Nicolas Sarkozy a donné mardi le coup d’envoi d’un vaste débat sur le système fiscal français, sans attendre le vote d’une réforme des retraites qui a mobilisé un nombre record de manifestants depuis le début du mouvement. Le chef de l’Etat a dit à des parlementaires UMP et centristes invités à déjeuner à l’Elysée qu’il envisageait une réforme de la fiscalité très contestée du patrimoine dès le printemps 2011, à la faveur d’une loi de finances rectificative. La coïncidence doit sans doute beaucoup au calendrier, à l’orée du débat budgétaire au Parlement. Mais elle ne peut être entièrement fortuite alors que la mobilisation contre la réforme des retraites jugée injuste par une majorité de Français mais dont Nicolas Sarkozy souhaite faire un « marqueur politique » de son quinquennat, s’est amplifiée mardi. Le secrétaire général de la CFDT François Chérèque n’est pas loin de voir dans le lancement de ce débat la conséquence d’un sentiment croissant d’injustice dans le pays. « Le gouvernement aborde le débat sur le bouclier fiscal parce qu’il est en train de se rendre compte qu’après cette réforme des retraites il va falloir qu’il lâche un peu de lest », a-t-il estimé lors d’une rencontre avec la presse étrangère. Le chef de l’Etat a longtemps refusé de toucher au « bouclier fiscal », mesure phare du début de son quinquennat, qui plafonne à 50% du revenu les impôts directs payés par un contribuable. Dénoncé dès le début par la gauche comme un « cadeau » aux plus fortunés, cette mesure est aujourd’hui contestée au sein de la majorité et a fini par devenir un boulet à 18 mois des élections présidentielle et législatives de 2012. « FAIRE UN SORT AU BOUCLIER FISCAL » Plus d’une centaine de députés UMP ont déposé un amendement au budget 2011 pour abroger le bouclier fiscal en contrepartie de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et d’une hausse du taux supérieur de l’impôt sur le revenu. Selon des participants au déjeuner de l’Elysée le président de la République a clairement dit qu’il ne laisserait pas passer cet amendement et s’opposait à toute compensation de la suppression de l’ISF par une hausse de l’impôt sur le revenu. Si réforme du patrimoine il y a, elle doit s’inscrire dans une remise à plat plus globale du système fiscal français et de la recherche d’une convergence avec l’Allemagne, a-t-il dit. Nicolas Sarkozy n’a pris aucune « option technique » mais ses intentions ne font aucun doute, estime le président centriste de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis. « Cela permet de faire un sort au bouclier fiscal, qui est une très mauvaise réponse à un très mauvais impôt, l’ISF, dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité du patrimoine », a-t-il dit à Reuters. « Pour moi, le processus est enclenché. » Selon le sénateur UMP Philippe Marini, rapporteur du Budget au Sénat, Nicolas Sarkozy a invoqué la nécessité de renforcer la compétitivité de la France « dans le respect de l’équité ». « Nous n’avons pas à rougir de ce qui a été fait en 2007 mais la crise (financière et économique de 2008-2009) a révélé des faiblesses de notre système », a ajouté le chef de l’Etat, cité par le même parlementaire. DÉTOURNEMENT D’ATTENTION ? Lancer le débat sur la fiscalité permet en outre au président de donner de la substance à la « nouvelle étape » qu’il veut ouvrir par un changement de gouvernement en novembre. « Je pense qu’il y a une volonté forte de l’exécutif de poser la question fiscale avant le rendez-vous de 2012″, souligne la député UMP Marie-Anne Montchamp, proche de l’ancien Premier ministre et rival du chef de l’Etat Dominique de Villepin. Pour François Chérèque, le changement de gouvernement annoncé n’est cependant qu’une tentative de détourner l’attention de l’opinion publique de la réforme des retraites, une fois celle-ci définitivement votée. « On zappe le Premier ministre, on zappe le gouvernement, on amène des gens neufs, donc on change de sujet », explique-t-il. Pour le patron de la CFDT, cela risque de compliquer le maintien du rapport des forces avec le gouvernement sur la question des retraites.
Yves Clarisse (Reuters)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire