Indifférent à la levée de boucliers contre le "fichage" des allocataires sociaux, le ministère du Travail et de la Santé défendait lundi son projet de "recenser tous les bénéficiaires et toutes les prestations", une entreprise - prévue de longue date - qu'il entendait mener à bien d'ici la fin de l'année.
"L'objectif n'est pas seulement de lutter contre les fraudes. C'est aussi une manière de simplifier les démarches des allocataires et la meilleure gestion des droits", affirmait-on au ministère.
Ce Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) a été voté dans la loi de finances de la Sécurité sociale 2007 et autorisé par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) en décembre 2009, assurait-on de même source.
"On est dans la mise en oeuvre de ce répertoire", expliquait-on au ministère de la Santé, ajoutant que les données d'état civil étaient déjà renseignées et que celles relatives aux prestations étaient en cours d'insertion.
"Le RNCPS sera pleinement opérationnel fin 2011", a également assuré lundi la ministre des Solidarités Roselyne Bachelot. Dans un communiqué, elle rappelle l'objectif gouvernemental de lutte contre les fraudes à la Sécurité sociale et elle défend ce fichier qui, selon ses mots, "va permettre d'avoir une photographie complète de la situation d'un assuré social".
D'après des statistiques du ministère de la Santé, les fraudes détectées s'élevaient en 2010 à 458 millions d'euros (au détriment essentiellement des URSSAF, de l'assurance-maladie et des allocations familiales). Ce montant a doublé depuis 2006.
Dans un entretien paru début mars dans "Le Figaro Magazine", le ministre du Travail et de la Santé Xavier Bertrand annonçait déjà que le RNCPS serait opérationnel d'ici la fin de l'année. "Il s'agit d'un fichier social unique sur lequel figureront l'ensemble des prestations auxquelles l'assuré a droit", expliquait-il. "Cela permettra de détecter très rapidement les prestations incompatibles, comme le RSA et le minimum vieillesse".
Cette interview publiée il y a plusieurs mois avait fait beaucoup moins de bruit que les propos du ministre des Transports Thierry Mariani rapportés ce week-end par le "Journal du dimanche" - qui ont pourtant la même teneur. "Contre la fraude, je soutiens la création d'un fichier généralisé des allocataires qui recense toutes les prestations sociales perçues", déclarait le ténor de la Droite populaire, selon qui "cela permettra de constater les abus".
"Thierry Mariani montre que le concours Lépine de la trouvaille la plus antisociale est bien ouvert au gouvernement", a dénoncé lundi le Parti socialiste. "Sa proposition qui dénonce, stigmatise et entretient le soupçon vis-à-vis des plus faibles, relève d'un populisme nauséabond", poursuit Marisol Touraine, secrétaire nationale à la santé et à la Sécurité sociale.
"Voici donc le fichier 'spécial pauvres'", s'insurge Olivier Dartigolles du Parti communiste. "Cette consternante annonce a lieu au moment même où le Samu social se voit amputé par ce même gouvernement de moyens pour agir. Non seulement on met en danger les plus fragiles, mais voici maintenant qu'on les suspecte d'escroquerie".
Même l'ancien ministre centriste Hervé Morin émet des réserves. "Ficher les plus pauvres à des fins électoralistes ne saurait être une réponse à la détresse de millions de personnes honnêtes qui aspirent avant tout à sortir de la spirale de l'exclusion", considère dans un communiqué le président du Nouveau Centre qui réclame que l'on soit "vigilant" dans l'utilisation de ce fichier.
Pour la Ligue des droits de l'Homme (LDH), cette annonce vise à donner "des gages à la Droite populaire, qui en avait fait un de ses thèmes favoris, et au-delà à l'électorat du Front national". Le RNCPS stigmatise les plus démunis "comme autant de fraudeurs potentiels" et s'inscrit "dans une dynamique de multiplication de fichiers et dans une logique de leur interconnexion, lourde de périls pour les droits et les libertés". AP
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