lundi 4 octobre 2010

Jean-Noël Guérini fait un pas vers une gestion publique de l’eau à Marseille.


Jean-Noël Guérini fait un pas vers une gestion publique de l’eau à Marseille
Par Julien VINZENT le 2 octobre 2010
Les murs du siège de la Société des Eaux de Marseille, ( la Sem) à qui la ville a confié son eau depuis 50 ans, ont dû en trembler. Au milieu de son discours d’investiture, le tout nouveau premier secrétaire de la fédération PS des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini, et ex salarié de Véolia, époque Générale des Eaux, l’actionnaire de la SEM, a lâché une bombe : « A nous de conduire le sursaut face à cette logique qui voudrait que les biens collectifs – l’air, l’eau, la biodiversité, les paysages – soient transformés en marchandises comme les autres. La vie n’est pas à vendre. Le PS doit se saisir de la question de l’eau, avec ses partenaires de gauche ».
Rappelant que « ce sont des socialistes qui ont créé le canal de Provence« , il appelle à « méditer cette leçon pour lancer et porter le débat auprès des citoyens qui ne veulent pas être des porteurs d’eau de sociétés qui n’ont que des courbes de rentabilité en tête. Notre fédération, je m’y engage devant vous, va lancer ce vaste débat sur l’eau, sur sa gestion, sa propriété« .
Europe Ecologie surpris mais prudent
De quoi susciter l’étonnement de Sylvie Nespoulous (Europe Ecologie), membre de la commission AGER qui planche sur cette question à la communauté urbaine de Marseille dans l’optique de la fin du contrat de délégation du service public d’assainissement (2012) et de distribution (2013). « C’est quand même une bonne nouvelle ça ! C’est vrai qu’il y a eu une mobilisation en septembre et que nous n’avons pas lâché le morceau au conseil (hier, ndlr). On va voir sous quelle forme cela prendra et comment cela va s’appliquer au sein de la CUM. Jusqu’à présent nous avions plutôt l’impression que le président de Marseille Provence Métropole (MPM) Eugène Caselli cherchait plutôt à éviter le sujet. Mais il peut y avoir des prises de conscience« , commente-t-elle.
Une allusion aux
difficultés des élus Europe Ecologie et Front de Gauche de MPM pour obtenir des documents sur la gestion de la SEM. Eugène Caselli, qu’on a vu participer à une « dégustation d’eau » sur le stand de la SEM à la foire de Marseille. Et qui déclarait en avril dans La Provence que si « toutes les hypothèses sont sur la table (…) l’option régie serait très complexe à mettre en oeuvre notamment sur les transferts de savoir-faire ».
Jean-Noël Guérini nous a cependant assuré que son prédécesseur à la tête de la fédération partage sa position. « Le contrat arrive à expiration et je souhaite qu’il y ait un vrai débat politique de fond pour savoir si l’eau doit être la propriété du privé« , poursuit-il. « Nous défendons le service public, c’est ce que la Région essaye de faire lorsque nous soutenons l’organisation d’un forum alternatif (au Forum mondial de l’eau de 2012, ndlr) pour que l’eau ne soit pas une affaire d’argent« , approuve Michel Vauzelle, président du conseil régional. Il faut croire que
le côté humaniste de Loïc Fauchon(*) , président de la SEM et du conseil mondial de l’eau, ne suffit plus…
(*) Loïc Fauchon, Empereur des Eaux de Marseille : l’humaniste incompris ?
Par
Julien VINZENT le 17 juin 2010

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«Je tiens à insister sur ce qui est la base de tous vos engagements : l’humanisme profond qui vous anime». Mercredi soir à l’Alcazar, Claude Valette, adjoint au maire chargé de l’urbanisme, ne tarissait pas d’éloges sur Loïc Fauchon, invité à donner une conférence sur le thème de l’eau. A sa suite, le directeur de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, organisatrice de l’événement, se prenait même à philosopher : «Dans la tradition bouddhiste, on dit que les chats ont plusieurs vies. Quand je vois le CV de Loïc Fauchon, je me dis qu’il doit être un chat pour passer de la fonction publique à la tête d’une très grande entreprise privée, avec en même temps un engagement humanitaire et des responsabilités internationales»
Pas le monopole du coeur
Pour rappel : Loïc Fauchon c’est l’ancien maire de Trets, ancien bras droit de Gaston Deferre et de Robert Vigouroux, le fondateur de l’association Trans-Sahara, le président de la Société des Eaux de Marseille (Sem), le président du Conseil Mondial de l’Eau (CME) et à ce dernier titre l’organisateur du fameux Forum mondial de l’eau (FME) que Marseille accueillera en 2012. Ouf. Avant d’expliquer pourquoi « le temps de l’eau facile est révolu », Loïc Fauchon n’a pas esquivé cette cinglante question sur l’étanchéité entre toutes ses vies. « L’humanisme dont vous parlez et qu’il faut revendiquer sans complexe est permis par un parcours varié. Je suis toujours étonné de l’acharnement qu’ont certains à opposer le public et le privé. Nul n’a l’apanage du service au public.» Mais s’il a sorti l’artillerie d’un débat d’élections présidentielles (merci Valéry Giscard d’Estaing), c’est aussi parce qu’il «a eu les oreilles qui sifflent lundi lors d’une réunion dans une salle du centre-ville».
Noyé sous les critiques
Loïc Fauchon serait-il troublé par une obscure réunion de militants altermondialistes ? Un peu plus que ça : c’est la secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot qui était venue expliquer au Théâtre Mazenod que le CME « est une escroquerie. Ce que l’on fait passer pour un forum de l’eau est un grand marché où l’on essaie de contaminer le reste de la planète avec notre soi-disant génie français. C’est comme si les dirigeants de Nestlé organisaient un forum sur la faim dans le monde ! En faisant en plus payer les collectivités locales.» Bouillant. D’autant plus que Patrick Mennucci, vice-président du Conseil régional, s’est invité à l’improviste rue d’Aubagne pour venir privilégier un soutien financier de la région à l’organisation d’un forum alternatif au lieu du FME, pour lequel elle est priée de débourser 2 millions d’euros. Ne manquerait plus que Jean-Claude Gaudin ne trouve pas les 4 millions d’euros demandés à la Ville…
Peut-être est-ce d’ailleurs son Scud qui a sifflé aux oreilles du PDG de la Sem : «depuis 40 ans, on nous explique que s’il n’y avait pas la Sem on boirait dans les rigoles. Alors qu’on sait depuis que depuis toutes ces années on a surtout fait remonter les bénéfices et les cours de Bourse des sociétés propriétaires» (comprenez la Générale des Eaux, la Lyonnaise des Eaux et leurs descendantes successives)
Fauchon en militant altermondialiste
Pas de doute : pour Loïc Fauchon, le temps de l’eau facile est révolu. Lui, qui se considère pourtant «plus comme un militant associatif qu’un président d’entreprise privée» et qui considére Danielle Mitterrand (l’une de ses plus ferventes adversaires sur la question de l’eau) comme «sa marraine».
Un représentant d’Attac s’étonne dans le public de ne pas le voir faire le pas entre la dénonciation de notre mode de vie «hydrovore» et le changement de notre modèle économique ? «Bien sûr que l’on passe facilement» de l’un à l’autre, assure-t-il, «mais ce n’est pas le rôle du président du CME» de le dire. Un peu plus et il se prononçait pour la décroissance «qui est une idée intellectuellement très brillante».
Il rappelle d’ailleurs qu’il est «un des plus vieux actionnaires du Monde Diplomatique» et qu’il «lis ce qu’écris Attac sur l’eau, pas toujours avec sympathie, mais il y a beaucoup de choses que je partage.» Etre accusé d’être le lobbyiste en chef des multinationales de l’eau dans les pays du Sud, y’a plus de justice…
Les pieds dans les poubelles
Il est donc temps de doucher les critiques de Cécile Duflot et Patrick Mennucci. « A l’échelle de la planète, ce débat franco-français sur le public et privé est complètement déplacé. Quand vous amenez l’eau en Afrique Subsaharienne, ils ne vous demandent pas si vous êtes une association ou une entreprise, on nous dit merci », lance-t-il. Mais les faits sont coriaces : « 90% de l’eau dans le monde est confiée au public », décochait Cécile Duflot deux jours plus tôt.
Revenons à notre bonne vieille ville alors. « Regardez ce qui s’est passé mardi : avec un comportement complètement irresponsables certains (le syndicat FO, ndlr) se sont permis d’empêcher les Marseillais de circuler, de se soigner… Nous n’avons pas eu un seul jour de grève à la SEM, vous imaginez si on coupait l’eau ? Si c’est ça le débat public privé je l’attend la tête haute.» Mais, Bronzo, artisan d’une grève des poubelles dantesque il y a quelques mois n’est-elle pas une filiale du groupe Eaux de Marseille ?
Bon, Loïc Fauchon ne peut pas tout régler… Mais espérer par-dessus le marché « que les éboueurs ne fassent pas grève pendant le FME », n’est-ce pas un peu se prendre les pieds dans les poubelles ? On verra ce qu’en dit Eugène Caselli, président de MPM, qui a sur son bureau une demande d’audit pour alimenter le débat sur la fin de contrat en 2013 de la SEM.


Eau : des élus en manque de transparence à Marseille
Par Julien VINZENT le 24 septembre 2010


Elus et associations porteurs d'eau de Danielle Mitterand.

Une ancienne première dame, un totem en forme de bouteille signé Philippe Starck, un slogan simple « l’eau bien commun de l’humanité » et la sortie mondiale du film Water Makes Money consacré au sujet… Pour les élus à la communauté urbaine de Marseille, au conseil régional et les associations qui militent pour un retour à une maîtrise publique de l’eau, la présence de Danielle Mitterrand hier a semblé avoir un effet galvanisateur.

« Il y a enfin un débat »

La présidente de l’association France Libertés a d’emblée clarifié les choses : « ce n’est pas la peine d’aller au Forum mondial de l’eau« , qui se tiendra en mars 2012 à Marseille. « Ils écoutent, mais ils n’entendent pas. Ils n’ont qu’une seule idée: faire de l’argent. » « Ils », ce sont les entreprises privées du secteur de l’eau, et notamment la Société des Eaux de Marseille (SEM), dont le patron Loïc Fauchon préside également le Conseil mondial de l’eau, institution hybride qui organise le FME. A la place, une coordination « Eau bien commun » a été mise sur pied début septembre pour organiser un forum alternatif, quelques jours avant.

Et pour tenter d’ici là de rassembler le plus possible autour de cette bataille d’eau. « Le combat n’est pas évident à Marseille. Aujourd’hui, l’ensemble des forces de gauche ne vote pas pour la gestion publique« , reconnaît Pierre Semeriva, conseiller Europe Ecologie à la communauté urbaine. Autrement dit, on retrouvait hier plutôt des convaincus : Europe Ecologie, le Front de Gauche et le Modem. « Mais il y a enfin débat alors qu’on était rentrés dans une routine à force de signer des délégations de service public » (DSP), ajoute-t-il.

Une eau peu transparente

Une bataille qui aura lieu en grande partie au Pharo d’ici l’échéance des contrats (2012 pour l’assainissement et 2013 pour la distribution). Cette semaine, la commission AGER de la communauté urbaine, chargée de se pencher sur la question, a été suspendue. Les élus Europe Ecologie ont en effet refusé d’examiner les rapports « faute d’avoir obtenu les documents qu’ils ont demandés à plusieurs reprises auprès de la Direction Générale des Services -en particulier, les rapports de contrôle des DSP eau et assainissement de MPM et le contrat de la DSP liant MPM à la Société des Eaux de Marseille. »

Sylvie Nespoulous, qui siège au sein de cette commission, dénonce le manque de contrôle de la collectivité dans ce domaine et assure que « cela peut aller très loin. On pourra refuser de voter en séance plénière car nous n’avons pas eu les éléments nécessaires. » D’ici là, elle va déposer des recours en rappelant « le droit des élus à accéder aux documents administratifs« . Même si le retour à une gestion publique « peut être très compliqué, on se battra pour avoir au moins un débat réel en toute transparence« , appuie Jean-Luc Bennahmias, conseiller communautaire Modem.

Appel au peuple

Le chemin sera long. En juillet, la commission s’est vue présenter une étude commandée par MPM concluant que le prix de l’eau est élevé, mais surtout « que la pluralité des contrats rend la gestion complètement opaques« , indique Jacqueline Durando, conseillère communautaire MRC. « Ce qui m’a paru le plus significatif, c’est qu’on explique qu’il y a deux possibilités : ou le prix de l’eau est élevé mais le risque est faible pour l’élu, ou alors le prix de l’eau est plus bas, mais là, il prend des risques. On fait peur aux élus, s’indigne Josiane Teissier, membre d’Attac Marseille et du collectif Eau bien commun. Cela pose la question des expertises et de leur qualité car le rapport n’est pas censé être là pour faire de l’idéologie. »

Comment faire pencher la balance ? « J’ai remunicipalisé l’eau dans ma commune, mais j’en ai passé des nuits à ne pas dormir avec la boule au ventre. Il n’y a que le peuple qui pourra faire bouger les choses. Il faut que vous preniez la main et les élus suivront« , lançait l’ancien maire de Varages (Var) Michel Partage aux spectateurs de Water Makes Money, projeté hier aux Variétés.

Un film qui permettra aux néophytes de saisir la plupart des enjeux, et aux autres de découvrir des perles comme ce rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) de Provence-Alpes-Côte d’Azur consacré à Fréjus Saint-Raphael, où l’eau est confiée à la CMESE, une des nombreuses filiales de Véolia, dont on vous épargne le sigle : il considère que « ne sauraient rentrer dans les comptes des délégations de services publics (c’est-à-dire sur la facture des usagers, ndlr), toutes les dépenses nombreuses et variées telles que les dépenses de sponsoring, des voyages au Vietnam, une soirée étape à Mougins offerte à un cadre de l’agence de l’eau et dont le coût s’est élevé à 4 140 F ; une participation à hauteur de 10 000 F à une campagne électorale en 1994 (cantonales) ; des voyages à Malte et en Sardaigne payées à un « négociateur » sans contrat pour un montant de 170 000 F ; un séjour au club St-James à Paris pour un élu du Var-est pour un montant de 5 120 F ; des honoraires payés à un avocat des Alpes-Maritimes sans qu’aucune justification n’ait pu être produite pour un montant de 270 000 F ; deux factures d’un cabinet d’audit faisant actuellement l’objet d’une procédure judiciaire et pour un montant de 1 362 929 F ; un voyage et séjour à Cardiff pour 4 personnes dont deux au profit d’un cadre d’une collectivité territoriale du Var-Est et pour un montant de 32 080 F. Une mission à l’initiative de la CMESE et confiée à un cabinet d’audit varois pour un montant de 600 000 F HT qui concernerait le SEVE (Syndicat de l’eau de l’Est Varois, ndlr) qui n’en a pas été informé. Indéniablement, la CMESE a eu abusivement tendance à imputer sur le compte de charges du service, des dépenses de relations publiques, voire d’approches personnelles. C’est ce qui s’appelle un croustillant inventaire à la Prévert ! Aux dernières nouvelles, Véolia est toujours aux manettes à Fréjus… L’occasion également pour les courageux de se replonger dans le rapport de 2000 de la CRC consacré à la gestion de l’eau à Marseille.
http://www.ccomptes.fr/fr/CRC22/documents/ROD/PAL200016.pdf

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