N’est pas disproportionnée, la révocation d’un ingénieur territorial qui a autorisé le paiement de factures pour des travaux non encore réalisés et dont certains étaient inutiles.
En l’espèce, le litige porte sur la révocation infligée à un ingénieur territorial employé au sein d’une commune. Il lui est reproché, d’avoir émis, dans le cadre de ses fonctions de responsable des bâtiments communaux chargé de l’entretien du patrimoine immobilier communal, des bons de commande auprès d’une société pour différents travaux et d’avoir autorisé le paiement des factures émises par cette société alors que les travaux et prestations correspondants n’avaient pas été réalisés. Il s’avère que certains des travaux commandés ne répondaient à aucun besoin précis. De plus alors qu’il était suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, l’intéressé a sollicité auprès d’entreprises, la communication, pour son propre compte, de documents administratifs établis à la demande de la commune.
Or, ces faits, qui résultent d’un comportement délibéré, constituent des manquements aux obligations du service et portent atteinte au devoir de probité. Aussi, même si l’agent n’a pas chercher à retirer de tels agissements un quelconque avantage personnel, sa révocation n’est pas disproportionnée au regard de la gravité des fautes reprochées.
Or, ces faits, qui résultent d’un comportement délibéré, constituent des manquements aux obligations du service et portent atteinte au devoir de probité. Aussi, même si l’agent n’a pas chercher à retirer de tels agissements un quelconque avantage personnel, sa révocation n’est pas disproportionnée au regard de la gravité des fautes reprochées.
Références
CAA Marseille, 3 mai 2016, req. n°14MA03291CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 03/05/2016, 14MA03291, Inédit au recueil Lebon
Références
CAA de MARSEILLEN° 14MA03291
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre - formation à 3
M. GONZALES, président
Mme Eleonore PENA, rapporteur
M. ANGENIOL, rapporteur public
REBIBOU, avocat
lecture du mardi 3 mai 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint Laurent du Var a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'avis rendu le 12 janvier 2011 par lequel le conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a préconisé une sanction de huit mois d'exclusion temporaire dont quatre mois avec sursis, à l'encontre de M. B....
Par un jugement n° 1101121 du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a donné acte du désistement des conclusions reconventionnelles présentées par M. B... tendant à ce qu'il " prononce la nullité de la procédure disciplinaire engagée par la commune de Saint Laurent du Var " et a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 12 janvier 2011.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2014, 28 octobre 2015 et 18 mars 2016, M. B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 22 mai 2014 en tant qu'il a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 12 janvier 2011 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Saint Laurent du Var devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint Laurent du Var la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses arguments ont été rejetés par le tribunal sans avoir été sérieusement examinés ;
- la commission de discipline de recours n'a pas fait une inexacte appréciation des faits ;
- la plainte déposée par la commune a été classée sans suite, la procédure pénale ayant confirmé l'absence de toute intention frauduleuse et de tout enrichissement personnel de sa part ;
- il n'existe aucune procédure formalisée au sein de la commune relative aux règles d'engagement des deniers publics ;
- alors qu'il n'est qu'un maillon de l'administration communale, l'ensemble des engagements financiers qu'il a pris l'ont été suivant le code des marchés publics et validés en interne par le service de la commande publique ; il est de pratique courante de faire des avances sur travaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2015, la commune de Saint Laurent du Var, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-126 du 9 février 1990 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant la commune de Saint Laurent du Var.
1. Considérant que M. B... a été titularisé, par un arrêté du 9 avril 2009, dans le cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux au sein des services de la commune de Saint Laurent du Var ; qu'à la suite d'un rapport d'information rédigé par le directeur général des services de la commune, il a fait l'objet d'une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle, après avis du conseil de discipline départemental, le maire de la commune a prononcé à son encontre la sanction de la révocation, par un arrêté du 21 septembre 2010 prenant effet au 1er octobre suivant ; que M. B... ayant introduit un recours auprès du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, celui-ci a, par un avis du 12 janvier 2011, émis une recommandation d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de huit mois dont quatre avec sursis ; que le tribunal administratif de Nice, saisi par la commune de Saint Laurent du Var, a, par un jugement du 22 mai 2014, notamment annulé l'avis du conseil de discipline de recours ; que M. B... relève régulièrement appel dudit jugement en tant qu'il a annulé cet avis du 12 janvier 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Ce pouvoir est exercé dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. L'autorité territoriale peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs. (...) " ; que, selon les dispositions de l'article 91 de la même loi : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours. " ;
3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
4. Considérant qu'il est constant que, dans le cadre de ses fonctions de responsable des bâtiments communaux chargé de l'entretien du patrimoine immobilier communal sous l'autorité du directeur des services techniques, M. B... a émis des bons de commande entre les 24 novembre 2009 et 29 mars 2010 auprès de la société Néofluides pour des travaux de désembouage des réseaux de chauffage de locaux communaux et des réparations sur lesdits réseaux pour un montant total de 33 093,23 euros, puis qu'il a validé les factures émises par cette société les 27 novembre 2009, 31 mars et 12 avril 2010 aux fins de leur paiement alors que les travaux et prestations correspondants n'avaient pas été réalisés ; que l'un des contrôleurs territoriaux alerté sur lesdits agissements a, en outre, constaté que certains des travaux commandés ne répondaient à aucun besoin précis ; qu'il ressort également des pièces du dossier, qu'alors qu'il était suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, l'intéressé a sollicité auprès d'entreprises, la communication, pour son propre compte, de documents administratifs établis à la demande de la commune ; que ces faits, qui résultent d'un comportement délibéré, constituent, ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges qui, contrairement à ce que soutient M. B..., ont pris en considération l'ensemble des faits et moyens invoqués dans sa requête, des manquements aux obligations du service et portent atteinte au devoir de probité ; que si l'intéressé, pour tenter de justifier ses agissements par l'absence, au sein de la commune, de procédure formalisée relative aux règles d'engagement des deniers publics, soutient qu'il est de pratique courante de faire des avances sur travaux et fait également valoir, qu'alors qu'il n'est qu'un maillon de l'administration communale, lesdits engagements financiers ont été approuvés, aucune de ces circonstances, à la supposer établie, n'est de nature à exonérer de cette faute un fonctionnaire de catégorie A, exerçant les fonctions de chef de service responsable de l'entretien du patrimoine immobilier communal, ayant par nature la maîtrise des procédures d'achats publics et de l'engagement des dépenses ; qu'il en va de même de la circonstance que la plainte déposée par la commune à son encontre a été classée sans suite par le parquet, laquelle, en tout état de cause ne saurait s'imposer à l'autorité administrative qui seule détient le pouvoir disciplinaire ;
que, dans ces conditions, et quand bien même l'intéressé n'aurait à aucun moment cherché à retirer de tels agissements un quelconque avantage personnel, le maire de la commune de Saint Laurent du Var, en faisant le choix de la révocation, n'a pas pris à l'encontre de M. B... une sanction disproportionnée au regard de la gravité des fautes reprochées ; que, par suite, en préconisant la sanction disciplinaire du 3ème groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de huit mois dont quatre avec sursis, le conseil de discipline de recours a, à l'inverse, entaché son avis d'une erreur d'appréciation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 12 janvier 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint Laurent du Var, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la commune de Saint Laurent du Var ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint Laurent du Var présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et à la commune de Saint Laurent du Var.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2016 où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- Mme Baux, premier conseiller,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mai 2016.
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N° 14MA032915