mercredi 7 septembre 2016

La réforme de la politique de la ville fait du développement économique une priorité. Alors que le taux de chômage des habitants des quartiers prioritaires est encore plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.L’article 1 de la loi du 21 février 2014 a fait du développement économique l’un des trois piliers de la politique de la ville. Au même titre, donc, que les actions de cohésion sociale ou les interventions de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) sur le bâti, qui concentraient jusqu’à peu l’essentiel des ressources consacrées aux banlieues.« De moins en moins de jeunes des quartiers Nord de Marseille ou encore d’Aubagne disposent du permis de conduire, alors qu’ils sont peu formés et sans véritable expérience professionnelle. Comment voulez-vous, dès lors, qu’ils soient embauchés à l’usine d’Airbus Helicopters de Vitrolles qui crée actuellement des emplois ? Faute de métropole et de mutualisation des réseaux de transports en commun, la mobilité automobile est une condition sine qua non pour postuler. Sans compter que de longues distances domicile-travail pèsent sur le porte-monnaie des ménages à bas revenus », argumente Vincent Fouchier, directeur du projet métropolitain d’Aix-Marseille-Provence.

Le développement économique, principal enjeu de la nouvelle politique de la ville

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La réforme de la politique de la ville fait du développement économique une priorité. Alors que le taux de chômage des habitants des quartiers prioritaires est encore plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale, un colloque du CGET a permis, jeudi 17 septembre, d'échanger conseils et bonnes pratiques pour aider les acteurs locaux à franchir ce nouveau cap.
 
L’article 1 de la loi du 21 février 2014 a fait du développement économique l’un des trois piliers de la politique de la ville. Au même titre, donc, que les actions de cohésion sociale ou les interventions de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) sur le bâti, qui concentraient jusqu’à peu l’essentiel des ressources consacrées aux banlieues.
Alors que les professionnels de l’Etat local et des collectivités territoriales sont désormais amenés à traduire leurs engagements pris dans les nouveaux contrats de ville en actes, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a souhaité revenir sur cette véritable « révolution culturelle » lors des dixièmes Rencontres de la Ville, organisées jeudi 17 septembre.
« Je ne dis pas que le développement économique a été complètement laissé de côté jusqu’ici, mais beaucoup d’acteurs locaux avaient tendance à considérer cette politique fondamentale comme subsidiaire. Leurs interventions se résumaient la plupart du temps à l’insertion ou la gestion des exonérations de fiscalité en ZFU, s’est désolé le ministre de la Ville, Patrick Kanner, en introduction du colloque. Les discours sur le nombre important de créations d’entreprises en banlieues se révèlent pratiques pour les élus, mais les habitants des quartiers ont le droit à autre chose que des paroles sympathiques. Eux aussi ont besoin de financements et de dispositifs d’accompagnement. »
« L’Agence de développement économique des territoires, dont la formation sera prochainement annoncée, se chargera de renforcer la mobilisation des moyens de droit commun dans les quartiers prioritaires et d’adapter les dispositifs d’aide et d’accompagnement à la création d’entreprises aux spécificités locales », a-t-il poursuivi. En parallèle, des stratégies locales de développement économique – réunissant collectivités locales, bailleurs sociaux et opérateurs de l’Etat tels que la Caisse des dépôts ou l’EPARECA – devront être rapidement mises sur pied pour changer la donne.

Politiques intercommunales

Les acteurs locaux pourront également compter sur plusieurs dispositions introduites par la loi Lamy. Dont la montée en puissance des intercommunalités, qui devraient déboucher sur une meilleure prise en compte des quartiers prioritaires dans les politiques d’agglomération. Car, si les stratégies de développement économique des métropoles de Marseille ou de Toulouse permettent effectivement de faire repartir la croissance à la hausse ou d’attirer de nouvelles entreprises et de créer des centaines d’emplois, elles ne parviennent pas, pour autant, à résorber le creusement des inégalités.
« Ce changement d’échelle devrait permettre de tirer le fil d’autres politiques publiques. Le développement économique en fait évidemment partie, mais aussi les politiques de déplacements », espère Nicolas Grivel, directeur général de l’ANRU. D’autant plus que, dans bien des cas, la mobilité conditionne le développement économique. Outre le faible niveau de qualification des habitants des quartiers prioritaires comparé aux emplois à haute valeur ajoutée à pourvoir dans les métropoles, l’accessibilité physique des bassins d’activités représente effectivement un véritable handicap.
« De moins en moins de jeunes des quartiers Nord de Marseille ou encore d’Aubagne disposent du permis de conduire, alors qu’ils sont peu formés et sans véritable expérience professionnelle. Comment voulez-vous, dès lors, qu’ils soient embauchés à l’usine d’Airbus Helicopters de Vitrolles qui crée actuellement des emplois ? Faute de métropole et de mutualisation des réseaux de transports en commun, la mobilité automobile est une condition sine qua non pour postuler. Sans compter que de longues distances domicile-travail pèsent sur le porte-monnaie des ménages à bas revenus », argumente Vincent Fouchier, directeur du projet métropolitain d’Aix-Marseille-Provence.

Gouvernance transversale

Une condition d’un développement économique équitable, n’excluant pas les habitants des quartiers prioritaires, résiderait donc aussi dans la création d’équipes-projets interdisciplinaires à l’intérieur des intercommunalités. Charge, alors, au chef de projet politique de la ville de décloisonner le travail administratif, d’acculturer les services de droit commun – particulièrement ceux responsables de l’économie ou de la mobilité – et de favoriser la transversalité.
« Nous ne sommes que des généralistes », rappelle Edouard Guerreiro-Bochereau, cadre de Toulouse Métropole en charge du contrat de ville. « Les volets développement économique, déplacements mais aussi santé, éducation ou sécurité locale de notre plan d’actions doivent être animés par nos collègues spécialisés issus de ces différentes directions, compétents pour fixer les objectifs et mobiliser les différents partenaires. »
Comme évoqué par Patrick Kanner, les acteurs locaux pourront également solliciter l’EPARECA pour redynamiser les territoires délaissés de la politique de la ville et pérenniser l’activité économique. En matière d’aménageur ayant intégré le renouvellement de l’offre commerciale dans son programme de rénovation urbaine, Brest Métropole fait figure de modèle. Jusqu’alors enclavés au cœur des grands ensembles, les commerces de Pontanezen ont été repositionnés en lisière du quartier prioritaire afin de les rapprocher des lieux de passage.

Dynamisme commercial

« Outre le transfert de la boulangerie et de la pharmacie existantes, nous avons pu négocier l’arrivée sur ce nouveau pôle commercial d’un discounteur et d’une nouvelle coopérative bio qui a embauché des jeunes issus de ce quartier » explique Isabelle Melscoet, vice-présidente en charge de l’emploi, de l’insertion et de la politique de la ville. « Nous souhaitions faire changer le regard des Brestois sur ces quartiers, et c’est réussi. Beaucoup de gens de l’extérieur du quartier viennent désormais y faire leurs courses, ils représentent même près de la moitié des utilisateurs de la médiathèque du quartier, située à proximité » se félicite-t-elle.
Dans le contexte économique actuel, rien n’interdit non plus à ces professionnels de l’action publique de nouer des relations privilégiées avec les promoteurs privés. Un partenariat pas forcément naturel, mais qui peut être facilité par leurs objectifs communs de modifier l’image souvent négative qui collent aux quartiers prioritaires.
« Les entreprises ont des enjeux de rentabilité qui leur sont propres, mais c’est du donnant-donnant. En échange d’aménagements routiers et du renforcement des transports publics, nous participons à la restauration du dynamisme du territoire », argumente Jérôme de Segogne, président de l’opérateur immobilier Fulton investissant actuellement dans un centre commercial situé dans le quartier prioritaire de Bagatelle, à Toulouse. A l’issue de cette journée d’échanges, le directeur de la Ville et de la cohésion urbaine au CGET reconnaissait que cette « nouvelle politique de la ville » axée sur le développement économique ne se déclinera néanmoins pas d’un claquement de doigt.
« Beaucoup d’acteurs locaux sont désemparés face à la mauvaise réputation de leurs quartiers prioritaires, l’enclavement, la mauvaise desserte en transports en commun, la faible qualification des habitants ou l’insécurité », a listé Raphaël Le Méhauté. « Donnons une suite à cette rencontre à partir de janvier 2016, directement dans les territoires, pour acculturer et outiller les élus, aménageurs, chefs de projet, entrepreneurs locaux ou encore syndicats patronaux », a-t-il enjoint. Ce ne sera assurément pas de trop.

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