Le préjudice d’anxiété reconnu hors-amiante
Le 06 février 2015 par Romain Loury
Les "gueules noires" auront-ils aussi droit au préjudice d'anxiété?
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Le préjudice d’anxiété remonte à un arrêt de la cour de cassation du 11 mai 2010, reconnaissant que les préretraités de l’amiante «se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse» (arrêt du 11 mai 2010).
C’est à ce motif que les 10 plaignants lorrains, retraités des mines de fer, avaient porté plainte contre le liquidateur de Sacilor-Lormines. Le conseil des prud’hommes de Longwy (Meurthe-et-Moselle) leur a donné raison vendredi en début d’après-midi, leur accordant à chacun 4.500 euros -plus 500 euros de frais de justice.
Après Longwy, Forbach
C’est la première fois que le préjudice d’anxiété est reconnu au-delà du domaine de l’amiante. Contacté par le JDLE, François Dosso, de la CFDT-Mineurs, y voit «une grande victoire» et l’«ouverture d’une brèche». Reste à savoir si le condamné fera appel, ce qui semble plus que probable.
Prochaine étape, le conseil des prud’hommes de Forbach (Moselle) doit rendre un jugement le 13 mai dans un cas similaire, celui d’environ 850 anciens mineurs de charbon face au liquidateur de Charbonnages de France. Les audiences s’enchaîneront dans l’année par groupe d’une cinquantaine de plaignants, le jugement du 13 mai concernant 55 d’entre eux [1].
Contacté par le JDLE, Me Jean-Paul Teissonnière, avocat des plaignants dans les deux affaires, voit derrière ce premier jugement «une étape importante». Même si la somme de 4.500 euros se situe «dans la fourchette basse» de celle accordée aux travailleurs de l’amiante, qui va de 4.000 euros à 30.000 euros.
Une démarche «réfléchie, responsable»
Cependant, où faut-il tracer la ligne jaune, au-delà de laquelle une exposition professionnelle ouvre légitimement le droit à un préjudice d’anxiété? «La limite, c’est le discernement des juges», estime Jean-Paul Teissonnière.
S’«il est évident que [ce principe] ne peut pas concerner que les travailleurs de l’amiante», «il faut que la démarche soit réfléchie, responsable: il n’est pas question de demander n’importe quoi, par exemple au motif que des salariés auraient trop utilisé leur téléphone portable».
«Il faut d’une part un risque extrêmement important, mortel ou gravement invalidant, d’autre part que l’employeur ait eu conscience du danger et n’ait pas mis en œuvre les mesures pour protéger les salariés», résume l’avocat.
A Longwy, la défense a notamment plaidé l’éventuelle prescription des faits: âgés de 72 à 82 ans, «certains des plaignants ont quitté la mine il y a plus de 30 ans», rappelle François Dosso.
Les prud’hommes ont toutefois estimé que la plainte était recevable, le délai de prescription ne débutant pas avec le départ de l’entreprise, mais avec la conscience du risque. «Dans ce cas particulier, la justice a estimé qu’il n’y avait pas prescription, mais ce ne sera pas forcément extensible à tous les cas», note François Dosso.
[1] Un dossier similaire est en cours d’instruction au conseil des prud’hommes de Lyon, avec d’anciens verriers de Givors (Rhône).
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