dimanche 30 mars 2014

LOI n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation (1)

JORF n°0075 du 29 mars 2014 page 6123
texte n° 1


LOI 
LOI n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation (1) afin d’encadrer les techniques permettant de localiser en continu un téléphone portable ou un objet comme un véhicule, sur lequel une balise a préalablement été posée.

La loi limite le recours à la géolocalisation dans le cadre d’enquête ou d’une instruction relative:

- aux délits d’atteinte aux personnes et de recel de criminel et d’évasion punis d’un emprisonnement d’au moins trois ans ;
- à tous les autres crimes et délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ;
- à la découverte d’un cadavre dans les cas où la cause de la mort est inconnue ou suspecte ;
- à la disparition d'un mineur ou d'un majeur protégé
- ou dans le cas d’une recherche d’une personne en fuite dans l’un des cas prévus par l’article 74-2 du CPP. 

Dans le cadre d’une enquête de flagrance d’une enquête préliminaire ou d’une procédure de recherche prévue aux articles 74 à 74-2 CPP, le recours à la géolocalisation est autorisé par écrit par le procureur de la République pour une durée maximale de 15 jours consécutifs. À l’issue de ce délai, c’est le juge des libertés, sur requête du procureur de la République, qui autorise cette opération pour une durée maximale d’un mois renouvelable.

Dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition d'un mineur ou d'un majeur protégé, la géolocalisation est autorisée par écrit par le juge d’instruction pour une durée maximale de quatre mois renouvelable.

Ces décisions ne sont susceptibles d’aucun recours.

En outre, la loi encadre l'installation d'une balise dans les lieux privés.

Le texte prévoit toutefois les cas d’urgence dans lesquels un officier de police judiciaire pourrait avoir recours d’office à une géolocalisation.

Le législateur avait prévu la possibilité pour le juge d’instruction de demander l’autorisation au JLD  d’exclure du dossier de procédure certaines mentions de données issues de la géolocalisation lorsque la connaissance de ces informations est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches et qu'elle n'est ni utile à la manifestation de la vérité, ni indispensable à l'exercice des droits de la défense. Mais, selon la décision rendue le 25 mars par le Conseil constitutionnel saisi a priori, « le principe du contradictoire s’oppose à ce qu’une condamnation puisse être prononcée sur le fondement d’éléments de preuve alors que la personne mise en cause n'a pas été mise à même de contester les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis ».

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque la mesure de géolocalisation vise un objet dont le propriétaire ou le possesseur légitime est la victime de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ou l'instruction ou la personne disparue au sens des articles 74-1 ou 80-4 du CPP, dès lors que ces opérations ont pour objet de retrouver la victime, l'objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue.

Cette loi a été votée par le Parlement à la suite de deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 octobre 2013 (nos 13-81945 et 13-81949) et l’arrêt Uzun c/ Allemagne du 2 septembre 2010 de la Cour européenne des droits de l’Homme.

 
L. n° 2014-372, 28 mars 2014: JO 29 mars, p. 6123

NOR: JUSX1329164L

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-693 DC du 25 mars 2014,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :


Le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V


« De la géolocalisation

« Art. 230-32. - Il peut être recouru à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, si cette opération est exigée par les nécessités :
« 1° D'une enquête ou d'une instruction relative à un délit prévu au livre II ou aux articles 434-6 et 434-27 du code pénal, puni d'un emprisonnement d'au moins trois ans ;
« 2° D'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou à un délit, à l'exception de ceux mentionnés au 1° du présent article, puni d'un emprisonnement d'au moins cinq ans ;
« 3° D'une procédure d'enquête ou d'instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4 ;
« 4° D'une procédure de recherche d'une personne en fuite prévue à l'article 74-2.
« La géolocalisation est mise en place par l'officier de police judiciaire ou, sous sa responsabilité, par l'agent de police judiciaire, ou prescrite sur réquisitions de l'officier de police judiciaire, dans les conditions et selon les modalités prévues au présent chapitre.
« Art. 230-33. - L'opération mentionnée à l'article 230-32 est autorisée :
« 1° Dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une procédure prévue aux articles 74 à 74-2, par le procureur de la République, pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. A l'issue de ce délai, cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d'un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ;
« 2° Dans le cadre d'une instruction ou d'une information pour recherche des causes de la mort ou des causes de la disparition mentionnées aux articles 74, 74-1 et 80-4, par le juge d'instruction, pour une durée maximale de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.
« La décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.
« Art. 230-34. - Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° de l'article 230-33, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, le procureur de la République ou le juge d'instruction peut, aux seules fins de mettre en place ou de retirer le moyen technique mentionné à l'article 230-32, autoriser par décision écrite l'introduction, y compris en dehors des heures prévues à l'article 59, dans des lieux privés destinés ou utilisés à l'entrepôt de véhicules, fonds, valeurs, marchandises ou matériel, ou dans un véhicule situé sur la voie publique ou dans de tels lieux, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l'occupant des lieux ou du véhicule ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci.
« S'il s'agit d'un lieu privé autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, cette opération ne peut intervenir que dans les cas mentionnés aux 3° et 4° de l'article 230-32 ou lorsque l'enquête ou l'instruction est relative à un crime ou à un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Si ce lieu privé est un lieu d'habitation, l'autorisation est délivrée par décision écrite :
« 1° Dans les cas prévus au 1° de l'article 230-33, du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République ;
« 2° Dans les cas prévus au 2° du même article 230-33, du juge d'instruction ou, si l'opération doit intervenir en dehors des heures prévues à l'article 59, du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d'instruction.
« La mise en place du moyen technique mentionné à l'article 230-32 ne peut concerner ni les lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-4, ni le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l'article 100-7.
« Art. 230-35. - En cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, les opérations mentionnées à l'article 230-32 peuvent être mises en place ou prescrites par un officier de police judiciaire. Celui-ci en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d'instruction dans les cas mentionnés aux articles 230-33 et 230-34. Ce magistrat peut alors ordonner la mainlevée de la géolocalisation.
« Toutefois, si l'introduction dans un lieu d'habitation est nécessaire, l'officier de police judiciaire doit recueillir l'accord préalable, donné par tout moyen :
« 1° Dans les cas prévus au 1° de l'article 230-33, du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République ;
« 2° Dans les cas prévus au 2° du même article 230-33, du juge d'instruction ou, si l'introduction doit avoir lieu en dehors des heures prévues à l'article 59, du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d'instruction.
« Ces magistrats disposent d'un délai de vingt-quatre heures pour prescrire, par décision écrite, la poursuite des opérations. A défaut d'une telle autorisation dans ce délai, il est mis fin à la géolocalisation. Dans les cas prévus au premier alinéa du présent article, l'autorisation comporte l'énoncé des circonstances de fait établissant l'existence du risque imminent mentionné à ce même alinéa.
« Art. 230-36. - Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui ou autorisé par le procureur de la République peut requérir tout agent qualifié d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l'installation et au retrait du moyen technique mentionné à l'article 230-32.
« Art. 230-37. - Les opérations prévues au présent chapitre sont conduites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées ou qui a autorisé leur poursuite.
« Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision de ce magistrat ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
« Art. 230-38. - L'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du moyen technique mentionné à l'article 230-32 et des opérations d'enregistrement des données de localisation. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.
« Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.
« Art. 230-39. - L'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité.
« Art. 230-40. - Lorsque, dans une instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, la connaissance de ces informations est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches et qu'elle n'est ni utile à la manifestation de la vérité, ni indispensable à l'exercice des droits de la défense, le juge des libertés et de la détention, saisi à tout moment par requête motivée du juge d'instruction, peut, par décision motivée, autoriser que n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure :
« 1° La date, l'heure et le lieu où le moyen technique mentionné à l'article 230-32 a été installé ou retiré ;
« 2° L'enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait du moyen technique mentionné à ce même article.
« La décision du juge des libertés et de la détention mentionnée au premier alinéa du présent article est jointe au dossier de la procédure. Les informations mentionnées aux 1° et 2° sont inscrites dans un autre procès-verbal, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête du juge d'instruction prévue au premier alinéa. Ces informations sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance.
« Art. 230-41. - La personne mise en examen ou le témoin assisté peut, dans les dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu des opérations de géolocalisation réalisées dans le cadre prévu à l'article 230-40, contester, devant le président de la chambre de l'instruction, le recours à la procédure prévue à ce même article. S'il estime que les opérations de géolocalisation n'ont pas été réalisées de façon régulière, que les conditions prévues audit article ne sont pas remplies ou que les informations mentionnées à ce même article sont indispensables à l'exercice des droits de la défense, le président de la chambre de l'instruction ordonne l'annulation de la géolocalisation. Toutefois, s'il estime que la connaissance de ces informations n'est pas ou n'est plus susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches, il peut également ordonner le versement au dossier de la requête et du procès-verbal mentionnés au dernier alinéa du même article. Le président de la chambre de l'instruction statue par décision motivée, qui n'est pas susceptible de recours, au vu des pièces de la procédure et de celles figurant dans le dossier mentionné au même alinéa.
« Art. 230-42. - Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le [Disposition déclarée non conforme à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-693 DC du 25 mars 2014.] fondement des éléments recueillis dans les conditions prévues à l'article 230-40, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de ce même article ont été versés au dossier en application de l'article 230-41.
« Art. 230-43. - Les enregistrements de données de localisation sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.
« Il est dressé procès-verbal de l'opération de destruction.
« Art. 230-44. - Le présent chapitre n'est pas applicable lorsque les opérations de géolocalisation en temps réel ont pour objet la localisation d'un équipement terminal de communication électronique, d'un véhicule ou de tout autre objet dont le propriétaire ou le possesseur légitime est la victime de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ou l'instruction ou la personne disparue au sens des articles 74-1 ou 80-4, dès lors que ces opérations ont pour objet de retrouver la victime, l'objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue.
« Dans les cas prévus au présent article, les opérations de géolocalisation en temps réel font l'objet de réquisitions conformément aux articles 60-1, 60-2, 77-1-1, 77-1-2, 99-3 ou 99-4. »


La section 7 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par un article 67 bis-2 ainsi rédigé :
« Art. 67 bis-2. - Si les nécessités de l'enquête douanière relative à la recherche et à la constatation d'un délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans l'exigent, tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, peut être mis en place ou prescrit par les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret, sur autorisation, dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre V du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale, du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la mise en place du moyen technique est envisagée ou du juge des libertés et de la détention de ce tribunal. »

Article 3

[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-693 DC du 25 mars 2014.]

Article 4

La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 28 mars 2014.

François Hollande 

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

Jean-Marc Ayrault

La garde des sceaux,

ministre de la justice,

Christiane Taubira
(1) Loi n° 2014-372. ― Travaux préparatoires : Sénat : Projet de loi n° 257 (2013-2014) ; Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, au nom de la commission des lois, n° 284 (2013-2014) ; Texte de la commission n° 285 (2013-2014) ; Discussion et adoption, après engagement de la procédure accélérée, le 20 janvier 2014 (TA n° 64, 2013-2014). Assemblée nationale : Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1717 ; Rapport de M. Sébastien Pietrasanta, au nom de la commission des lois, n° 1732 ; Discussion et adoption le 11 février 2014 (TA n° 290). Assemblée nationale : Rapport de M. Sébastien Pietrasanta, au nom de la commission mixte paritaire, n° 1798 ; Discussion et adoption le 24 février 2014 (TA n° 308). Sénat : Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, n° 364 (2013-2014) ; Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, au nom de la commission mixte paritaire, n° 374 (2013-2014) ; Texte de la commission n° 375 (2013-2014) ; Discussion et adoption le 24 février 2014 (TA n° 88, 2013-2014). ― Conseil constitutionnel : Décision n° 2014-693 DC en date du 25 mars 2014, publiée au Journal officiel de ce jour.

Aucun commentaire: