lundi 3 mars 2014

Assurance-chômage : la route vers un accord est encore longue


image
La précédente séance, le 13 février, s’était conclue par un constat unanime de désaccord, les syndicats fustigeant les propositions provocatrices du Medef. La rencontre du 27 février aura quelque peu permis de calmer les esprits et de faire bouger quelques lignes. Mais les divergences sont encore nombreuses…
En ne modifiant qu’à la marge son projet d’accord, le patronat prenait le risque de crisper d’entrée ses partenaires syndicaux. Aussi, avant même le premier tour de table, la CFDT faisait part de son agacement face à la réitération des propositions patronales – dont la suppression des règles d’indemnisation spécifiques aux intermittents pour les aligner sur celles du régime général.  « Les intermittents appartiennent au régime interprofessionnel et doivent être traités dans la solidarité interprofessionnelle comme tout le monde. S’il y a besoin à terme de faire évoluer un régime (…) qui entretient encore beaucoup de gens du secteur dans la précarité (…) on veut se laisser le temps de traiter le sujet dans la sérénité, en ayant le temps d’associer toutes les parties prenantes dont l’Etat » décrypte Véronique Descacq, chef de file CFDT. Face au refus unanime des syndicats dune remise en cause du régime en l’état souhaitée par le Medef, une concertation tripartite avec l’Etat en marge de la négociation assurance-chômage pourrait finalement être actée par les partenaires sociaux, et ainsi éteindre le brasier allumé en début de négociation sur ce sujet sensible.
Le texte patronal maintient en revanche l'idée d’une modulation des indemnités chômage en fonction de la conjoncture, s’appuyant sur le déficit du régime pour chercher par tous les moyens possibles un retour à l’équilibre. « Personne ne nie le besoin d’équilibre du régime. Mais dans un contexte contraint par un chômage qui ne cesse d’augmenter (8 900 demandeurs d’emploi supplémentaires enregistrés par Pôle emploi en janvier), la priorité est au maintien des droits et de la règle du un jour cotisé, un jour indemnisé », martèle la CFDT.
Un scenario clair, lisible et incitatif
Pour elle, aucun sujet ne pourra être abordé tant que la question des droits rechargeables (*) ne sera pas traitée. Une position ralliée depuis par d’autres organisations syndicales, y compris par les non-signataires de l’accord du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l'emploi qui en avait institué le principe. La multitude des scenarii désormais chiffrés par l’Unedic, reste maintenant à s'accorder sur un scenario que chacun souhaite « clair, lisible et incitatif à la reprise d'emploi ». En proposant un nouveau scenario d'ici la prochaine séance qui garantisse le niveau d'indemnisation au moment de la réadmission dans le régime, le patronat reconnaît à mi-mots le « défaut de conception » de son scenario intitial, peu incitatif à la reprise d’emploi. De son côté, le scenario privilégié par la CFDT correspond à un schéma clair: toute heure travaillée en cours d'indemnisation ouvre de nouveaux droits, avec un rechargement des droits à 100% sur la base d'un jour cotisé un jour indemnisé. Pour y prétendre, le demandeur d'emploi devra avoir travaillé au moins l'équivalent d'un temps partiel soit 104 heures (= 24 heures x 52 semaines/12 mois).
En parallèle, la CFDT a proposé d’étendre les cotisations chômage aux salariés de plus de 65 ans qui en sont aujourd’hui exemptés (mesure qui pourrait engendrer 115 millions d'euros de recettes supplémentaires au régime), et a ouvert la porte à une modification du délai de carence appliqué à un chômeur qui bénéficie d'une indemnité supra-légale de licenciement importante. Jusqu'à présent plafonné à 75 jours, ce différé d'indemnisation pourrait prendre en compte le montant de l'indemnité supra-légale perçue par le salarié pour calculer sa date d'entrée dans le régime assurantiel.
« Nous sommes passés de la posture à la mise en mouvement. Mais la route est encore longue pour parvenir à un accord » résumait Véronique Descacq à l’issue de la négociation. Le calendrier n’a cependant pas été modifié, la dernière séance du 13 mars devant être précédée de rencontres bilatérales
.(*) « Droits rechargeables» en remplacement de  celui actuellement en vigueur, appelé «dispositif de la réadmission».

 Aujourd'hui, quand un chômeur retrouve un travail, sans avoir épuisé ses droits à indemnisation, puis, à l'issue de ce nouveau contrat, se retrouve de nouveau au chômage, pour connaître ses nouveaux droits à indemnisation (en durée) , l'Unedic compare les deux périodes ouvrant droit à indemnisation (le reliquat de celle résultant de la rupture du premier contrat et celle consécutive à la rupture du deuxième contrat) ainsi que le montant de l'indemnité journalière. Ces deux «droits» sont traduits en un capital financier (K1 pour la première période et K2 pour la deuxième). C'est le capital le plus élevé qui sera retenu pour le calcul des droits (en durée) du chômeur. Sachant que les droits acquis au titre de la période la moins favorable seront définitivement perdus.
Exemple
On trouvera ci-dessous un exemple du mécanisme de la réadmission :
A la suite d'une période de travail de 6 mois, une personne se retrouve au chômage ; elle a droit à 6 mois d'indemnisation ; montant de l'indemnité journalière versée : 50 ? / jour
La personne retrouve du travail au bout de 4 mois de chômage ; elle a donc un reliquat de droits de 2 mois à 50 euros / jour soit 3040 euros de "capital" (K1)
Elle prend un CDD de 7 mois qui lui ouvre de nouveaux droits ; soit 7 mois avec une indemnité de 45 euros (calculée en fonction de son salaire journalier de référence) = elle dispose d'un capital d'indemnisation de 9.576 euros (K2)
À l'issue de son CDD, elle retourne à Pôle emploi qui procède à une réadmission ; le calcul de ses droits à l'Assurance chômage est fait en comparant K1 et K2, le plus favorable au demandeur d'emploi étant retenu (ici K2) ; pour connaître la durée de l'indemnisation, on divise K2 par le montant le plus élevé de l'indemnité versée (ici 50 euros de la première période de chômage).
9576 ? : 50 ? = 191,5 jours d'indemnisation.
Ce demandeur d'emploi ne peut plus se prévaloir du reliquat de droits de la première période ; ils sont perdus.
Avec le mécanisme des «droits rechargeables», ce calcul n'aurait plus lieu d'être, il s'agirait tout simplement d'additionner les deux périodes (soit le reliquat de 2 mois à 50 euros/jour + 7 mois à 45 euros/jour).
Le coût du dispositif des droits rechargeables
Le problème, c'est le coût d'un tel dispositif, alors que les finances de l'assurance chômage ne sont déjà pas reluisantes (un déficit de 4,1 milliards est attendu pour l'année 2013). Le Medef propose «une mesure d'équilibre financier qui pourra par exemple concerner le taux d'indemnisation». Concrètement, si le mécanisme des «droits rechargeables» est retenu, il faudrait revoir à la baisse l'indemnisation du chômage (actuellement, celle-ci atteint en règle générale 57,4% de l'ancien salaire). 
Mais à l'Unedic -qui a  fait tourner ses ordinateurs- on précise que le coût du dispositif n'est pas forcément si élevé, dès lors que l'on décide de jouer sur certaines variables comme le salaire de référence pris en compte ou en instaurant , par exemple, un plafond au cumul des périodes indemnisables. Tout cela devra être négocié entre les partenaires sociaux, gestionnaires de l'Assurance chômage. 

Aucun commentaire: