Dialogue social : ce qui s’est passé
et ce qui reste à venir
publié le 18/01/2015 à 15H22 par Aurélie Seigne
Les séances de négociation sur la modernisation du dialogue social des 15 et 16 janvier devaient être les dernières. Au terme de
ces deux journées marathon, les partenaires sociaux ont pourtant convenu de se
revoir une ultime fois pour tenter de conclure. Récit.
Improbable scénario. Lorsqu’au petit matin du 17
janvier, les négociateurs de la modernisation du dialogue social descendent un
à un dans le hall du Medef, ce n’est pas munis du texte annoncé pour 21 heures
la veille. Après neuf heures d’une interminable attente au siège de
l’organisation patronale, ils repartent les mains vides, avec la perspective
d’une nouvelle séance dans la semaine qui suit, mais sans avoir arrêté de date.
« Le patronat n’a pas eu le mandat pour
répondre aux attentes des organisations syndicales », disent les uns.
« Il était impossible de concilier certaines positions
syndicales », disent les autres. « Le texte possible
aujourd’hui n’était pas susceptible de recueillir un accord ; il ne
servait donc à rien de le présenter », élude le négociateur patronal,
Alexandre Saubot.
Une représentation dans les TPE, pour la première fois
Pourtant, les lignes avaient très nettement commencé à
bouger dès l’entame de la cinquième séance de négociation, le 15 janvier au
matin. Premier changement – de taille –, le texte remis sur table l’était par
deux organisations patronales sur trois. En acceptant d’y inscrire
« l’universalité des droits à la représentation des salariés », le
Medef est parvenu à rallier l’UPA (Union professionnelle des artisans), qui
refusait toute remise en cause des CPRIA (commissions paritaires régionales de
l’artisanat) qu’elle a contribué à mettre en place, tout en réclamant un
dispositif de représentation des salariés des entreprises de moins de 10. Comme
l’ensemble des organisations syndicales.
Le dispositif proposé prévoit le maintien de
l’existant dans les branches et secteurs déjà couverts (artisanat, secteur
agricole, professions libérales, etc.) et la possibilité d’une représentation
par accord de branche. Les salariés non couverts par l’un ou l’autre des
dispositifs (selon le négociateur patronal, cela représente environ un tiers
des 4,5 millions de salariés des TPE) seraient représentés au sein de
commissions régionales interprofessionnelles paritaires (Crip), mises en place
à compter du 1er juillet 2016. Celles-ci, composées de dix
représentants patronaux et dix représentants syndicaux auraient deux
missions : conseil aux salariés et employeurs ; information et
concertation, notamment sur l’emploi, la formation et la GPEC.
Ce n’est certes pas exactement le modèle défendu par
la CFDT dans le cadre de son mandat. Mais c’est la première fois que le sujet
est mis sur la table de la négociation. La chef file de la délégation CFDT,
Marylise Léon, salue « un geste fort de la part d’un patronat
engagé depuis 13 ans dans des procédures juridiques pour combattre les CPRIA ».
Elle revendique que les représentants siégeant dans les commissions soient
issus des TPE et qu’ils bénéficient d’une protection, comme tous les salariés
élus et mandatés.
Quand c’est flou, il y a un loup
Le texte paraît nettement moins convaincant en ce qui
concerne le conseil d’entreprise, l’instance unique dont le Medef a fait
d’entrée de jeu le cœur de son projet – un point non négociable, donc. Certes,
il réduit de 500 à 300 le seuil déclenchant de droit la mise en place d’une
commission Hygiène, sécurité et conditions de travail (HSCT) en son sein.
Certes, il accède à la demande de la CFDT d’entretiens professionnels dédiés
pour les représentants du personnel et d’une garantie d’augmentation salariale,
tout en renforçant les moyens de valoriser les compétences acquises durant le
mandat. Mais la révision de fond en comble de l’architecture du projet patronal
par rapport aux précédentes séances et le flou de nombreuses formulations
inquiètent les organisations syndicales – la CGT et FO rejettent par principe
l’idée d’une modification du cadre du dialogue social.
« C’est un champ de mines juridique »,
constate Marylise Léon au terme de cinq heures d’interruption de séance pour
examiner le texte dans le détail. « Le Medef réécrit en moins bien des
pans entiers du code du travail. Qu’il se concentre sur ce qui pourrait changer
et qu’il laisse le code du travail en paix pour le reste », assène
Joseph Thouvenel de la CFTC.
De vrais points durs sont soulignés. Les trois
organisations syndicales susceptibles d’accepter – sous conditions – l’instance
unique réclament que le texte grave dans le marbre la reprise de toutes les
missions, prérogatives et attributions des IRP actuelles. La CFDT conteste
vivement les attaques portées à l’expertise (avec une tentative d’élargissement
du cofinancement entre employeur et IRP), à la consultation, à l’autonomie de
négociation des délégués syndicaux (qui négocieraient au nom du conseil
d’entreprise et non plus de leur organisation syndicale). Sans compter la question
des moyens, nettement diminués. La CFDT approuve l’ouverture sur
l’annualisation et la mutualisation des heures de délégation, mais revendique
un quota d’heures dédiées aux organisations syndicales pour mener des actions
en dehors de l’entreprise.
À 20h30, le 15 janvier, les partenaires sociaux se
quittent avec la promesse patronale d’un texte levant les inquiétudes, qui doit
être remis sur table dès le lendemain à 11 heures.
Avancées, chausse-trappes et points durs
Le vendredi 16 janvier, la sixième – et théoriquement
ultime – séance de négociation démarre avec du retard. Le projet de texte se
fait attendre, en raison d’un « problème informatique ». À
12h30, la séance démarre. À 13 heures, les délégations rejoignent les salles de
travail qui leur ont été attribuées pour l’examiner.
À première vue, le texte semble répondre aux
principales demandes syndicales. À commencer par l’inscription noir sur blanc
que le conseil d’entreprise reprend à son compte « l’intégralité des
missions et prérogatives des délégués du personnel » pour les
entreprises de 11 à 49 salariés et « des délégués du personnel, du
comité d’entreprise et du CHSCT » pour les entreprises de 50 salariés
et plus. Un article préliminaire précise par ailleurs que le texte ne modifie
que les points expressément visés.
Mais de nombreux chausse-trappes demeurent et autant
de « points durs » pour la CFDT : moyens, expertise,
délégués syndicaux, consultation, protection des salariés siégeant dans les
futures Crip… La CGC insiste pour sa part sur le maintien de la personnalité
juridique de la commission HSCT instaurée de droit dans les plus de 300 – et
par accord dans les entreprises de 50 à 300. La CFTC s’interroge également sur
les moyens et l’expertise, ainsi que sur le financement de la formation des
élus et mandatés et celui des Crip.
Vers 16 heures, la négociation reprend. Titre par
titre, article par article, les organisations syndicales énoncent les points
qui ne leur conviennent pas, émettent des propositions de changement, défendent
leurs revendications. La délégation patronale prend note. « Mais on ne
nous dit rien. On ne sait jamais s’ils vont en tenir compte ou pas »,
regrettent les négociateurs syndicaux.
Deux heures plus tard, la séance est de nouveau
suspendue, avec la promesse d’un nouveau texte à 21 heures, vite reportée à
22h30. Le temps semble suspendu, alors que les minutes, puis les heures
s’égrènent. Une reprise de séance est annoncée entre 3 et 4 heures du matin,
puis entre 4 et 5 heures. Quelques minutes avant 6 heures du matin, les
négociateurs annoncent qu’ils mettent fin à la séance et prévoient de se revoir
lors d’une nouvelle ultime séance. Parviendront-ils alors à un texte
d’accord ? La fin de l’histoire reste à écrire.
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