vendredi 29 octobre 2010

Petition retraites et RTM : le triste hit-parade des quartiers marseillais où l'on fraude

Une véritable réforme des retraites exige dialogue et esprit de justice, déclare le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, aux côtés de personnalités de la société civile, sociologues, économistes et chercheurs.
Nos systèmes de retraite par répartition sont confrontés aux défis du vieillissement de la population comme aux conséquences d’une situation de l’emploi dramatique, lestée par les effets de la récente crise financière. Leur équilibre financier doit rester une préoccupation majeure des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux si nous ne voulons pas ouvrir un boulevard à la retraite par capitalisation.

Pour autant, le projet de réforme des retraites proposé dans l’urgence par le gouvernement pour répondre aux exigences de la notation financière et crédibiliser la signature de la France sur le marché de la dette publique, ne garantit pas, à long terme, la pérennité de notre système par répartition. Bien au contraire, il aggrave les injustices. Sa mesure phare, le relèvement de l’âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans, accroît les inégalités et restreint les possibilités de choix des salariés sur qui repose l’essentiel des efforts consentis.

Ce sont les salariés aux carrières incomplètes qui vont le plus pâtir de la réforme en voyant leur âge de départ à taux plein reculer de 65 à 67 ans à partir de 2016. Ce sont surtout les femmes qui seront concernées et il ne fait aucun doute que le nombre de femmes pauvres va augmenter alors qu’elles forment déjà les gros bataillons des retraités les plus défavorisés.

Dans un pays où, depuis plusieurs décennies, les jeunes servent souvent de « variable d’ajustement » comme en témoigne la précarisation et l’appauvrissement d’une grande partie de la jeunesse, la réforme proposée ne rééquilibre pas non plus les rapports entre les générations, ne prévoyant pas de financement au-delà de 2020.

De leur côté, les salariés ayant commencé à travailler jeunes, souvent les moins diplômés et les moins bien payés, occupant les emplois les plus pénibles, devront cotiser plus longtemps sans voir pour autant leur pension s’améliorer. Désormais, ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 18 ans devront cotiser 43 ou 44 ans. Or, chaque année, près de 100 000 jeunes commencent à travailler à 18 ans ou moins.

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L’efficacité financière de la réforme proposée est aussi en question. Après 2018, les déficits continueront de se creuser, alors que les ressources du Fond de Réserve des Retraites destiné à faire face, à partir de 2020, à l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, auront été mal utilisées. Pour préparer l’avenir, ce fond aurait dû, au contraire, voir ses ressources augmentées plutôt que dépensées avant terme.

Quant à la question de l’emploi des seniors qui conditionne pourtant en grande partie le financement des retraites, les mesures avancées ignorent les questions fondamentales des conditions de travail et des aménagements de fin de carrière. Avec le relèvement de l’âge de départ à 62 ans, les seniors qui se trouvent déjà majoritairement hors de l’emploi devront rester au chômage, au RSA, en maladie ou en invalidité plus longtemps, avec des allocations bien souvent plus faibles que leurs droits à la retraite. Plutôt que de réduire la dette publique, on nous propose un jeu de passe-passe entre comptes sociaux.

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L’avenir de notre système de retraites nous invite à engager une réforme globale afin de corriger les inégalités, développer les possibilités de choix individuels et pérenniser le système par répartition.

Une telle réforme passe par la convergence de tous nos systèmes de base, aujourd’hui éclatés en plus de 30 régimes différents aux règles illisibles pour nos citoyens. Alors que 40% des nouveaux retraités ont cotisé dans au moins deux régimes différents de base, la complexité actuelle mine leur confiance dans le système car elle facilite la remise en cause des droits de retraite acquis et entrave l’effort de solidarité envers ceux qui en ont le plus besoin.

La pension de retraite est partie intégrante du contrat salarial, elle est aussi un revenu de citoyenneté. Aussi, notre système de retraites doit évoluer en distinguant nettement son volet contributif, financé par des cotisations salariales, de son volet solidaire, financé par une fiscalité qui doit être plus progressive, en mettant davantage à contribution les revenus du capital et les hauts revenus.

Le nouveau système devra prendre en compte l’augmentation progressive de l’espérance de vie, à la fois par l’augmentation de la durée de cotisation et si nécessaire, des taux de cotisation. Mais, si nous vivons plus longtemps en meilleure santé, et si nous devons travailler plus longtemps pour sauver nos retraites, c’est le principe de la retraite au choix (à la carte) qui devrait prévaloir.

Cette évolution de fond permettrait, non seulement d’enregistrer les droits de retraite acquis, mais aussi de faciliter les départs progressifs ou permettre d’effectuer des pauses tout le long du parcours professionnel. Une telle clarification permettrait aux salariés de disposer d’une véritable liberté de choix, fondée sur une bonne connaissance de leurs droits, dans un cadre collectif protecteur.

Car seule la protection de la collectivité permet les véritables choix. En prenant en compte l’ensemble de la carrière des salariés, le nouveau système se doit de supprimer la pénalisation dont sont aujourd’hui victimes les salariés aux carrières longues et aux faibles progressions salariales. La solidarité nationale pourrait être mise à contribution pour mieux intégrer dans le calcul de retraite les périodes de congé maternité, de chômage ou de formation.

En outre, une véritable réforme des retraites ne peut se concevoir isolément d’une vigoureuse politique de l’emploi qui permette le maintien des seniors comme l’accès des femmes et des plus jeunes à des emplois stables. Enfin, l’amélioration de la retraite des femmes passe par des progrès en matière d’égalité salariale et professionnelle, une politique familiale véritablement favorable à l’emploi des femmes et qui encourage un partage équitable du travail domestique entre homme et femme. Il faut, à la fois, développer massivement les modes de garde de jeunes enfants et prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher une gestion de la main d’œuvre qui pénalise les femmes trop souvent contraintes d’interrompre leur carrière pour s’occuper de leurs enfants ou de leurs parents.

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Le droit à la retraite est un droit fondamental et notre système de retraite, fondé sur la solidarité entre les générations, un élément constitutif de notre pacte social. Son évolution doit se construire par le dialogue et la recherche de consensus, mais surtout dans un esprit de justice. Une telle réforme globale de notre système de retraite implique une sérieuse préparation et un large débat avant de la soumettre aux Français lors d’une prochaine échéance nationale. C’est seulement ainsi que l’on pourra restaurer la confiance de toutes les générations dans l’avenir de notre système solidaire par répartition.


Premiers signataires :

Michel AGLIETTA (Economiste)
Claude ALPHANDERY (Le labo d’économie sociale et solidaire)
Antoine BOZIO (Economiste / University College de Londres)
François CHEREQUE (Secrétaire général CFDT)
Julia CAGÉ (économiste / Université de Harvard)
Denis CLERC (économiste)
Christophe DELTOMBE (Président Emmaüs France)
Michel DREYFUS (Historien/CNRS)
François DUBET (Sociologue)
Marie-Thérèse LANQUETIN (Juriste)
Jacqueline LAUFER (Sociologue)
François LEGENDRE (Economiste)
Eric MAURIN (Economiste)
Olivier MONGIN (Directeur Revue Esprit)
Marc-Olivier PADIS (Rédacteur-en-chef Revue Esprit)
Bruno PALIER (Politiste/CNRS-Sciences Po)
Hélène PERIVIER (Economiste)
Thomas PIKETTY (Economiste / Ecole d’économie de Paris)
François SOULAGE (Président du Secours catholique)
Alain TOURAINE (Sociologue)
Michel WIEVIORKA (Sociologue)

Cette tribune, parue dans Le Monde du 9 septembre 2010 a été signée par des intellectuels, des personnalités issues du monde académique et de la société civile, ainsi que le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque. Elle sera enrichie, dans les jours qui viennent, par d'autres signatures.

Contact : Anousheh Karvar

Nouveaux signataires :

Jean-Loup AMSELLE (anthropologue), Jean-Claude BARBIER (sociologue), Jacques BASS (économiste), Fabienne BERTON (économiste), Antoine BEVORT (sociologue), Loïc BLONDIAUX (politiste), Pierre BOISARD (sociologue), Jean-Yves BOULIN (sociologue), Vincent CARADEC (sociologue), Robert CASTEL (sociologue), Gilbert CETTE (économiste), Emmanuel COMBET (économiste), David COURPASSON (sociologue), Isabelle COUTANT (sociologue), Amy DAHAN (historienne et sociologue des sciences), Nicolas DELALANDE (historien), Vincent DESCOMBES (philosophe), Brigitte DORMONT (économiste), Olivier DUHAMEL (politiste), Michèle DUPRÉ (sociologue), Alain EHRENBERG (sociologue), Marc FLEURBAEY (économiste), Bernard FORGUES (enseignant-chercheur en management), Bernard GAZIER (économiste), Charles GADÉA (sociologue), Jérôme GAUTIÉ (économiste), Serge GUÉRIN (sociologue), Cécile GUILLAUME (sociologue), Françoise HÉRITIER (anthropologue, Professeur honoraire au Collège de France), Jean-Philippe HEURTIN (politiste), Jean-Charles HOURCADE (économiste), Annette JOBERT (sociologue), Francis KESSLER (juriste), Hugues LAGRANGE (sociologue), Michel LALLEMENT (sociologue), Patrick LE GALÈS (politiste), Yannick L'HORTY (économiste), Frédérique MATONTI (politiste), Nonna MAYER (politiste), Pap N'DIAYE (historien), Camille PEUGNY (sociologue), Thomas PHILIPPON (économiste), Myriam REVAULT d’ALLONNES (philosophe), Philippe RIOT (professeur de stratégie), Corinne ROSTAING (sociologue), Emmanuel SAEZ (économiste), Emmanuelle SANTELLI (sociologue), Frédéric SAWICKI (politiste), Estelle SOMMEILLER (économiste), Christian du TERTRE (économiste), Luc THIÉBAUT (économiste), Christian THUDEROZ (sociologue), Jean VIARD (sociologue), Georges VIGARELLO (historien), Philippe WARIN (politiste),Henri-Jacques STIKER (anthropologue), Marie-Odile METRAL (psychanalyste).



























RTM : le triste hit-parade des quartiers marseillais où l'on fraude
61 contributions Publié le vendredi 29 octobre 2010 à 16H03

Le secteur d'Arenc est le plus touché. Et le fléau affecte surtout les bus


Les pertes de la RTM dues à la fraude sont estimées à au moins 18 M€ par an. Avec 33% de fraude dans le bus, 25% dans le tram et 9% dans le métro.

Photo Edouard Coulot


Il paraît que la grève des éboueurs a coûté de l'argent à MPM : autour de 500 000€ (pour l'instant). Mais ce n'est qu'une goutte d'eau par rapport à l'océan de pertes enregistrées par la RTM -- et donc par MPM -- dues à la fraude : entre 18 M€ et 20 M€ par an. Une étude confiée à BVA avait révélé les chiffres globaux : 33% de fraude dans le bus, 25% dans le tram et 9% dans le métro, soit une moyenne de 23% en 2009 contre 18% en 2007. Mais La Provence a pu se procurer le détail de l'étude pour savoir qui sont les "mauvais élèves" ou, plutôt, les mauvais secteurs sur un plan géographique.

Cette enquête, dont une nouvelle version sera lancée début novembre, permet certes de mesurer l'ampleur de la fraude, mais aussi d'"adapter les dispositifs de contrôle" explique la RTM, de mieux connaître le public se passant de billet pour lancer, en conséquence, diverses initiatives vers les usagers en difficulté ou les plus jeunes. Rayon bus, le champion de la fraude est incontestablement le secteur Arenc. À l'intérieur, Bougainville affiche 51% de fraude. Et, à quatre kilomètres de là, au Lycée Nord, le taux atteint un pic hallucinant : 74% ! Autrement dit, on n'est pas loin de penser que les 25, 27 et 70, qui desservent cet établissement, sont les bus gratuits de Marseille, du moins au niveau du lycée Nord.

On comprend désormais pourquoi la Régie a intensifié les contrôles, adressant près de 15 000 PV sur un seul mois, ou a lancé l'opération "pact'ado" pour inciter les plus jeunes à acheter un billet. Dans le même temps, une équipe de médiateurs a été mise en place et un "Monsieur Prévention" a même été nommé pour faire le lien avec les centres sociaux. La RTM veut ainsi enrayer le fléau et renforcer ses relations avec ses usagers issus des milieux défavorisés. Mais, manifestement, elle a du pain sur la planche. Au nord de la ville surtout même si au sud, le taux de fraude est à peine plus réjouissant : 29% au rond-point du Prado.

Petit détail intéressant : la fraude est due essentiellement à l'absence de titre de transport. Mais il existe bel et bien des fraudeurs qui ont un ticket et ne le valident pas. Dans le métro, la situation est moins dramatique avec un taux global de fraude de 9% (+3% par rapport à 2007). Il faut dire que passer sans payer est plus difficile. Et la vie du fraudeur va se compliquer avec l'installation progressive de portiques qui remplaceront les vulgaires tourniquets avec lesquels on prend tellement de plaisir à jouer à saute-mouton.

Dans le métro aussi, le bonnet d'âne revient au secteur nord même si c'est à la station Clary (ligne 2) qu'on paye le moins avec 20% de fraude. Le tramway enfin. Avec environ 50 000 usagers/jour, soit 10% du trafic RTM global, il est le mode de transport qui rapporte le moins. Mais il pourrait rapporter beaucoup plus car le taux de fraude y est là de 25%. Détail cocasse, comme le souligne l'étude BVA : "Les taux de fraude des deux lignes ont des trajectoires opposées : celui de la ligne 1, Noailles-Caillols, diminue de 6,3% et celui de la ligne 2, Euromed-Blancarde, augmente de 6,5%." La fraude frappe donc de plein fouet cet outil de transport récent, dont on dit qu'il a du mal à décoller. Mais c'est vrai que si les fraudeurs mettaient la main à la poche, le nombre d'usagers serait bien plus élevé.

De plus en plus de femmes

Pas de doute, ce sont les hommes qui fraudent le plus mais les femmes commencent à se prendre "au jeu" avec une augmentation de 5% entre 2007 et 2009 alors que chez les hommes, elle est d'un peu plus de 2%. Dans un autre registre, ce sont les jeunes qui fraudent le plus avec 48% chez les moins de 18 ans et quand même 27% chez les 18-24 ans. Chez les collégiens-lycéens le taux grimpe jusqu'à... 50%.

Les dix arrêts de bus les plus concernés

1. Lycée Saint-Exupéry : 74% (2457)
2. Saint-Antoine : 67% (1386)
3. Sainte-Marthe Le Camp : 55% (1060)
4. Centre commercial du Merlan : 55% (969)
5. National Loubon : 49% (943)
6. Métro Colbert : 36% (732)
7. Métro Bougainville : 33% (5351)
8. Métro Malpassé : 32% (1226)
9. Réformés Canebière : 31% (815)
10. Saint-Victor : 30% (509)
* Entre parenthèses, le nombre de fraudeurs en 2009.

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