lundi 9 mars 2015

Retraites complémentaires (AGIRC ARRCO , IRCANTEC, etc...) : ce que vous allez perdre si les propositions du Medef sont retenues

Pour éviter la banqueroute des régimes Agirc et Arrco, le patronat a proposé une mesure explosive : pratiquer des abattements sur les pensions complémentaires compris entre 10% et 50%, et ce, quelle que soit la durée d'assurance. Un système qui plomberait le pouvoir d'achat des futurs retraités, selon les simulations réalisées par le cabinet Optimaretraite. Nos calculs exclusifs.
Comment inciter les salariés à prendre leur retraite de plus en plus tard ? Eh bien, le Medef a trouvé la formule magique : pratiquer un abattement sur les pensions pour ceux qui partent avant 67 ans, l'âge du taux plein dans les régimes complémentaires ! Concrètement, plus l'assuré prendrait sa retraite tard, moins la décote appliquée sur sa pension Arrco et Agirc serait élevé, pour disparaître à 67 ans, âge auquel il peut prétendre à une pension à taux plein. Ce système a le mérite d'être efficace pour les comptes des caisses de retraites complémentaires. Selon la sévérité du taux appliqué, il rapporterait entre 2,1 et 4,3 milliards à horizon 2020, selon le document diffusé par le Medef, que nous avons pu nous procurer.
Mais le prix à payer par les assurés est élevé ! Pour mesurer le manque-à-gagner pour les futurs retraités, Capital.fr a demandé à son partenaire, le cabinet Optimaretraite, de réaliser des simulations chiffrées. Pour ce faire, nous avons pris l'exemple de 3 salariés, un non-cadre rémunéré 3.000 euros brut par mois, un cadre avec un salaire de 6.000 euros et un dirigeant avec une rémunération brute mensuelle de 12.600 euros.
Pour chacun, nous avons estimé la perte de pension subie dans le cas où la pire des propositions du Medef serait adoptée, puis, dans le cas où celle qui est la plus favorable passe. Et les résultats sont sans appel : les salariés qui prendront leur retraite à partir du 1er janvier 2017 risquent de voir leurs pensions complémentaires fondre de 3% à 35%, jusqu'à leur 67ème anniversaire, âge du taux plein dans les régimes complémentaires. Evidemment, plus le poids de la complémentaire dans la retraite totale est élevé, plus la perte occasionnée par ces mécanismes d'abattement est importante.
Le pire des scénarios : jusqu'à 94.680 euros de perte en moins en 5 ans selon nos profils-types
Si les partenaires sociaux optent pour un abattement fixe de 50%, les assurés qui prennent leur retraite à l'âge légal de 62 ans verront leur pension complémentaire fondre de 14% à 35%, estime le cabinet Optimaretraite. Et ce durant 5 ans, jusqu'à ce qu'ils aient atteint 67 ans, l'âge du taux plein dans les régimes complémentaires.
Pour un dirigeant rémunéré plus de 10.000 euros par mois, cela représente pas loin de deux ans de pensions de retraite ! Rien que ça. Pour limiter la casse, la seule solution serait alors de retarder son départ en retraite. A 67 ans, plus aucun abattement n'est appliqué.
Exemple 1
Né le 28 juin 1959, Monsieur X est salarié non cadre avec un salaire brut mensuel de 3.000 euros. A fin 2014, il totalise 141 trimestres ainsi que 4.408 points Arrco. 
En liquidant sa retraite à 62 ans, il perdrait chaque année 3.071 euros sur sa pension complémentaire, soit 14% de pouvoir d'achat, et ce durant 5 années  ! Soit au total de 15.365 euros ! S'il décidait de retarder son départ à la retraite, par exemple, à 66 ans, il continuerait à cotiser et donc à augmenter sa pension. En prime, il éviterait une dégradation de son pouvoir d'achat les 4 premières années. Il ne subirait qu'une perte de revenu de 3.406 euros l'année de son départ entre 66 et 67 ans.
Exemple 2 
Né le 20 mars 1959, Monsieur Y est salarié cadre avec un salaire brut mensuel de 6.000 euros. A fin 2014, il totalise 143 trimestres ainsi que 5.350 points Arrco et 15.000 points Agirc. 
Pour lui, le manque-à-gagner serait non négligeable : 7.932 euros durant les 5 premières années de sa retraite s'il cesse de travailler à 62 ans, soit l'équivalent de plus d'un an de retraite en moins (14,74 mois exactement) ! S'il part à 63 ans, il perdra 8.232 euros durant 4 ans, soit 32.928 euros au total (près d'une année de pension). Et s'il recule son départ à 66 ans, il ne perdra plus que 9.132 euros sur une seule année. Soit une perte de pouvoir d'achat de 24% tout de même !
Exemple 3
Né le 8 septembre 1959, Monsieur Z est salarié cadre avec un salaire brut mensuel de 12 500 euros. A fin 2014 il totalise 141 trimestres ainsi que 5 555 points Arrco et 52 560 points Agirc.
Ce sont les cadres les mieux rémunérés, et donc avec une pension complémentaire élevée, qui ont le plus à perdre à la mise en place d'un tel mécanisme. Ainsi, si un abattement fixe de 50% était adopté et s'il liquide sa retraite à 62 ans, il perdrait jusqu'à 18.936 euros par an durant 5 ans. C'est près d'un an et demi de pensions de retraite (20,92 mois) et sur 5 ans, une perte sèche de 94.680 euros !
Rassurons-nous, même si ce mécanisme d'abattement fixe de 50% est très efficace pour faire basculer les comptes des régimes Agirc et Arrco dans le vert dès 2017, cette option n'a quasiment aucune chance d'emporter la faveur des syndicats de salariés. "Pas assez progressif pour les assurés ! Elle sera vraisemblablement écartée", assure Marc Darnault du cabinet Optimaretraite.
Le scénario le plus favorable : jusqu'à 10.226 euros de perte cumulée sur 5 ans selon nos profils types
C'est donc une solution un peu plus acceptable qui tient actuellement la corde sur la table des négociations. L'idée avancée par le Medef est d'adopter un abattement variable selon l'âge atteint par l'assuré. Concrètement, si vous liquidiez votre retraite à 62 ans, votre pension Arrco et Agric serait alors amputée de 10% jusqu'à 63 ans, puis de 8% jusqu'à 64 ans, puis de 6% jusqu'à 65 ans. Et ainsi de suite, jusqu'à votre 67ème anniversaire, l'âge du taux plein dans les régimes complémentaires, qui vous permet de toucher une pension à taux plein. Pour mesurer la perte engendrée par cette mesure, nous avons repris l'exemple de nos 3 cadres et considéré qu'ils partent tous à la retraite à 62 ans. Nous avons ensuite calculé quel serait l'impact sur leur pension à 62 ans, à 63 ans et ce, jusqu'à leurs 67 ans.
Exemple 1
Né le 28 juin 1959, Monsieur X est salarié non cadre avec un salaire brut mensuel de 3.000 euros. A fin 2014, il totalise 141 trimestres ainsi que 4.408 points Arrco.
S'il part à 62 ans, il ne perd que 614 euros de retraite la première année. Mais sur 5 ans, soit jusqu'à 67 ans, cela représente tout de même un manque-à-gagner de 1.658 euros soit près d'un mois de retraite perdu.
Exemple 2
Né le 20 mars 1959, Monsieur Y est salarié cadre avec un salaire brut mensuel de 6 000 €. A fin 2014 il totalise 143 trimestres ainsi que 5 350 points Arrco et 15 000 points Agirc.
S'il liquide sa retraite à 62 ans et si un tel abattement voit le jour, ce middle manager verrait 4.283 euros de pension s'envoler au total jusqu'à ses 67 ans. Rien que la première année de sa retraite, il perdrait 1.586 euros. Il pourrait donc alors s'asseoir sur 1 mois et demi pour lequel il aurait pourtant cotisé.
Exemple 3
Né le 8 septembre 1959, Monsieur Z est salarié cadre avec un salaire brut mensuel de 12 500 euros. A fin 2014 il totalise 141 trimestres ainsi que 5 555 points Arrco et 52 560 points Agirc.
C'est évidemment pour lui que les dégâts sont les plus importants. S'il part à 62 ans, il perdrait la première année 3.787 euros et 10.226 euros au total jusqu'à ses 67 ans. Soit tout de même plus de 2 mois de retraite!
Parmi tous les scénarios proposés par le Medef, ce système d'abattement selon l'âge atteint est donc le moins désavantageux pour les assurés, mais aussi le moins efficace pour renflouer rapidement les comptes des régimes complémentaires. Reste à savoir celui qui aura la faveur des partenaires sociaux. Réponse le 20 mars lors du deuxième round des négociations.
Sandrine Chauvin
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