lundi 9 janvier 2012

Chérèque sur SEA France et sur le sommet social du 18 janvier


1)"La CFDT de SeaFrance n'a pas un comportement honorable"


SeaFrance: le tribunal prononce la liquidation
SeaFrance: le tribunal prononce la liquidation
Le tribunal de commerce de Paris a prononcé lundi la liquidation définitive avec cessation d'activité de la compagnie transmanche. Il n'existe aucune offre de reprise valable, a-t-il estimé.





2) Point de vue,

Le Monde :

Didier Cappelle, responsable de la CFDT-Maritime Nord, répond aux médias le 5 janvier, à la sortie d'une réunion au ministère des transports.
Didier Cappelle, responsable de la CFDT-Maritime Nord, répond aux médias le 5 janvier, à la sortie d'une réunion au ministère des transports.Reuters/GONZALO FUENTES

Calais (Pas-de-Calais), envoyé spécial - Chez SeaFrance, l'étiquette CFDT est devenue lourde à porter. Un véritable boulet, presque une marque d'infamie. Depuis le 6 janvier, les responsables de ce syndicat dans la compagnie de ferries sont accusés dans la presse des pires dérives, au moment même où ils défendent la reprise de l'entreprise par une société coopérative et participative (SCOP). Un symbole de plus dans ce dossier qui s'est invité dans la campagne présidentielle.

Les syndicalistes étaient déjà contestés, du fait de leur opposition à la solution de relance portée par Louis Dreyfus Armateur (LDA) et la société danoise DFDS. Mais la controverse a pris une tournure nouvelle avec le déballage, sur la scène nationale, de faits dénoncés naguère par des journaux régionaux et par d'autres syndicats : intimidations, violences, gestion opaque des instances représentatives du personnel, relations incestueuses avec l'ancienne équipe de direction, soupçons d'enrichissement personnel…


Dans ce déferlement d'accusations, un nom revient sans cesse : Didier Cappelle, responsable de la CFDT-Maritime Nord. Bien que cet ancien salarié de SeaFrance ait pris sa retraite en 2006, il continue de jouer un rôle de tout premier plan dans les manœuvres de sauvetage de la compagnie qui assure la liaison Calais-Douvres. Ses nombreux contradicteurs le décrivent comme le "cerveau", le "gourou" d'une organisation quasi "mafieuse". La CFDT, au niveau confédéral, a prévenu qu'elle l'exclurait, lui et les autres chefs de son syndicat, si les soupçons de "pratiques obscures et frauduleuses" se confirmaient. "On sera sans état d'âme, confie Laurent Berger, secrétaire national de la centrale cédétiste. Ces gens-là ne sont pas en phase avec les valeurs et l'éthique de la CFDT." Beaucoup moins sévère, un ex-cadre de haut niveau, employé dans la compagnie de 2001 à 2008, voit dans cet homme aux allures de papy ordinaire un "syndicaliste à l'ancienne", adepte certes "du coup de poing sur la table", mais "généreux".
Didier Cappelle commence à travailler en 1966 à l'âge de 15 ans, à l'issue de l'Ecole d'apprentissage maritime du Havre (Seine-Maritime). Mousse sur le paquebot France durant un an, il bourlingue ensuite sur "toutes sortes de bateaux" : porte-conteneurs, bananiers, etc. En 1973, il intègre l'Armement naval SNCF, l'ancien nom de SeaFrance, et gravit les échelons jusqu'au poste d'intendant, avant de passer permanent syndical en 1990. Au moment de son embauche, raconte-t-il, la CGT occupait une position dominante, tandis que la CFDT ne comptait que quelques dizaines d'adhérents. Le rapport de forces va peu à peu s'inverser. Didier Cappelle sait commander des troupes et se faire apprécier d'elles. En 1994, il est élu secrétaire du comité d'entreprise (CE).
Au cours des années 1990, les conflits sociaux s'enchaînent sur de multiples sujets : salaires, emplois, indemnisation des arrêts maladie… Nommé à la tête de SeaFrance en 2001, Eudes Riblier essaie de juguler le nombre de jours de grèves en travaillant "en étroite liaison avec la CFDT", explique un proche de l'actuelle direction, en poste à l'époque. "Petit à petit, poursuit-il, la CFDT a pris le pouvoir sur le recrutement des non-cadres." Didier Cappelle fournirait même des "listes" de personnes à engager dans la compagnie de ferries.
La Cour des comptes dresse un constat similaire dans un rapport remis en 2009 : pour les "agents de service général" à bord des navires, "le recrutement s'effectue largement par cooptation selon des critères peu transparents", écrit la haute juridiction, en ajoutant : "Les recommandations familiales et surtout l'appui de la formation syndicale majoritaire [la CFDT] entrent comme un facteur déterminant dans la sélection des candidats." Aux yeux de la Cour, cette politique entraîne des sureffectifs.
Didier Cappelle ne nie pas avoir eu "une certaine influence" en matière d'embauche, mais d'autres syndicats en avaient aussi et ces usages ne sont pas propres à SeaFrance, se défend-il.
La CFDT-Maritime Nord est également soupçonnée d'exercer son emprise sur les augmentations salariales et sur le déroulement de carrière des techniciens et des personnels d'exécution. A tel point qu'en février2007, l'intersyndicale CGT/CFE-CGC des officiers s'indigne des privilèges exorbitants qui seraient accordés à certains salariés : primes exceptionnelles sans justification, promotions aussi subites qu'inexpliquées… "Le président Riblier a acheté la paix sociale à la CFDT", fustigent les deux organisations.
Pour avoir relayé ces allégations, le quotidien Nord-Littoral sera condamné pour diffamation par la cour d'appel de Douai (Nord). Mais Pascal Dejean, le PDG du groupe propriétaire de ce journal, pense, aujourd'hui encore, que ces critiques étaient fondées : "Nous avons eu le tort d'avoir raison trop tôt", affirme-t-il. La preuve : la Cour des comptes a validé, dans son rapport de 2009, les observations faites deux ans plus tôt par l'intersyndicale des officiers.
Accusée d'être de mèche avec la direction, la CFDT-Maritime Nord est également montrée du doigt pour ses méthodes musclées. En mars 2002, un représentant de la CGT, Christophe Wadoux, est frappé au cours d'une "réunion paritaire" par Eric Vercoutre, l'actuel secrétaire du CE. Une agression commise sous les yeux d'un membre de la direction des ressources humaines. Un an plus tard, un groupe de salariés de SeaFrance emmené par Didier Cappelle envahit les locaux de Nord-Littoral à Calais. Un article leur avait déplu, raconte Pascal Dejean. Il n'y a ni coup ni casse – ou presque – mais par la suite, la CFDT-Maritime Nord distribuera des tracts menaçants contre des journalistes du quotidien, d'après le PDG du groupe de presse.
En avril 2005, une autre altercation éclate, entre Eric Vercoutre et Roger Lopez, un responsable de la CGT chez SeaFrance. Ce dernier s'écroule, après, dit-il, avoir été boxé par son contradicteur. La justice condamne le militant cédétiste à une peine d'amende, malgré ses dénégations. Enfin, quelques mois plus tard, un incident se produit lors d'une manifestation au Havre, mais cette fois la victime est une policière en civil qui photographie des manifestants. Plusieurs hommes tentent de s'emparer de son appareil, elle se retrouve au sol. Didier Cappelle, Eric Vercoutre et un de leurs collègues sont renvoyés en correctionnelle : le premier se voit infliger une amende, le second sept mois de prison avec sursis, le troisième cinq mois avec sursis.
Tous ces épisodes ont été grossis jusqu'à l'exagération, plaide Didier Cappelle. Il explique que la policière avait dissimulé sa véritable qualité aux manifestants – d'où la colère de certains d'entre eux. Il prétend même avoir cherché à la protéger avec ses deux collègues. Un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme a été engagé contre la décision sanctionnant les trois hommes… Un changement important survient lorsque Eudes Riblier est remplacé en 2008 par Pierre Fa à la direction. Celui-ci "siffle la fin de la récréation" et enterre la politique de cogestion, relate un syndicaliste. D'après lui, la CFDT-Maritime Nord cesse d'avoir la main sur une partie des recrutements. Depuis, la guerre fait rage entre le syndicat et le président du directoire. Les belligérants croisent le fer au sujet des comptes du CE : Pierre Fa multiplie les requêtes pour y voir plus clair. N'obtenant pas les documents réclamés, il lance des actions judiciaires, si nombreuses et si touffues que les protagonistes ont eux-mêmes de la peine à s'y retrouver.
Didier Cappelle assimile cette cascade de procédures à une "cabale" visant à "jeter le discrédit" sur son organisation. "Le CE a toujours été très bien géré et au bénéfice de tous", assure-t-il, tout en prenant un malin plaisir à rappeler que Pierre Fa fut condamné dans l'affaire Elf.
Début 2010, suspectant des détournements de produits à bord des navires, les patrons de SeaFrance portent plainte pour "abus de confiance". Une information judiciaire est ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Depuis, aucune mise en examen n'a été prononcée, mais les comptes bancaires de responsables de la CFDT-Maritime Nord auraient été épluchés.
Quelques semaines après le début de cette enquête, une autre affaire surgit : celle des biens immobiliers d'Eric Vercoutre. "Comment a-t-il pu se les offrir ?", s'interroge Nord-Littoral, le 4 juin 2010. Un sujet à nouveau abordé par Libération, dans son édition du 7-8 janvier. Au quotidien national, le secrétaire du CE indique qu'il a dû contracter de gros emprunts afin d'acheter ces logements qu'il met en location. Propriétaire, lui aussi, de plusieurs appartements à Calais, Didier Cappelle soutient qu'ils sont "hypothéqués" et qu'il s'est "surendetté" à cause de l'acquisition d'un immeuble.
"Sous prétexte de paix sociale, on a fait n'importe quoi", tempête Jacques Brouyer, secrétaire du syndicat CGT des officiers de SeaFrance. Des "calomnies" martelées depuis des années, rétorque Didier Cappelle. Selon lui, elles ressortent aujourd'hui pour torpiller le projet de SCOP.
Celui-ci était considéré comme voué à l'échec en raison d'un financement insuffisant et d'un business plan boiteux. Mais la société Eurotunnel (a ) créé la surprise en proposant d'appuyer le schéma construit par la CFDT-Maritime Nord...
Bertrand Bissuel
.....mais on connait la triste suite annoncée par le Tribunal cee lundi 9 janvier (ndlr cfdt mpm )
Et après ?
La liquidation pure et simple
Ce sera la première phase du processus. Quoi qu'il arrive en effet, SeaFrance va être liquidée, les salariés seront licenciés et les actifs de l'entreprise seront vendus au mieux-disant.
Ce lundi, la SNCF, maison mère de SeaFrance, a déclaré qu'elle mettrait en place une cellule de reclassement et de recrutement "dans le groupe SNCF", si des licenciements avaient lieu. Elle propose également de verser 36 millions d'euros d'indemnités supra-légales aux salariés...
La reprise par un tandem concurrent
Après la liquidation judiciaire, les discussions pourraient reprendre avec Louis Dreyfus Armateurs (LDA), qui avait présenté il y a quelques mois avec le danois DFDS une offre de reprise alternative. Retoquée en novembre dernier par le Tribunal de Commerce, cette proposition s'était heurtée à l'opposition frontale de la CFDT. Mais la semaine dernière, de nombreuses voix ont réclamé la réouverture des négociations. Même du côté des salariés, un collectif de non-syndiqués a demandé à renouer le dialogue avec Louis-Dreyfus Armateur, estimant qu'il s'agissait désormais de la seule solution pour sauver l'emploi.
Le gouvernement veut préserver l'emploi L'attente n'a pas été longue pour que le gouvernement réagisse à l'annonce du Tribunal de Commerce. Quasi-immédiatement le premier ministre François Fillon a évoqué la reprise des discussions avec les acteurs politiques et économiques du dossier pour sauver les emplois. De son côté, Thierry Mariani, le Ministre des Transports, a déclaré à l'AFP que "la totalité des pistes qui vont permettre aux 800 salariés de retrouver un emploi vont être explorées". Même son de cloche à Berlin, où Nicolas Sarkozy lui-même a tenu à s'exprimer sur le dossier, assurant qu'il y aurait une "solution crédible pour tous les salariés de l'entreprise".
Or selon Libération, la liquidation et l'effacement de 230 millions d'euros de dette pourraient redonner de l'appétit au tandem concurrent. A en croire le quotidien, ce dernier serait en effet en train de réfléchir à une nouvelle offre de reprise, avec embauche de 540 salariés, et maintien de l'activité sous pavillon français.
Seul point faible de ce projet, il n'offrirait que 5 millions d'euros pour les trois ferries de la compagnie dont la valeur est estimée... à 150 millions d'euros. Par ailleurs, de nombreux salariés de SeaFrance se méfieraient de ce concurrent aux méthodes qualifiées de "low-cost" et "déloyales". Ils craignent notamment de se voir proposer des rémunérations très inférieures à celles actuellement en cours dans l'entreprise.
Le projet de la SCOP toujours en lice
C'est le scénario que continue de défendre la CFDT, syndicat majoritaire chez SeaFrance. La liquidation de SeaFrance n'empêche pas en effet ses ex-salariés de fonder une société coopérative ouvrière (Scop) pour relancer l'activité. Jusqu'à présent le dossier était au point mort, puisque la CFDT n'a pas réussi à trouver les 50 millions d'euros que lui réclamait la justice pour poursuivre l'activité.
Mais ce lundi, le projet de la Scop a connu un énième rebondissement. Eurotunnel a en effet annoncé qu'il était prêt à racheter les ferries SeaFrance, dans le cadre d'une association avec la région Nord-Pas-de-Calais, pour les louer ensuite à la coopérative. "On ne peut pas laisser disparaître la seule compagnie française du port de Calais", a ainsi fait valoir le PDG d'Eurotunnel dans une interview à Libération.
SeaFrance peut-elle renaître après sa liquidation?
La compagnie de ferries SeaFrance va être liquidée quoi qu'il arrive.
REUTERS/Pascal Rossignol
Pour Jacques Gounon, qui ne se cache d'avoir attendu la liquidation de l'entreprise pour proposer sa candidature, il ne serait pas difficile d'être mieux-disant que LDA et DFDS. Ce qui devrait théoriquement lui apporter les faveurs des liquidateurs judiciaires.
Reste que ce projet est toujours très hypothétique. Tout d'abord, il est essentiel qu'une majorité des salariés veuille encore investir ses indemnités (36 millions d'euros selon la SNCF) dans l'entreprise. Ce qui dans le contexte actuel est loin d'être évident. La CFDT, porteuse du projet, est de plus en plus remise en cause, et la justice vient de déclarer le projet non viable économiquement, ce qui pourrait en freiner plus d'un...
Par ailleurs, les modalités techniques de cette reprise seront beaucoup plus compliquées que si le tribunal avait décidé la cession de l'activité. Toutes les démarches administratives, notamment concernant les créneaux horaires des ports ou autres, vont être automatiquement abrogées par la liquidation. "Il va falloir tout refaire de zéro", s'est notamment plaint David Baré, le trésorier de la CFDT, selon qui "ce n'est pas demain que la Scop SeaFrance verra le jour."




Aucun commentaire: