Nucléaire: EDF reconnaît aussi des problèmes
Le 07 mars 2014 par Valéry Laramée de Tannenberg
Risques & Santé, Santé au travail, Management, Nucléaire, Politique & Société, Administrations, Entreprises
La centrale nucléaire US de Calvert Cliffs affiche de meilleurs résultats
que ses cousines françaises.
CENG
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Dans un rapport interne, l’électricien confirme la grande fatigue des
personnels des centrales nucléaires françaises. Avec la clé: un moindre
rendement économique et de piètres performances en termes de sécurité.
EDF n’en finit pas de payer la note des sous-investissements des années
2000. Durant cette décennie glorieuse, les gouvernements avaient ordonné à
l’électricien historique de conquérir le monde électrique. A coups
d’acquisitions, EDF s’était implanté en Allemagne, en Suède, en Italie, au
Brésil, aux états-Unis, en Chine, au Royaume-Uni, en Suisse, en Belgique. Seule
l’Espagne avait su résister à l’envahisseur.
Tout le monde d’accord
Bien qu’il s’en soit longtemps défendu, le groupe présidé par Henri Proglio
a réduit la voilure en France, dans les réseaux et dans la maintenance de son
parc de production, nucléaire notamment. Une situation dont les conséquences
ont été récemment dénoncées par les responsables de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN),
auditionnés par une commission parlementaire.
Aujourd’hui, l’industriel ne se voile plus la face. Mis en ligne le 6 mars,
le rapport annuel de l’inspecteur général pour la sûreté
nucléaire et la radioprotection du groupe EDF (IGSNR) n’est pas
des plus rassurants. Jean Tandonnet reprend d’ailleurs à son compte nombre
d’observations formulées par les experts de l’ASN. L’ex-amiral s’alarme ainsi
des «trop nombreux événements liés aux activités de maintenance ainsi
qu’au non-respect des spécifications techniques d’exploitation».
Moindre disponibilité
L’ancien sous-marinier explique aussi que les arrêts de tranche sont
insuffisamment préparés. à mesure de l’avancée des opérations, on découvre des
travaux imprévus à réaliser d’urgence. Ce qui allonge de près d’un mois la
durée de l’arrêt d’un réacteur (à un million d’euros de manque à gagner par
jour). Dit autrement, la disponibilité de ses réacteurs français est de 78%, (7
points de moins que l’objectif visé), contre 94,4% pour ses tranches
nord-américaines.
Les techniciens paient le prix fort de ces impréparations. Dans le parc
français d’EDF, la dosimétrie collective a été trois fois plus importante, l’an
passé, que dans les réacteurs américains du groupe (0,23 homme/Sievert). Les
accidents du travail sont plus nombreux dans les centrales françaises
qu’ailleurs. Par million d’heures travaillées, le rapport de l’IGSNR dénombre
3,3 accidents du travail avec arrêt dans les installations hexagonales, contre
0,7 dans les 8 réacteurs d’EDF Energy (Royaume-Uni) et 0,2 dans les 3 tranches
américaines de CENG.
Le burn-out menace
Ces piètres performances ne laissent pas d’inquiéter les responsables du
groupe. Elles révèlent d’abord la situation difficile dans laquelle évolue le
management des centrales françaises. De plus en plus, les patrons de centrales
doivent intégrer des règles qui changent fréquemment, faire tourner à plein
leur centrale, gérer leur équipe, tout en préparant les travaux à venir. Le burn-out menace. «Les
managers de proximité rencontrés ont besoin d’être soutenus pour retrouver leur
pleine confiance»,souligne l’ancien préfet maritime.
Un accroissement de la dosimétrie?
Touchée par la pyramide des âges, la division Production et ingénierie
d’EDF doit aussi embaucher 10.000 techniciens et ingénieurs d’ici 2020.
Pourtant, les candidats risquent de ne pas se presser au portillon. En effet,
dans l’hypothèse du lancement en 2015 du Grand carénage, EDF va engager une
importante modernisation de son parc nucléaire français, avec de nombreuses
interventions lourdes en zone contrôlée. Or, si les pratiques actuelles
n’évoluent pas, il y a fort à parier qu’un nombre croissant de travailleurs
prendront des doses de radioactivité plus fortes qu’aujourd’hui. Datée
d’octobre 2013, une note de l’électricien montre que la dosimétrie collective
pourrait augmenter de 30% à 40%, d’ici 2019. Pas très rassurant.
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