Budgets du bloc communal : s’adapter plutôt que se lamenter !
Malgré tout, les élus et les gestionnaires locaux font preuve de pragmatisme et de détermination pour, non seulement, boucler leur budget mais, également, dégager suffisamment d’excédent afin de disposer d’un minimum d’autofinancement. Dans les communes, cela se fait au prix d’une gestion excessivement rigoureuse et d’arbitrages aussi délicats qu’incisifs. Des efforts cependant insuffisants pour les collectivités très endettées.
Fait marquant cette année : plus aucun verrou ne limite la baisse des dépenses de fonctionnement (de – 2 % à – 10 % dans certains cas), au premier rang desquelles la masse salariale qui pèse pour plus de la moitié du fonctionnement. « Nécessité fait loi, résume le consultant Christophe Michelet [lire p. 10], les dépenses sanctuarisées ne le sont plus. » Armand Pinoteau constate de son côté « un vrai effort de maîtrise des charges de personnel ». Aux leviers traditionnels (non-remplacement automatique des départs, fusion de directions, réduction des heures supplémentaires, etc.) s’ajoute désormais la suppression de postes : 10 à Avrillé (13 000 hab., Maine-et-Loire), 8 à Saint-Maurice (14 900 hab., Val-de-Marne) et plus de 80 à Cannes (73 300 hab., Alpes-Maritimes), après 73 suppressions en 2015 ! « Un résultat obtenu grâce à une gestion optimisée des départs en retraite, des mobilités et des redéploiements », fait valoir David Lisnard, maire (LR) de Cannes. Le BP 2016 est bâti à partir du compte administratif 2014 auquel sont soustraits 5 %. « L’enjeu est de se préparer à 2017, un exercice à fort risque avec la dernière année de montée en puissance de la baisse des dotations et de la hausse du FPIC » avance-t-il.
Activation des leviers
Tous les leviers sont activés, telle la révision des tarifs des services publics en vue de limiter la gratuité, ajuster le prix en fonction des ressources des usagers et du coût du service. « Percevant moins de versement transport, les agglomérations vont revoir leur politique tarifaire », souligne Armand Pinoteau. Beaucoup profitent des taux d’intérêt bas pour renégocier leurs emprunts (annuité réduite de 360 000 euros pour Harfleur – 8 200 hab., Seine-Maritime), tandis que d’autres revisitent la gestion des services (régie ou délégation). Saint-Maurice compte économiser 80 000 euros en transférant la gestion de la halte-garderie à la société Babilou, après celle de la maison de la petite enfance en 2015 (- 260 000 euros). Enfin, la plupart des villes accentuent la dématérialisation.Coté recettes, nombre d’élus évitent d’utiliser le levier fiscal. Certains se risquent toutefois à une révision de la politique d’abattement. La valorisation du patrimoine et la cession d’actifs font partie des leviers les plus utilisés. Lormont (20 800 hab., Gironde) attend, ainsi, 1 million d’euros de la vente d’un ancien bâtiment municipal. Enfin, la recherche active des subventions se généralise pour tenter de maintenir les investissements, sans les augmenter.
Montages innovants entre intercos
Le renforcement de la coopération intercommunale se présente dès lors comme une option payante. Pour aider leurs communes membres à poursuivre leurs projets, le Grand Châlon (37 communes, 110 200 hab.) et la communauté de l’agglomération Havraise (Codah, 17 communes, 236 000 hab.) ont créé un fonds de relance de l’investissement local alimenté par une partie de la dotation de solidarité communautaire. « Ce fonds de 30 millions d’euros, dont 15 millions pour Le Havre, est réparti de 2015 à 2020 en fonction de la population et de la longueur de la voirie, soit, par exemple, 606 530 euros pour Epouville », détaille Gilbert Conan, maire (SE) d’Epouville et vice-président de la Codah.Des montages innovants sont mis en place, à l’instar de la création d’un service unifié d’administration des sols entre les communautés de communes du val de Sarthe (15 communes, 27 000 hab.) et Loué-Brûlon-Noyen (29 communes, 18 500 hab.), et d’un office de tourisme commun avec celle de Sablé-sur-Sarthe (17 communes, 29 400 hab.). En 2016, on devrait également assister à une montée en puissance des mutualisations de services et de la création de services communs. Seul moyen, selon le consultant Michel Klopfer, « pour générer des économies d’échelle permettant de reconquérir des capacités d’investissement » et « réduire la masse salariale ».
Mais l’élargissement des périmètres intercommunaux, sachant que deux intercos sur trois sont concernées, freinent l’essor des mutualisations, non seulement à cause de l’éloignement des structures, mais aussi du fait du contexte financier contraint. « Les problèmes fiscaux et financiers sont démultipliés », constate Claire Delpech, responsable des finances à l’Assemblée des communautés de France. « Il ne s’agit plus de partager du flux, mais de fonctionner avec une faible dynamique des ressources, alors que les opérations de fusion ne sont pas toujours propices à la modération des charges », ajoute-t-elle. Focalisés sur ces fusions, au détriment de tout autre projet, les gestionnaires locaux se limitent à préparer des budgets de transition.
Côté métropoles, qui votent cette année leur premier budget de mise en œuvre de la stratégie de mandat, c’est le coup de frein sur les dépenses de fonctionnement : – 4 % à Brest métropole, – 0,7 % à l’eurométropole de Strasbourg. Quant au Grand Lyon, des économies à hauteur de 30 millions d’euros lui permettent de limiter la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,4 % malgré des dépenses sociales – compte tenu de la fusion avec le département – en progression de 7 %. Difficile de définir de grandes tendances sur la section d’investissement qui varie selon la situation de chaque métropole. Côté recettes, certaines métropoles, comme celle de Nantes, augmentent leur taux, tandis que le Grand Lyon compte uniquement sur le dynamisme de ses bases fiscales
Témoignages
Marie Lhoumeau, DGS de Chinon (8 500 hab., Indre-et-Loire)« Tout juste équilibré en 2015, le budget 2016 présente un déficit de plus de 700 000 euros. Les recettes propres et l’excédent en fonctionnement ne parviennent pas à combler le besoin en financement. Chinon cumule la baisse des dotations, le coût de la désensibilisation de la dette toxique, malgré l’aide du fonds de soutien (+ 5 millions d’euros) et une dette globale élevée (treize ans de désendettement). A l’exception de la fiscalité, du fait de taux très élevés, nous utilisons tous les leviers (- 140 000 euros sur les charges courantes, – 100 000 euros sur la masse salariale) et ne budgétons que des dépenses d’investissement obligatoires. Mais c’est insuffisant. Nous comptons sur les aides exceptionnelles de l’Etat. »
Jean-Louis Curret, président de la CC de Vic-Montaner (29 communes, 13 000 hab., Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques)
« Le budget 2016 sera voté au dernier moment et est marqué par notre fusion en 2017 avec deux autres intercos. Afin qu’ils ne soient pas retardés par la mise en route de la future superstructure, nous allons lancer plusieurs chantiers : une maison de santé pluridisciplinaire, une minicrèche, une maison d’assistante maternelle et une auberge touristique, et la rénovation de la piscine intercommunale (6 millions d’euros). Cela nous contraint à emprunter 3,5 à 4 millions auprès de banques et de l’Agence France locale, mais nous sommes très peu endettés. Nous misons sur les investissements productifs générant des recettes pour financer d’autres projets. »