Dans la précipitation, le gouvernement annonce vouloir mettre en place le transfert d’une partie des cotisations sociales vers la TVA, afin d’accroître la compétitivité des entreprises. La CFDT s’oppose fermement à une solution qui pénaliserait le pouvoir d’achat et comporterait des risques pour le financement de la protection sociale.
Étudiée depuis bon nombre d’années par les gouvernements successifs, mise en place dans plusieurs pays européens, la TVA sociale revient dans le débat public, à quelques mois des élections présidentielle et législatives. Appelée TVA anti-délocalisation par la majorité, elle sera l’un des thèmes abordés lors du sommet social du 18 janvier. La CFDT a déjà clairement exprimé son opposition à cette idée, qui consiste à transférer une partie des cotisations sociales vers la TVA. Elle condamne également le choix du calendrier et la méthode utilisée. « Cela fait des années que le sujet revient dans le débat ; il est ahurissant qu’il soit de nouveau évoqué à quatre mois des élections, déclare Véronique Descacq, secrétaire nationale. En imaginant que cette mesure soit adoptée avant les prochains scrutins, elle ne pourrait de toute façon être appliquée que par la future équipe gouvernementale. » La méthode de concertation ne manque pas non plus d’originalité. « L’Élysée annonce un sommet social, et le gouvernement déclare qu’une loi sera discutée au Parlement en février, regrette la secrétaire nationale. Cela confirme les soupçons que nous avons quant à une tentative d’instrumentalisation des partenaires sociaux. Par ailleurs, le président de la République veut mettre en place un Haut Conseil du financement de la protection sociale, et prend une décision qui concerne son champ avant même que ses membres ne soient nommés. Ce Haut Conseil peut être une bonne méthode pour trouver un consensus, à condition d’attendre ses propositions ! »
Un coût du travail prétendument trop élevé
La compétitivité des entreprises françaises sert donc d’alibi au gouvernement pour avancer cette mesure. Le coût du travail serait trop élevé dans l’Hexagone, notamment par rapport à l’Allemagne, référence omniprésente dans la période, qui a instauré une hausse de TVA en échange de baisses de charges en 2007. Actuellement, la protection sociale est majoritairement financée par les revenus du travail. Transférer une partie de ce financement sur la consommation réduirait le coût de fabrication des produits français, et donc leur prix de vente… si toutefois les entreprises font le choix de répercuter la baisse de charges de cette façon-là. Elles pourraient également décider d’augmenter leurs marges ou encore les salaires nets – ou un mix des trois solutions. Selon Véronique Descacq, en stigmatisant le coût du travail, le gouvernement se trompe de cible : « Le manque de compétitivité française tient principalement au tissu peu développé des petites entreprises, au défaut de coopération entre grandes entreprises et PME, à la faiblesse de la recherche et de l’innovation, à une politique qui favorise les emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés. » Pour l’instant, le débat porte sur les cotisations qui financent des prestations universelles, en l’occurrence celles de la branche famille, ce qui représente 30 milliards d’euros. (Un point de TVA au taux normal rapporte 7 milliards d’euros.)
Certains économistes vont jusqu’à défendre l’idée d’une baisse de charges sans compensation par l’impôt. Selon eux, la meilleure santé financière des entreprises qui résulterait de la suppression des charges provoquerait une baisse du chômage et donc une augmentation des ressources de la protection sociale. Mais Véronique Descacq qualifie de hasardeux ce scénario. « Il ignore que la compétitivité française n’est pas essentiellement liée au coût du travail. De plus, il reste très improbable en termes de répercussion de la baisse du coût du travail sur les prix – et il néglige le fait que nos concurrents réagiraient, sans aucun doute. Sans compter les effets d’aubaine possibles pour les entreprises. Qui peut nous garantir que les dépenses ainsi évitées ne serviraient pas à augmenter les dividendes aux actionnaires ? »
La CFDT n’est pas opposée à une fiscalisation d’une partie du financement de la protection sociale. Cependant, en choisissant la TVA, le gouvernement fait le choix d’augmenter l’impôt le plus injuste qui soit. Il est en effet régressif : plus les revenus d’une personne sont élevés, moins, en proportion, elle paiera de TVA. La TVA acquittée sur les dépenses des 10 % des ménages aux revenus les plus faibles représente 11,5 % de ces revenus. Pour les 10 % des ménages aux revenus les plus élevés, ce taux n’est plus que de 5,9 %, soit environ la moitié ! Même si la TVA sociale ne s’applique pas aux produits de première nécessité, une telle option demeure inacceptable. Les retraités, les chômeurs et les fonctionnaires seraient d’autant plus percutés qu’une augmentation de la TVA ne pourrait pas être compensée par une augmentation de leurs revenus. Cette dernière demeure d’ailleurs largement hypothétique pour ce qui concerne les salariés du privé. « Dans son rapport sur le financement de la protection sociale, remis l’an dernier au gouvernement, et qui préconise la TVA sociale, le député du Bas-Rhin, Yves Bur, ne fait à aucun moment mention de la possibilité d’augmenter le salaire net en contrepartie d’une baisse de charges », remarque Véronique Descacq.
Des ressources à ne pas confondre
La CFDT craint également que l’argent ainsi transféré serve à d’autres dépenses que la protection sociale. « La TVA est un impôt général dont l’affectation partielle à la Sécurité sociale ne pourrait être sécurisée, explique Véronique Descacq. Pour la CFDT, il ne doit pas y avoir confusion des ressources de la protection sociale et de l’État. Ce serait la porte ouverte à des arbitrages dont on peut craindre qu’ils se fassent largement au détriment de la protection sociale. Ce même argument vaut d’ailleurs pour la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. »
La croissance française est par ailleurs particulièrement fragile, et largement fondée sur la consommation interne. Une augmentation de la TVA risque d’aggraver sérieusement une situation économique déjà très délicate. « Le calendrier de la mesure pose un problème majeur, affirme ainsi Marcel Grignard, secrétaire général adjoint. Penser une TVA sociale à un moment où la France connaît une phase de basse activité, voire de récession, c’est prendre un risque supplémentaire d’accroître la récession. »
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