :
quelle est la qualité du dialogue social dans l’entreprise ; comment
fonctionne la section ; quelles sont les relations qu’elle entretient
avec les salariés ; quelle est la qualité de ses relations avec les
structures CFDT ? Partant de là, on les appuie pour améliorer la qualité
du dialogue social en agissant sur les trois leviers qu’elles ont en
main. Ça peut passer par une enquête Flash afin de renforcer le lien aux
salariés, une formation pour structurer le collectif syndical,
travailler sur les liens au syndicat, etc. L’idée, c’est de tirer toutes
les opportunités permises par la loi pour améliorer le dialogue social. »
L’envie d’anticiper et d’être force de proposition
La démarche rencontre un franc succès : plus de cent sections ont demandé à être ainsi accompagnées. « Si autant de sections viennent, c’est qu’elles ont envie d’anticiper, analyse Anne-Flore Marot, de maîtriser les enjeux et d’être force de proposition. » Si la loi mettra du temps à produire tous ses effets, une chose est sûre : la CFDT sera à la manœuvre.
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