jeudi 18 août 2011

Licenciement économique collectif : ce qu’il faut savoir sur la procédure


Quelles sont les obligations de l’entreprise ? Qu’est-ce qu’un PSE ? Que peut faire le CE ? Que se passe-t-il en l’absence de représentant du personnel ? Quel est le calendrier et quels sont vos droits si vous êtes concerné par un licenciement économique ? Le point.
Depuis la crise économique, les plans sociaux ou « plans de sauvegarde de l’emploi » se multiplient dans toutes les branches d’activité en France. Selon un cabinet spécialisé, il y aurait en moyenne 200 plans sociaux par mois en France contre 100 avant la crise. Molex, Cartepillar, Continental, RFI, Total ont ainsi récemment défrayé la chronique. Malgré la recherche de reclassements (obligatoire), ils aboutissent généralement à des licenciements collectifs.

Plan de sauvegarde (PSE)
Le Code du travail impose à l’entreprise (de 50 salariés et plus) d’élaborer un PSE en cas de restructuration et compression d’effectifs entraînant le licenciement pour motif économique de dix personnes et plus, sur une période de 30 jours ou si dix salariés refusent la modification du contrat de travail qui leur est proposée pour un motif économique. Sans ce PSE, la procédure est nulle.
Ce plan doit obligatoirement comprendre des propositions de reclassement interne et externe et des mesures d’accompagnement visant à favoriser le retour à l’emploi des salariés impactés. À savoir : l’obligation de reclassement constitue, pour l’employeur, une obligation de moyens et non de résultats.
L’entreprise doit obligatoirement informer et consulter les représentants du personnel sur le projet de restructuration et sur le contenu du PSE.
Elle doit aussi tout au long de la procédure fournir les documents relatifs à ses projets et décisions à la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DTTEFP). Mais ni cette dernière ni les représentants du personnel ne disposent d’un droit de veto.
Pour peser sur le contenu et le calendrier des projets de leur direction, les salariés et leurs représentants tentent souvent de faire entendre leur refus par d’autres moyens. L’actualité montre la diversité des actions : manifestations, grèves, démarches auprès des élus locaux, recours aux tribunaux… Des négociations s’amorcent souvent dans ce contexte, éventuellement sous l’égide d’un médiateur. Elles aboutissent éventuellement à la réduction du nombre des licenciements ou à une amélioration des mesures d’accompagnement prévues dans le PSE.

Pour contester la validité du PSE, le comité d’entreprise doit saisir le tribunal de grande instance. Dans le cadre d’une démarche individuelle, le salarié doit aller aux prud’hommes.


Quelle procédure dans les entreprises de plus de 50 salariés ?

L’employeur doit consulter le comité d’entreprise (ou, à défaut, les délégués du personnel), d’une part sur le projet de restructuration et compression d’effectifs et d’autre part sur le PSE qu’il est tenu de mettre en œuvre.
Les deux consultations, distinctes, peuvent éventuellement être menées parallèlement. Un accord de méthode, signé par les syndicats, peut prévoir des dérogations à la procédure classique et, éventuellement, la négociation par les syndicats des mesures du PSE. Deux réunions au moins sont obligatoires mais souvent le CE se réunit trois fois voire plus.
L’employeur doit convoquer le CE une première fois. Il doit envoyer à ses membres un document précisant les raisons économiques, financières ou techniques du projet, le nombre de salariés dont le licenciement est envisagé, les catégories professionnelles concernées, les critères proposés pour l’ordre des licenciements, le calendrier prévisionnel, les mesures envisagées pour éviter ou réduire les licenciements et son projet de PSE.
Au cours de cette réunion, le CE fait part de ses propositions et peut désigner un expert-comptable (voir ci-dessous).
Une deuxième réunion du CE doit être convoquée dans un délai maximum qui varie avec le nombre des licenciements : 14 jours pour 10 à 99 licenciements, 21 jours pour 100 à 249 licenciements, 28 jours pour 250 licenciements et plus. Cette réunion porte sur les réponses motivées de l’employeur aux observations du CE, sur la fixation des mesures du PSE et sur le recueil de l’avis du CE sur le projet.

Que peut faire le CE ?
Le comité d’entreprise peut désigner un expert-comptable, rémunéré par l’employeur, pour l’aider à analyser la situation de l’entreprise et élaborer des contre-propositions. Si un expert est nommé, obligatoirement dès la première réunion, le nombre minimal de réunions est porté à trois. La deuxième réunion est alors considérée comme la première et sert à présenter et discuter le rapport de l’expert.
Le CE désigne généralement l’expert-comptable qu’il missionne chaque année sur les comptes annuels et les comptes prévisionnel de l’entreprise. Mais il peut aussi désigner tout expert technique (avocat, économiste…) rémunéré sur son budget de fonctionnement.
L’expert doit remettre son rapport dans un délai de 20 à 22 jours.
Le CE ou les syndicats peuvent saisir le Tribunal de grande instance en référé pour faire suspendre la procédure de consultation si celle-ci est irrégulière, notamment si l’information est insuffisante. Ils peuvent également faire reconnaître la nullité du PSE, notamment si l’effort de reclassement est insuffisant, ce qui oblige l’employeur à reprendre la procédure.
Le CE et les syndicats peuvent par ailleurs contester la validité du PSE, son application et le respect de l’ordre des licenciements ou de la priorité de réembauchage. 

Quel rôle pour l’administration ?
Simultanément à leur remise aux représentants du personnel, l’employeur doit envoyer à la DDTEFP (Directions départementales du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle) toutes les informations concernant le projet de restructuration et de PSE. C’est-à-dire la notification du projet de licenciements, après la première réunion. Puis les procès-verbaux des réunions, la liste nominative des salariés licenciés et le projet de PSE avec les mesures d’accompagnement.
La DDTEFP vérifie le respect de la procédure de consultation, le contenu du PSE et la mise en œuvre des mesures d’accompagnement.
Si elle adresse des observations à l’employeur, celui-ci ne peut poursuivre la procédure avant d’y avoir répondu. Avant la dernière réunion du CE, l’administration peut suggérer des modifications ou améliorations du PSE en tenant compte de la situation économique de l’entreprise. Ces suggestions sont communiquées à l’employeur et au CE.
Après réception du procès verbal de la dernière réunion du CE, la DDTEFP dispose d’un délai pour vérifier le dossier : 21 jours pour moins de 100 licenciements, 28 jours pour 100 à 250 licenciements, 35 jours au-delà.
En cas d’absence ou d’insuffisance du PSE, elle peut établir un constat de carence qui doit conduire l’employeur à reprendre la procédure.

Quel calendrier et quels droits pour le salarié ?
Si vous êtes concerné, vous n’aurez pas d’entretien préalable. Votre lettre de licenciement ne pourra pas vous être envoyée avant un délai d’attente de 30 jours minimum à partir de la dernière notification à la DDTEFP.
Ce délai minimum passe à 45 jours pour 100 à 249 licenciements et à  60 jours à partir de 250 licenciements.
Vous devez vérifier que cette lettre comprend bien toutes les informations obligatoires : motifs du licenciement économique, proposition de congé de reclassement ou de convention de reclassement personnalisé ou de contrat de transition professionnelle, priorité de réembauchage pendant un an, droits acquis au DIF (droit individuel à la formation).
Vous pouvez demander, par écrit, les critères retenus pour l’ordre des licenciements.
Si vous souhaitez contester la validité de votre licenciement ou du PSE, vous pouvez saisir le conseil des prud’hommes dans un délai de 12 mois. Votre action peut aussi concerner la régularité de la procédure de votre licenciement, l’ordre des licenciements ou la priorité de réembauchage.

Quelle procédure dans une entreprise de moins de 50 salariés ?
Votre employeur doit convoquer les délégués du personnel en leur transmettant un document d’information complet. Ce document doit indiquer les raisons économiques, financières ou techniques du projet, le nombre de salariés dont le licenciement est envisagé, les catégories professionnelles concernées, les critères proposés pour l’ordre des licenciements, le calendrier prévisionnel et les mesures envisagées pour éviter ou réduire les licenciements. Au cours d’une première réunion, votre employeur doit recueillir les avis, propositions et suggestions des délégués. Au cours d’une seconde réunion, dans les deux semaines, l’employeur doit apporter les réponses motivées aux propositions des délégués et recueillir leur avis sur le projet de licenciement collectif. Il doit ensuite adresser le procès-verbal de cette réunion et la liste nominative des salariés concernés à la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Cette dernière vérifie le respect de la procédure et dispose d’un délai de 21 jours pour signaler toute irrégularité par écrit à l’employeur avec copie aux délégués. L’employeur ne peut légalement procéder aux licenciements  avant d’avoir répondu à ces observations.

Et en l’absence de tout représentant du personnel ?
Si votre entreprise ne compte ni CE, ni délégués du personnel, à défaut de consultation, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) doit être affiché sur les lieux de travail et communiqué à la DDTEFP. Les observations de cette dernière doivent également être affichées ainsi que les réponses de l’employeur.

Chaque salarié concerné par le projet de licenciement doit être convoqué à un entretien préalable, par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge.
La lettre doit mentionner la possibilité pour le salarié d’être assisté par un salarié de l’entreprise ou, en l’absence de tout représentant du personnel, par un conseiller du salarié extérieur.
La liste des conseillers du salarié est disponible en mairie et à l’Inspection du travail. Au cours de l’entretien, au plus tôt 5 jours après la date de présentation du courrier, l’employeur doit exposer le motif du licenciement et les critères d’ordre des licenciements. Et il doit proposer, selon les cas, un congé de reclassement, une convention de reclassement personnalisée ou un contrat de transition professionnelle.
La lettre de licenciement doit rappeler ces possibilités, le motif du licenciement et la priorité de réembauche pendant un an.
À la demande écrite du salarié, l’entreprise doit communiquer les critères retenus pour l’ordre des licenciements.
Un délai doit s’écouler entre la notification du projet à l’administration et l’envoi des lettres de licenciement : 30 jours pour 10 à 99 licenciements, 45 jours pour 100 à 249 licenciements, 60 jours à partir de 250 licenciements.
Martine Rossard
Juin 2009

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