PUBLIÉ LE 24/09/2013 À 17H06par Marie-Nadine Eltchaninoff
Le coup d’envoi de la négociation sur la formation professionnelle, prévue par la feuille de route sociale 2013, a été donné le 24 septembre. Cette première séance aura permis de fixer un calendrier à raison d’une séance tous les quinze jours, pour que, selon le souhait du gouvernement, la négociation arrive à son terme avant la fin de l’année et soit transposée dans un texte de loi au début de 2014. Si un accord entre les partenaires sociaux n’émergeait pas dans ce délai, le gouvernement reprendrait l’initiative.
« Nous souhaitons aboutir à une réforme ambitieuse qui permette de réduire les inégalités d’accès à la formation », souligne Marie-Andrée Seguin la cheffe de file de la délégation CFDT qui aborde cette négociation avec la volonté de ne pas se contenter de quelques ajustements mais de réformer en profondeur et de jeter les bases d’une véritable garantie sociale d’employabilité.
Un accès à la formation qui doit bénéficier à tous
La formation bénéficie actuellement aux cadres et salariés des grandes entreprises, mais très peu aux salariés les moins qualifiés, jeunes ou chômeurs. « Cette négociation doit être centrée sur les besoins des salariés et des demandeurs d’emploi, deux publics qu’il ne faut pas opposer, en adéquation avec les mutations de l’économie et du marché du travail », ajoute la secrétaire nationale chargée du dossier de la formation professionnelle. « Il nous faut un appareil de formation plus agile et des entreprises plus impliquées, a, de son côté, indiqué Michel Sapin, le ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le 11 septembre. La réforme de la formation professionnelle est une composante majeure de notre pacte de compétitivité. »
"Cette négociation doit être centrée sur les besoins
des salariés et des demandeurs d’emploi"
Marie-Andrée Seguin
des salariés et des demandeurs d’emploi"
Marie-Andrée Seguin
Un CPF et conseil en évolution professionnelle
Côté nouveaux dispositifs, le CPF (compte personnel de formation) – une revendication de la CFDT actée par l’Ani du 11 janvier 2013 puis inscrite dans la loi sur l’emploi – sera attaché non pas au contrat de travail mais à la personne, quelle que soit sa situation, en emploi ou non, « dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à son départ en retraite ». Le conseil en évolution professionnelle aidera les salariés et les demandeurs d’emploi à clarifier leurs besoins en formation et à mieux s’orienter dans l’offre existante. L’Igas, dans un récent rapport, a souligné les « difficultés » rencontrées tant par les conseillers de Pôle emploi que par les chômeurs, devant « la multiplicité des acteurs » et « la complexité des critères et des modalités d’accès au financement ». Le constat vaut pour les salariés des petites entreprises. La CFDT propose que les futurs « opérateurs de l’orientation » – les acteurs du service public de l’emploi mais aussi le Fongecif, l’Apec pour les jeunes diplômés et les cadres, l’Afpa et les Greta – assurent l’accueil, le conseil et l’accompagnement dans la conduite du projet professionnel.
Le rythme de la négociation sera d'une séance tous les quinze jours.
Cela contribuerait à éviter au CPF le sort connu par le droit individuel à la formation, mal connu et sous-utilisé. Le CPF sera intégralement transférable mais non monétisable. La CFDT propose qu’aux 20 heures par an (acquis du Dif) puissent s’ajouter des droits issus de plusieurs sources de financement, dont un « droit de tirage » personnalisé pour la formation initiale différée (pas nécessairement sous statut scolaire) inversement proportionnel au niveau initial, ou encore des droits liés à une situation spécifique (salarié d’une entreprise en difficulté, priorité définie à l’échelon d’une branche ou d’une région). Ainsi, un jeune sorti du système scolaire sans qualification verrait son compte crédité d’un capital d’heures de formation qu’il pourrait compléter de 20 heures chaque année travaillée.
Autre axe de revendication afin de réduire les inégalités d’accès : améliorer la mutualisation des fonds. Un premier pas a déjà été fait avec la création en 2009 du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, géré par les partenaires sociaux, qui permet de financer des actions en faveur des publics les plus éloignés de l’emploi ou les moins qualifiés. Le FPSPP pourrait, selon la CFDT, voir son rôle élargi.
Reconfigurer l’obligation légale
« Nous ne sommes pas demandeurs d’une suppression de l’obligation légale, précise Marie-Andrée Seguin. En revanche, nous proposons de reconfigurer la répartition de cette obligation pour alimenter le CPF. » Les entreprises de plus de 10 salariés sont en effet soumises à l’obligation légale de dépenser 0,9 % de leur masse salariale en formation continue, et leur priorité va trop souvent aux salariés qui en ont le moins besoin. « Je souhaite que les partenaires sociaux s’emparent du sujet de l’obligation légale, a indiqué Michel Sapin. Je suis prêt à un nouvel équilibre entre l’initiative individuelle et la responsabilité collective. » Au cours des négociations précédentes sur la formation professionnelle, en 2003 et 2009, l’idée d’une contribution sociale a émergé mais n’a pas été retenue. La CFDT propose de réfléchir à une contribution en lien avec la négociation collective dans l’entreprise, et plus particulièrement celle du plan de formation.
Une gouvernance territoriale
La CFDT préconise une nouvelle gouvernance territoriale de la formation professionnelle, qui donne aux partenaires sociaux la possibilité d’intervenir sur les choix stratégiques en région. Le projet de loi de décentralisation, dont l’examen a été repoussé, insiste d’ailleurs sur le renforcement de la compétence de la région en matière de formation professionnelle. Il est possible que ces dispositions soient finalement intégrées au texte de loi relatif à la formation.
Une négociation et deux concertations
Une importante concertation sur l’apprentissage
À côté de la formation professionnelle, l’apprentissage fait lui aussi l’objet d’une concertation en vue d’une réforme. En ligne de mire, l’objectif gouvernemental de 500 000 contrats. La taxe d’apprentissage (0,5 % de la masse salariale) bénéficie réellement à l’apprentissage à hauteur de seulement 62 % de la collecte. À l’heure où 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, et se trouvent donc en situation de fragilité sur le marché du travail, la CFDT suggère que la taxe finance l’acquisition pour tous d’un premier niveau de qualification, quel que soit le type d’établissement (CFA ou autre) et le statut de la personne. |
Sur le plan pratique, le débat s’organise à plusieurs niveaux. À côté de la négociation à proprement parler, deux chantiers spécifiques mobiliseront les partenaires sociaux. Le premier sera consacré au compte personnel de formation et au conseil en évolution professionnelle, dispositifs créés par l’accord national du 11 janvier 2013 puis la loi de sécurisation de l’emploi et qui feront l’objet d’une concertation quadripartite rassemblant les organisations syndicales, patronales, l’État et les régions. « C’est une bonne chose que les régions participent à la concertation, car ce sont des acteurs importants de la formation », approuve Marie-Andrée Seguin. Le second chantier, en cours, réunit ces mêmes partenaires plus les chambres consulaires, et porte sur la réforme de l’apprentissage.
photo © Lydie Lecarpentier / Réa
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