Politique de la ville
« Pas une surprise » si la banlieue a peu manifesté, selon un acteur associatif
Publié le
• Mis à jour le • Par avec l'AFP • dans : France
Mohamed Tria, cadre
d'entreprise et président du club de foot de La Duchère, quartier de
barres d'immeuble à Lyon où il a grandi et s'implique beaucoup, livre un
regard critique sur les ratés de l'intégration à la française.
« Pas surpris » par la faible représentation de la banlieue
dans les défilés républicains après les attentats, il s’alarme des
fractures de la société: « De plus en plus de gens vivent à côté de
nous. »
Propos recueillis par Pierre PRATABUY.
Pourquoi les « banlieues » n’ont-elles pas défilé ?
« Pour eux la République, c’est une chimère. On a trop délaissé ces zones, pendant des années. A l’école d’abord, en livrant de jeunes profs sans expérience à des gamins aguerris à la turbulence… L’interprétation des attentats a été toute autre dans ces quartiers. J’ai réuni une quarantaine de gamins de 13 à 16 ans dans mon club, j’ai été abasourdi par ce que j’ai entendu. Ils n’ont pas été informés par les journaux, mais par les réseaux sociaux, c’est la seule source accessible pour eux et ils croient que c’est la vérité. La théorie du complot, j’ai pris ça en pleine gueule. Surtout, ils ne voyaient pas la mort de 17 personnes, mais l’acte de bravoure de ceux tombés les armes à la main. Ils ont de l’admiration pour ces gars-là, ils trouvent qu’ils leur ressemblent. Eux sont en quête de reconnaissance et croient qu’en mourant les armes à la main, on peut y arriver. »Comment expliquer un tel décalage ?
« On se réveille d’un coup avec Kouachi et Coulibaly, mais ce sont des enfants de la République qu’on a fécondés. Il y a 30 ans, on parlait de ceux qui priaient dans les caves, maintenant c’est pareil: il y a des valeurs souterraines à la République qui ne sont pas les nôtres. Je leur ai parlé de la liberté d’expression, ils m’ont demandé pourquoi cela ne valait pas pour Dieudonné. Je leur ai répondu que lui appelait à la haine, mais qui explique aujourd’hui à ces gamins ce qui est bien et ce qui est mal? Comme on ne leur enseigne plus nos valeurs, d’autres prennent la place et ça marche, car ils sont en quête de quelque chose. La radicalisation religieuse, c’est une conséquence, cela fait partie du repli sur soi. Ces jeunes, ils connaissent leur quartier et ce que disent leurs copains, c’est tout. On est en vase clos. Et tant qu’il n’y avait pas de problèmes, ça arrangeait tout le monde. »Quel peut être « l’après Charlie » pour ces quartiers ?
« J’ai quitté la Duchère vers 12-13 ans, j’y suis revenu à 40, j’ai été frappé par le nombre de femmes seules. Même au club de foot, je ne croise pas beaucoup de papas. Le revenu moyen, ce doit être 800 euros, et le profil courant, c’est une mère qui élève quatre enfants. Quand on est acteur social au quotidien, on sait que la tâche est immense. Il y a de plus en plus de gens qui vivent à côté de nous, pas avec nous. On a fait beaucoup de rénovation urbaine, mais déverser des tonnes de béton, ça ne suffit pas. Il faut de l’humain. Comment accompagne-t-on le vivre ensemble, comment on le matérialise? Les beaux discours, ça va cinq minutes. L’intégration à la française, ça ne marche pas. Maintenant qu’on a pris cette grosse claque dans la gueule, notre responsabilité est énorme. On est contraint budgétairement, d’accord, mais il va falloir arbitrer des priorités. Il est urgent d’agir dans les dix ans qui viennent, pour sauver ceux qui peuvent l’être et surtout leurs enfants. Car en écoutant ces gamins, je me disais: mais comment seront les leurs ? »Propos recueillis par Pierre PRATABUY.
A la Grande Borne, quartier
réputé difficile de région parisienne où a grandi le jihadiste Amédy
Coulibaly, plusieurs mères de famille confient leur "peur de l'avenir"
face aux "murs qui se dressent" autour de "leur village".
Rassemblées au Centre de vie sociale de Grigny lors d’une des
rencontres informelles organisées par cette ville de l’Essonne depuis
les attentats parisiens pour prendre le pouls du quartier, elles se
décrivent comme la « grande bouche, française et chrétienne », l’ »amie
d’enfance d’Amédy », celle « fière de son fils devenu commercial », la
« bénévole du Secours populaire » ou encore l’ »élue FCPE ». Elles ne
donneront pas leur nom, fatiguées des médias qui « racontent n’importe
quoi » et « salissent tous les jours » leur quartier.
Depuis qu’Amédy Coulibaly a tué une policière à Montrouge le 8 janvier, puis quatre Juifs le lendemain lors de la prise d’otages dans un magasin cacher, les projecteurs se sont braqués sur la Grande Borne, à Grigny. Un triangle de 11.000 habitants, en bordure de l’autoroute A6, dont 40% vivent sous le seuil de pauvreté, avec un revenu fiscal moyen inférieur à 10.000 euros par an.
« Amédy, c’est pas Grigny. C’est l’histoire personnelle d’une vie, où à un moment il y a eu un tournant », explique « la grande bouche ». « Ici, on vit, on ne survit pas. On est tous solidaires, c’est un village. »
« Il n’a pas été élevé comme ça, défend son amie d’enfance, d’origine malienne comme lui. Tout ça, il l’a appris en prison, à Fleury-Mérogis », à moins de cinq kilomètres de là. Son dernier contact avec lui? « Quelques semaines avant les attaques, j’ai voulu le saluer, il m’a dit: +Je ne serre plus la main aux femmes+. C’est là que j’ai compris. »
« On veut nous coller une étiquette »
Chez elles règne la crainte que ces événements aggravent l’isolement
d’un territoire où le sentiment d’abandon est déjà fort. « Ce sont des
années et des années de stigmatisation, la couche est épaisse, elle ne
s’enlève pas comme ça », déplore une historique du quartier, arrivée dès
la fin de sa construction en 1971.
Une autre, mère de quatre enfants, voit déjà « des murs qui se dressent tout autour de la ville ». « Cette semaine, une amie voulait soigner sa fille qui souffrait terriblement des dents. Le pédodentiste lui a répondu, sourire dans la voix: +Madame, on ne se déplace pas à Grigny+ », rapporte-t-elle. « Même SOS Médecins ne vient pas », abonde une autre.
Sur toutes les lèvres, la peur de ne plus pouvoir assurer « un avenir pour leurs enfants ». Les CV avec Grigny pour adresse n’ont jamais eu la cote auprès des employeurs, mais « après ce qui s’est passé, ce sera encore pire », s’inquiète l’élue FCPE. « Déjà il y a deux ans, on m’a refusé un poste d’assistante-comptable quand ils ont su où j’habitais », se souvient la bénévole du Secours populaire.
« On veut nous coller une étiquette, mais c’est faux. Mon fils a réussi, il s’en est sorti, aujourd’hui il a un travail de commercial », témoigne une maman arrivée en 2008.
Ces derniers jours, plusieurs familles ont fait part au maire de leur envie de quitter la ville. « Partir? Pas question. Des gens le font, puis le regrettent. On peut vivre ailleurs, on aura toujours les mêmes problèmes », assure la plus jeune, quand la doyenne ajoute fièrement: « après 43 ans ici, je suis chez moi. »
Depuis qu’Amédy Coulibaly a tué une policière à Montrouge le 8 janvier, puis quatre Juifs le lendemain lors de la prise d’otages dans un magasin cacher, les projecteurs se sont braqués sur la Grande Borne, à Grigny. Un triangle de 11.000 habitants, en bordure de l’autoroute A6, dont 40% vivent sous le seuil de pauvreté, avec un revenu fiscal moyen inférieur à 10.000 euros par an.
« Amédy, c’est pas Grigny. C’est l’histoire personnelle d’une vie, où à un moment il y a eu un tournant », explique « la grande bouche ». « Ici, on vit, on ne survit pas. On est tous solidaires, c’est un village. »
« Il n’a pas été élevé comme ça, défend son amie d’enfance, d’origine malienne comme lui. Tout ça, il l’a appris en prison, à Fleury-Mérogis », à moins de cinq kilomètres de là. Son dernier contact avec lui? « Quelques semaines avant les attaques, j’ai voulu le saluer, il m’a dit: +Je ne serre plus la main aux femmes+. C’est là que j’ai compris. »
« On veut nous coller une étiquette »
Chez elles règne la crainte que ces événements aggravent l’isolement
d’un territoire où le sentiment d’abandon est déjà fort. « Ce sont des
années et des années de stigmatisation, la couche est épaisse, elle ne
s’enlève pas comme ça », déplore une historique du quartier, arrivée dès
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Sur toutes les lèvres, la peur de ne plus pouvoir assurer « un avenir pour leurs enfants ». Les CV avec Grigny pour adresse n’ont jamais eu la cote auprès des employeurs, mais « après ce qui s’est passé, ce sera encore pire », s’inquiète l’élue FCPE. « Déjà il y a deux ans, on m’a refusé un poste d’assistante-comptable quand ils ont su où j’habitais », se souvient la bénévole du Secours populaire.
« On veut nous coller une étiquette, mais c’est faux. Mon fils a réussi, il s’en est sorti, aujourd’hui il a un travail de commercial », témoigne une maman arrivée en 2008.
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Les kamikazes "ne peuvent pas prétendre que leur suicide sont des actes commis par des martyrs qui deviendront des héros de l'oumma [la communauté musulmane], non, ils deviendront des héros du feu de l'enfer", a déclaré le Dr Tahir-ul-Qadri. "Il n'y a aucune place pour le martyre, et leurs actes ne seront jamais, jamais, considérés comme le djihad ['guerre sainte']", a-t-il ajouté.
Cette fatwa "peut être considérée comme l'argumentaire théologique le plus complet contre le terrorisme islamiste à ce jour", selon la fondation londonienne Quilliam, qui combat l'extrémisme musulman. Si d'autres responsables musulmans avaient par le passé déjà condamné le terrorisme, M. Qadri, qui s'est exprimé en anglais et en arabe, a souligné que cette fatwa écartait complètement tout type d'excuse pour justifier la violence. Il a souligné que l'islam était une religion de paix, appelant d'autres responsables religieux à rejoindre sa position.
Muhammad Tahir-ul-Qadri est à la tête du mouvement Minhaj-ul-Quran, une organisation de tradition soufie, qui combat l'extrémisme religieux dans des centres situés dans des dizaines de pays.
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Un éminent érudit musulman d'origine pakistanaise, Muhammad Tahir-ul-Qadri, a condamné mardi les terroristes, considérés comme des ennemis de l'islam, dans une fatwa (avis juridique donné par un spécialiste de loi islamique) rendue publique à Londres.
Il souligne que les actes de terrorisme ne pouvaient avoir aucune justification au nom de l'islam, condamnant notamment les attentats d'Al-Qaida, dans cette fatwa de quelque six cents pages présentée au cours d'une conférence de presse à Londres, en présence notamment de députés et de représentants d'associations caritatives.Les kamikazes "ne peuvent pas prétendre que leur suicide sont des actes commis par des martyrs qui deviendront des héros de l'oumma [la communauté musulmane], non, ils deviendront des héros du feu de l'enfer", a déclaré le Dr Tahir-ul-Qadri. "Il n'y a aucune place pour le martyre, et leurs actes ne seront jamais, jamais, considérés comme le djihad ['guerre sainte']", a-t-il ajouté.
Cette fatwa "peut être considérée comme l'argumentaire théologique le plus complet contre le terrorisme islamiste à ce jour", selon la fondation londonienne Quilliam, qui combat l'extrémisme musulman. Si d'autres responsables musulmans avaient par le passé déjà condamné le terrorisme, M. Qadri, qui s'est exprimé en anglais et en arabe, a souligné que cette fatwa écartait complètement tout type d'excuse pour justifier la violence. Il a souligné que l'islam était une religion de paix, appelant d'autres responsables religieux à rejoindre sa position.
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