Grève dans la FPT : entre colère et inquiétude, le mouvement s’ancre
V. Fauvel 14/10/2010 Publié dans : A la une - France
© G. Garvanèse
15,40%, 15,75% puis 16,12% le 12 octobre 2010 : loin de s'essouffler le mouvement de protestation contre la réforme des retraites, au sein de la FPT, s'ancre dans le temps. Les syndicats affichent leur détermination à se faire entendre tout en relayant colère et inquiétudes des agents.
« Nous sommes souvent en désaccord avec les chiffres émis par le ministère de la Fonction publique mais cette fois, nous partageons un constat : le taux de grévistes augmente dans la FPT », se félicite Baptiste Talbot, secrétaire national de la fédération CGT services publics. « On sent une grande détermination de la part des agents », ajoute le représentant de la principale force syndicale dans la FPT. « On veut une amplification de l’action ; le 12 octobre, n’était pas un baroud d’honneur », avertit-il.
Un climat d’incertitude très lourd
« Mes collègues sont écartelés et assez inquiets », confie la déléguée fédérale pour la FPT de la CFE-CFC, Agnès Leura. Ce sont les personnels d’encadrement qui « sont de plus en plus sous pression », ajoute-t-elle. « Dans ce contexte déjà difficile, lié aussi à la crise, la réforme des retraites vient créer une nouvelle épée de Damoclès », explique la syndicaliste qui ressent un « un climat d’incertitude, très lourd par rapport à la date du départ en retraite ».
« Nous sentons les adhérents très remontés », note pour sa part Gilles Debiais, président de la fédération CFTC-Fnact qui recense « beaucoup de retour d’agents qui trouvent la confédération (CFTC, NDLR) trop molle ». « Nous sommes accusés de nous « cégétiser ». Nous sommes, il est vrai de plus en plus en marge de notre confédération », reconnait-il , au point même de pouvoir évoquer de prochains rapprochements avec l’Unsa.
Cohorte d’appels inquiets
« La mesure des 15 années de cotisation pour les mères de trois enfants m’a valu un cohorte d’appels de militants et de collègues, inquiets », a constaté de son côté le secrétaire national de l’interco FP CFDT qui craint que, dans ce contexte, « ils ne précipitent leurs départs ».
« Les territoriaux sont et restent fortement mobilisés », analyse pour sa part la secrétaire nationale de l’Unsa territoriale, Syvlie Weissler. Chez nous, certaines grandes collectivités comme Ostwald et Schiltigheim, en Alsace, ont même dû fermer les portes de services entiers », rapporte la secrétaire nationale. « C’est du jamais vu ! »
Pour Didier Rosez de FO, « le climat pourrait rapidement devenir explosif », avec l’entrée en scène des lycéens. « Les lycéens sont aussi en capacité de projection et de réflexion. C’est mesquin de la part du ministre de dire que c’est irresponsable de la part des organisations syndicales d’appeler les structures syndicales de lycéens. A un ou 18 ans, on est tout à fait capable de projection et de réflexion », considère le représentant de Force ouvrière.
Continuer à faire pression
Avant le 4e round le 16 octobre – après les trois grandes journées d’action des 7, 23 septembre et 12 octobre – les forces syndicales de la FPT affichent toutes une grande détermination à poursuivre le mouvement et faire entendre leurs doléances.
« Nous rappelons les parlementaires à leur devoir d’écoute de leur concitoyen », somme Agnès Leura, déléguée fédérale pour la FPT de confédération CFE-CGC. »Il faut continuer à faire pression. Nous appelons à participer au nouveau mouvement du samedi 16 octobre », lance-elle. « Il ne s’agit pas de demander le retrait de la réforme mais d’obtenir qu’un certain nombre de doléances comme le bouclier retraite minimum ou la prise en compte des années d’études soient entendues », rappelle-t-elle.
Les consignes de l »intersyndicale fonction publique de la CFDT vont dans le même sens. « La ligne consiste à décider au coup par coup des nouvelles modalités d’action. Aujourd’hui nous avons le 16 octobre en ligne de mire, après on verra », balise Jean-Claude Lenay, secrétaire national de l’interco CFDT. « Nous attendons d’avoir une clause de revoyure sur les conditions d’un départ à la retraite des femmes. On sait bien que dans la FPT, il y a beaucoup de personnels féminins. Certains sont précaires, ont des carrières incomplètes et vont être visés par le changement de taquet des 65 au 67 ans. Pour nous, c’est inenvisageable », explique t-il.
Le mouvement est plus radical du côté de la Fnact CFTC : le but recherché est de durcir le mouvement. Le mot d’ordre est : » grève perlée pour désorganiser les services ». « On a bien conscience que les grèves sont parfois impopulaires mais celle-ci… c’est différent », estime Gilles Debiais, président de la fédération Fnact CFTC. Pour autant, la fédération Fnact CFTC se situe toujours dans la concertation, « simplement, nous estimons qu’il existe une marge de manoeuvre dans cette réforme. On veut bien se rendre à l’évidence : il va bien falloir allonger la durée de cotisation. Mais sur l’âge légal de départ en retraite, c’est niet », tranche Gilles Debiais.
A l’Unsa territoriale, « nous laissons les sections locales libres de s’organiser », explique Sylvie Weissler. « Nous encourageons toute forme d’action comme par exemple celle de l’intersyndicale, à la CUCS de Strasbourg qui consiste à mobiliser les agents autour d’un barbecue de 11 à 14 heures », raconte t-elle.
FO pense que »le gouvernement joue avec le feu ». « Il faut durcir le mouvement si on veut obtenir le maximum de satisfactions à l’avenir », estime Didier Rosez, de FO qui souhaite voir le projet de loi purement et simplement retiré. « Bien sûr, il y a une réalité démographique », concède le militant. « Mais il faut tout dire : sur les gains de productivité par exemple, en 2050, le PIB sera de 4.000 milliards d’euros, c’est mathématique. Pourquoi ne pas consacrer 18% de cette richesse nationale au financement des retraites ? », s’insurge t-il. « Ce n’est pas mathématique , c’est politique ! », conclut-il.
Sur le fond, les représentants syndicaux partagent une amertume : « depuis le début, le gouvernement n’a jamais eu l’intention de négocier ».
Le 13 octobre, le président de la République déclarait que le gouvernement ne pouvait « plus aller plus loin » dans les concessions sur la réforme des retraites. «Il est normal que cette réforme crée des mécontentements, des frustrations mais dans quelques années, on se rendra compte qu’on a sauvé le régime (de retraite) par répartition», a-t-il lancé.
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