jeudi 14 octobre 2010

NAGOYA et le protocole sur l'accès aux ressources génétiques




Nagoya : la France se veut optimiste Le 13 octobre 2010 par Sabine Casalonga
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Une législation sur le partage des avantages existe depuis 2006 en Guyane au sein du parc national amazonien
Fournisseur et utilisateur de ressources génétiques, la France a une place singulière en Europe. A l’instar de nombreux pays du Sud, elle défend l’adoption d’un cadre international pour le partage des avantages liés à leur usage : c’est l’enjeu principal de la conférence de Nagoya qui s’ouvre lundi 18 octobre au Japon. Tour d’horizon des enjeux, des points de blocage et des compromis proposés.

« Nagoya est le grand rendez-vous pour aboutir ou non à l’adoption du protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation (APA ou ABS en anglais) », explique Judith Jiguet, directrice de cabinet de la secrétaire d’Etat à l’écologie.

La 10 e conférence des Parties de laConvention sur la diversité biologique (CDB), qui se tient du 18 au 29 octobre à Nagoya, est la dernière échéance fixée pour la signature de ce protocole, en négociation depuis 2002. Ce texte a pour objectif de fixer un cadre international pour la mise en œuvre du partage équitable des bénéfices issus de l’usage des ressources génétiques, le troisième pilier de la CDB , entrée en vigueur en 1993 et ratifiée par 193 Etats, à l’exception notable des Etats-Unis [voir
le JDLE].

Son principal objectif est d’éviter la « biopiraterie ». Un célèbre exemple est celui du cactus « coupe-faim » Hoodia gordonii, utilisé par la communauté des Sans en Namibie, dont des échantillons ont été acquis par des entreprises privées, via des contrats avec une université d’Afrique du Sud, sans que les détenteurs du savoir traditionnel en perçoivent le moindre dividende. Le protocole prévoit qu’une compagnie souhaitant accéder à une ressource génétique (issue d’une plante, d’un animal ou d’un micro-organisme) devra obtenir un permis préalable délivré par l’Etat concerné, puis signer un contrat relatif au partage des avantages, financiers ou non. En cas d’infraction, les gouvernements seraient autorisés à engager des poursuites judiciaires et à sanctionner les coupables.

L’Australie, le Canada et laNouvelle-Zélande sont les principaux opposants au protocole. Aux antipodes, un groupe de pays africains plaide pour l’adoption d’un régime fort et rétroactif pour rembourser la dette historique liée à l’exploitation des ressources durant la colonisation. Regroupés au sein du G77, les pays du Sud réclament davantage de financements en faveur de la biodiversité : une multiplication par 10 selon la base actuelle des négociations. Le montant actuel de ces aides n’est toutefois pas bien connu. « Pour la France , elles ont été estimées à 2 % du montant total de l’aide pour le développement, soit environ 5,2 millions d’euros par an », précise Marc Fagot, de la Direction des affaires européennes et internationales au Meeddm.

La portée du futur régime est également débattue. Le G77 défend l’inclusion des ressources issues de la haute mer et de l’Antarctique, l’UE étant opposée à cette dernière option. Concernant les pathogènes (les virus notamment), l’UE défend leur inclusion mais souhaite qu’un accès immédiat aux ressources génétiques soit garanti en cas de situation d’urgence (type pandémie), tout en restant ouverte pour discuter en aval d’un partage des avantages.

« L’Union européenne, et derrière la France , seront en première ligne face aux demandes des pays du Sud, notamment en raison de l’absence des Etats-Unis à la table des négociations », avertit Judith Jiguet. Or la France occupe une place singulière en Europe, à la fois fournisseur (en raison de son large domaine maritime et de ses territoires d’outre-Mer) et utilisateur de ressources. Elle reçoit ainsi une dizaine de demandes de bioprospection chaque année, traitées au cas pas cas. Des législations de type APA existent depuis quelques années, en Guyane au sein du parc national amazonien, et dans la province sud de Nouvelle Calédonie mais avec des difficultés de mise en œuvre.

Concernant la rétroactivité, l’un des points durs de la négociation, la France accepterait une solution de compromis visant à prendre en compte la période « grise », de 1993 - date de l’entrée en vigueur de la CDB - à 2001. Les financements correspondants pourraient alimenter un Fonds mondial pour le partage des avantages abondé par les Etats et le secteur privé. La demande de création de cet outil a été soumise, fin septembre, par les pays africains, et la France soutient cette proposition. « Nous avons besoin de financements innovants et de mobiliser le secteur privé », explique Marc Fagot. La secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, fera part de cette proposition à ces homologues européens, lors du Conseil Environnement, jeudi 14 octobre.

La question des droits des communautés autochtones et locales, ainsi que la divulgation de l’origine des ressources dans les brevets, sont deux autres points d’achoppement importants, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’opposant à une remise en cause des droits de la propriété intellectuelle.

Des consensus ont en revanche émergé entre l’UE et le G77. Les produits manufacturés (médicaments, shampoings) pourraient ainsi être exclus du champ du protocole, qui continuerait à s’appliquer aux extraits naturels de plantes. Les porteurs de projets de recherche non commerciale devraient en outre bénéficier d’un accès facilité aux ressources.

Une session de négociation pré-Nagoya se tiendra du 13 au 15 octobre, suivie d’une session plus formelle samedi 16 octobre, une date-clé pour la finalisation du protocole. Globalement, la délégation française se veut optimiste sur l’aboutissement du texte, même si sa rédaction reste assez ouverte. « Chantal Jouanno a reçu des signes positifs lors de ses rencontres bilatérales, avec le Canada notamment », précise sa directrice de cabinet.

L’adoption d’un protocole additionnel au protocole de Carthagène (en vigueur depuis 2003 et ratifié par 160 Etats) sur la prévention des risques biotechnologiques — relatif aux OGM — serait en revanche en bonne voie et marquerait une avancée pour les pays africains qui, contrairement aux pays de l’UE, ne disposent pas de législation sur la responsabilité environnementale
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