mercredi 31 août 2011

La justice face à la relance médiatique de l'affaire Bettencourt

publié le 31/08/2011 à 10:06
 

L'enquête judiciaire sur le volet politique de l'affaire Bettencourt est susceptible d'être relancée par les allégations d'une magistrate sur une supposée remise d'argent de l'héritière de L'Oréal à Nicolas Sarkozy.

Mais si des auditions sont probables, il est cependant peu plausible que l'enquête progresse sur le fond, tant les éléments avancés apparaissent indirects et flous, a estimé une source judiciaire extérieure au dossier.
L'Elysée dément catégoriquement ces allégations formulées dans un livre par la présidente du tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) Isabelle Prévost-Desprez, qui dit rapporter des propos tenus hors procédure à sa greffière par un témoin, l'infirmière de Liliane Bettencourt.
"L'infirmière de Liliane Bettencourt a confié à ma greffière après son audition par moi : 'j'ai vu des remises d'espèces à Sarkozy, mais je ne pouvais pas le dire sur procès-verbal'", dit la magistrate dans un livre rédigé par des journalistes qui sort cette semaine, "Sarko m'a tuer".
Les trois juges d'instruction de Bordeaux, Jean-Michel Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël, désignés pour reprendre l'enquête fin 2010 après le dessaisissement du tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), ont la possibilité d'entendre comme témoin leur collègue, a dit un magistrat.
"Même si elle a été saisie de l'affaire dans le passé, rien ne s'y oppose. C'est comme lorsqu'un magistrat ayant enquêté sur une affaire est entendu au procès du dossier", a-t-il dit. La greffière et l'infirmière peuvent aussi être entendues
Il est en revanche peu probable que le dossier progresse sur le fond, même si les trois protagonistes, la juge, sa greffière et l'infirmière répètent l'histoire. Ces allégations de remises d'espèces à des personnalités politiques par les Bettencourt, une des plus grandes fortunes de France et du monde, étaient déjà connues, mais n'ont pas débouché à ce jour.
Le nom de Nicolas Sarkozy, maire dans les années 1990 de Neuilly, où réside Liliane Bettencourt et son mari André - ancien parlementaire de droite décédé en 2007 - était déjà apparu dans le dossier comme un invité ponctuel du couple et un hypothétique bénéficiaire de remises d'espèces.
Interrogé à de multiples reprises au plus fort de l'affaire à l'été 2010, l'ex-comptable des Bettencourt Claire Thibout a raconté sur procès-verbal avoir assisté à ce qu'elle pense être des remises d'argent avant la présidentielle de 2007.
Elle s'est montrée ensuite floue sur la question des bénéficiaires, laissant d'abord entendre que Nicolas Sarkozy pouvait être l'un d'entre eux puis l'excluant catégoriquement et démentant des propos à ce sujet rapportés par la presse.
En qualité de chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy ne peut ni être mis en examen ni auditionné comme témoin dans une procédure pénale, dit la Constitution.
L'enquête s'est beaucoup apaisée depuis qu'elle est conduite par les juges d'instruction de Bordeaux.
Ces derniers ont cependant perquisitionné en février 2011 chez l'ancien ministre du Budget Eric Woerth, mis en cause par Claire Thibout pour un autre supposé épisode de remises d'espèces destinée à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007.
Le ministère de la Justice a par ailleurs la possibilité techniquement d'ordonner une enquête administrative ou des poursuites disciplinaires concernant Isabelle Prévost-Desprez, s'il juge que ces déclarations sont susceptibles de constituer une atteinte au devoir de réserve et au secret professionnel.
Une telle procédure donnerait l'occasion à la magistrate, très amère d'avoir été dessaisie du dossier en 2010, d'exprimer à nouveau ses accusations sur les pressions politiques dont elle se dit victime.
Par Reuters

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