La ministre de la Ville Najat Vallaud-Belkacem a présenté la nouvelle carte de la géographie prioritaire, mardi 17 juin, lors des Journées nationales d’échanges des acteurs de la rénovation urbaine (JERU). A compter du 1er janvier 2015, 1 300 quartiers en métropole seront éligibles à la politique de la ville au lieu d’un peu plus de 2 500 jusqu’à présent.
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Banlieues: la nouvelle politique de la Ville répond-elle aux attentes des professionnels ?
CHIFFRES-CLÉS
Nouvelle géographie prioritaire :
« La liste ! La liste ! La liste ! » Lors de l’examen de la réforme de la politique de la ville au Parlement à l’automne puis à l’hiver dernier, sénateurs et députés avaient vivement réclamé la publication de la liste de la géographie prioritaire. Avec certes quelques mois de retard, le ministère de la Ville l’a finalement publiée mardi 17 juin en inauguration des Journées nationales d’échanges des acteurs de la Rénovation Urbaine (JERU).
Fini les 751 zones urbaines sensibles (ZUS) – comprenant elles-mêmes 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU) et 100 zones franches urbaines (ZFU) –, les 2 492 quartiers sous contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et les 594 disposant d’une convention de rénovation urbaine ; place désormais à 1 300 territoires-cibles. Objectif : simplifier une politique de la ville devenue un « symbole de complexité » après vingt ans d’empilement de zonages successifs.
100 nouvelles communes - Ces 1 300 quartiers prioritaires sont concentrés sur 702 communes – dont 100 qui n’en faisaient pas partie – en lieu et place des 900 villes qui bénéficiaient jusqu’ici des subventions, dispositifs spécifiques (rénovation urbaine, réussite éducative, etc…), avantages fiscaux et autres majorations de postes liés à la politique de la ville.
Font donc leur apparition dans cette nouvelle carte : Villers-Cotterêts (Aisne), Privas (Ardèche), Foix, Pamiers (Ariège), Gardanne (Bouches-du-Rhône), Guéret (Creuse), Sochaux (Doubs), Uzès (Gard), Auch (Gers), Issoudun (Indre), Dax (Landes), Villeneuve-sur-Lot, Marmande (Lot-et-Garonne), Le Bourget (Seine-Saint-Denis), Joigny (Yonne), entre autres…
Critère de pauvreté - « De l’innovation à l’exclusion, le fait urbain concentre les paradoxes de nos sociétés et les porte parfois à son paroxysme au sein d’un même territoire. La politique de la ville, qui a pour objet de lutter contre la spécialisation sociale des quartiers, les fractures territoriales, l’enclavement, doit s’y attaquer. C’est pourquoi ces quartiers ont été choisis selon le critère simple et unique de la pauvreté », a justifié la nouvelle ministre de la Ville.
Comme défini par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 22 février 2014 puis par le Conseil d’Etat le 10 juin dernier, la faiblesse de revenus des habitants (lorsque la moitié de la population vit avec moins de 60% du revenu fiscal médian national, soit 11 250€/an) a été mesurée à l’aide d’un carroyage découpant la France en entités de 200m x 200m.
Puis ce critère a été mis en rapport et pondéré avec les revenus nationaux (70%) et locaux (30%) afin de tenir compte du coût de la vie, susceptible de varier selon les territoires, notamment en Ile-de-France (où le ratio a été inversé).
Puis ce critère a été mis en rapport et pondéré avec les revenus nationaux (70%) et locaux (30%) afin de tenir compte du coût de la vie, susceptible de varier selon les territoires, notamment en Ile-de-France (où le ratio a été inversé).
Mise à jour urbaine et rurale - Au-delà des communes entrantes, la nouvelle liste des territoires-cibles de la politique de la ville repêche deux tiers des communes jusqu’ici déjà bénéficiaires.
85% des zones urbaines sensibles (638) et 82% des quartiers Cucs de priorité 1 (903), qui concentraient jusqu’alors l’essentiel des moyens du ministère de la Ville et de l’ACSé, ont été effectivement repris.
85% des zones urbaines sensibles (638) et 82% des quartiers Cucs de priorité 1 (903), qui concentraient jusqu’alors l’essentiel des moyens du ministère de la Ville et de l’ACSé, ont été effectivement repris.
« Cette carte met à jour la réalité des poches de pauvreté en France, que ce soit dans des tours et des barres d’immeubles en périphérie des grandes villes ou dans des lotissements pavillonnaires », s’est enorgueillie Najat Vallaud-Belkacem. D’où l’entrée de villes moyennes, aux centre-villes parfois dégradés, ainsi que de quelques territoires ruraux.
Un tiers de communes exclues - En revanche, 300 communes sont exclues de la géographie prioritaire afin de « mettre fin au saupoudrage financier et concentrer les moyens là où il y en a le plus besoin. »
On recense : Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), Crest (Drôme), Palaiseau, Yerres (Essonne), Sceaux, Rueuil-Malmaison (Hauts-de-Seine), Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), Ecully (Rhône), Le Grand-Quevilly (Seine-Maritime), Maisons-Alfort (Val-de-Marne).
On recense : Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), Crest (Drôme), Palaiseau, Yerres (Essonne), Sceaux, Rueuil-Malmaison (Hauts-de-Seine), Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), Ecully (Rhône), Le Grand-Quevilly (Seine-Maritime), Maisons-Alfort (Val-de-Marne).
« Parmi elles, il y a les villes qui n’auraient jamais dû être dans la politique de la ville : les sorties de Biarritz, Saint-Raphaël ou Boulogne-Billancourt ne devraient pas surprendre… Il y a également des communes qui ont légitimement bénéficié des différents dispositifs mais vont mieux aujourd’hui. Comparée aux 1 300 autres quartiers, leur situation est désormais plus confortable » a énuméré Najat Vallaud-Belkacem, persuadée de mener une réforme « juste et objective. »
Quelques sorties en douceur - En tout état de cause, il s’agit pour l’essentiel des ZUS et des CUCS les moins prioritaires et donc les moins dotées jusqu’ici en crédits par le ministère de la Ville.
« Pour autant, un certain nombre d’entre elles continuent de présenter des vulnérabilités et pourront être classées en veille active. Nous avons demandé aux préfets et aux élus locaux de les suivre de près afin que nous puissions, le cas échéant, mobiliser avec insistance les moyens de droit commun », a-t-elle tenté de rassurer.
« Pour autant, un certain nombre d’entre elles continuent de présenter des vulnérabilités et pourront être classées en veille active. Nous avons demandé aux préfets et aux élus locaux de les suivre de près afin que nous puissions, le cas échéant, mobiliser avec insistance les moyens de droit commun », a-t-elle tenté de rassurer.
A n’en pas douter, ce dispositif dérogatoire et limité devrait concentrer les critiques des élus locaux qui réclamaient initialement qu’il soit généralisé à toutes les communes sortantes. Bien qu’officiellement consensuel, ce toilettage de la discrimination positive territoriale risque de ne plus faire l’unanimité, dans un contexte également marqué par la baisse programmée des dotations de l’Etat aux collectivités.
Sous la mandature Sarkozy, le gouvernement était également désireux de corriger la géographie prioritaire mais avait finalement cédé en 2009 face aux « égoïsmes locaux » et à la bronca des élus locaux.
Sous la mandature Sarkozy, le gouvernement était également désireux de corriger la géographie prioritaire mais avait finalement cédé en 2009 face aux « égoïsmes locaux » et à la bronca des élus locaux.
Préparation des contrats de ville - En ce qui concerne les heureux élus intégrant cette nouvelle géographie prioritaire, les acteurs locaux voient désormais s’ouvrir un nouveau chapitre de la réforme de la politique de la ville : sa déclinaison sur le terrain. A partir de ces statistiques, les préfets vont engager « un dialogue avec les collectivités pour ajuster le périmètre définitif des territoires prioritaires aux réalités locales. »
Pas question cependant de se faire happer par l’ouverture de ces nouvelles négociations. Disposant d’environ six mois pour boucler les nouveaux contrats de ville, élus et fonctionnaires abritant un territoire prioritaire feraient bien d’entamer dès aujourd’hui, comme le leur recommande Najat Vallaud-Belkacem, la préparation de ces documents stratégiques qui permettront d’engager tous les acteurs publics autour du renforcement de la solidarité nationale.
l’Observatoire des inégalités, analyse les faiblesses et les effets pervers de la nouvelle classification de la géographie prioritaire:
Politique de la ville et nouvelle géographie prioritaire : un concentré d’erreurs
La nouvelle politique de la ville concentre ses moyens sur les plus pauvres. Au risque de pénaliser certains territoires en difficulté. Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, analyse les faiblesses et les effets pervers de la nouvelle classification de la géographie prioritaire.
© C. Chigot
Louis Maurin,Directeur de l’Observatoire des inégalités
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Banlieues: la nouvelle politique de la Ville répond-elle aux attentes des professionnels ?
En pleine crise de l’emploi, 300 communes sur 900 sortent de la géographie prioritaire de la politique de la ville et une centaine y entre, selon le nouveau découpage annoncé par le gouvernement. Celui-ci vient de redéfinir la carte d’une politique qui soutient les quartiers où la situation sociale est la plus difficile.
Avec désormais un seul critère, le revenu. Les territoires retenus sont ceux où le revenu par habitant est inférieur à 60 % du revenu médian national qui s’élève à 11 250 euros par an(1). Hormis les élus des communes évincées, personne n’y trouvera grand-chose à redire, pourtant cette situation illustre à merveille les déboires des politiques sociales actuelles.
Un problème de méthode - Il est logique de faire évoluer la carte des territoires soutenus par la collectivité. Certains s’en sortent mieux qu’hier, d’autres, qui n’étaient pas en crise hier, le sont aujourd’hui. Mais la façon de faire pose problème. Faute de s’intéresser à la méthode, rares sont ceux qui comprennent vraiment de quoi il en ressort, même si quelques experts ont déjà souligné les problèmes posés par l’utilisation du critère de revenu (2).
La réforme de la politique de la ville semble tomber sous le sens : on remplace des critères obscurs de définition d’un quartier prioritaire de la politique de la ville par celui du seul revenu. « Ce critère objectif est un bon indicateur de l’ensemble des difficultés rencontrées », écrit le ministère. « Simple et lisible », a répété la communication gouvernementale qui a été reprise partout.
C’est faux. Il manque à la communication du gouvernement plusieurs choses. D’une part, ces fameux revenus sont connus avec trois ans de retard : en 2014, on juge de la situation de 2011, ce qui pose un problème en période de décrochage des plus pauvres. D’autre part, ils n’incluent pas les prestations sociales.
Les experts des ministères ont oublié que dans ces quartiers en difficulté, il arrive que 10, voire 20 % ou plus, de la population ne touche aucun autre revenu que ces prestations. Les seules données locales qui existent comprenant une estimation des prestations sociales ont été publiées par le bureau d’étude privé Compas (3).
Enfin, le revenu ne résume pas les difficultés. Une partie des quartiers touchés de plein fouet par le chômage ne voit ses revenus diminuer qu’avec retard, notamment à la fin des périodes d’indemnisation. Les difficultés scolaires incrustent dans le temps les difficultés sociales et n’apparaissent pas forcément dans les données sur les revenus.
Enfin, le revenu ne résume pas les difficultés. Une partie des quartiers touchés de plein fouet par le chômage ne voit ses revenus diminuer qu’avec retard, notamment à la fin des périodes d’indemnisation. Les difficultés scolaires incrustent dans le temps les difficultés sociales et n’apparaissent pas forcément dans les données sur les revenus.
Un choix politique - Il y a encore plus grave. En pleine crise de l’emploi, qui frappe d’abord les populations les plus fragiles et donc les territoires les plus pauvres, on réduit les moyens financiers d’une partie de ces quartiers. Une partie d’entre eux n’auraient jamais dû être considérés comme prioritaires : ils ont été classés comme tel de fait des relations politiques de leurs élus. D’autres sont sortis de l’ornière, du fait de politiques de renouvellement urbain ou du développement de l’emploi, notamment.
Admettons, ce qui est hautement improbable, que les deux premières catégories – les faux quartiers en difficulté et ceux qui s’en sont sortis – forment la moitié des 300 communes qui vont sortir du dispositif de la politique de la ville, il restera toujours 150 villes qui vont donc perdre des ressources alors que certains de leurs quartiers restent dans une situation sociale très tendue, même si elle n’est pas mesurée par le seul rapport au revenu médian.
« La réforme de la géographie prioritaire vise à concentrer les moyens vers les quartiers qui en ont le plus besoin », indique le ministère. Le procédé illustre une idée à la mode : concentrer les moyens sur les plus pauvres. Le type même du bon vieux sens commun qui va de soi, que tout le monde adopte sans trop y réfléchir (4) mais qui, au fond, pose de sérieux problèmes. Notamment pour les territoires.
On raisonne à dépenses constantes pour la politique de la ville. Ce faisant, on dépouille le moins pauvre pour habiller le plus pauvre. Pourquoi ? Parce que, nous dit-on, les ressources sont rares. Ce n’est pas vrai : la preuve, le gouvernement va dépenser 35 milliards d’euros en diminution de cotisations pour les entreprises ou d’impôts (via le « pacte de responsabilité »). En face, les économies réalisées en refusant de maintenir quelques quartiers démunis dans le périmètre de la politique de la ville sont dérisoires, de l’ordre de quelques millions d’euros.
Qu’on le dise ou non, il s’agit d’un choix politique. L’argent dépensé pour les quartiers en difficulté n’apparait pas comme une priorité en matière de politique sociale. Au passage, la concentration des moyens sur les plus pauvres est l’une des tentations constantes des politiques sociales, que l’on retrouve régulièrement, par exemple avec les zones d’éducation prioritaires ou la politique familiale.
A force de devenir du concentré de politique, les politiques publiques perdent leur universalité et donnent aux classes moyennes (celles qui sont vraiment moyennes, pas les classes aisées rebaptisées moyennes) l’impression qu’on les laisse de côté même si elles ne sont pas les plus démunies.
A force de devenir du concentré de politique, les politiques publiques perdent leur universalité et donnent aux classes moyennes (celles qui sont vraiment moyennes, pas les classes aisées rebaptisées moyennes) l’impression qu’on les laisse de côté même si elles ne sont pas les plus démunies.
La réforme de la politique de la ville est surtout un concentré des erreurs des politiques sociales à la française actuelles. Tout y est. Son caractère technocratique. La maigreur du débat de fond. La méconnaissance du travail de ceux qui analysent les questions territoriales au quotidien : l’observation sociale est aujourd’hui en plein essor. L’art de la communication et la reprise de la bonne idée qui va de soi. Enfin et surtout les dégâts causés par des politiques qui perdent de leur universalisme et donc leur légitimité, qui se recroquevillent sur les plus pauvres des plus pauvres et abandonnent ceux qui souffrent un peu moins.
FOCUS
La pauvreté reste au cœur des villes
La nouvelle carte de la politique de la ville dessine le paysage de la France des bas revenus. Une France essentiellement urbaine, en périphérie proche et parfois même au cœur des plus grandes villes. A l’encontre d’une autre idée à la mode qui est celle que la France « périphérique », rurale ou périurbaine, serait celle la plus en difficulté.
La France qui paie la crise est d’abord celle des zones urbaines sensibles. Le taux de pauvreté au seuil de 60 % y est passé de 30,5 à 36,5 % entre 2006 et 2011 (+6 points), contre 11,9 à 12,7 % hors des zones urbaines sensibles.
La France qui paie la crise est d’abord celle des zones urbaines sensibles. Le taux de pauvreté au seuil de 60 % y est passé de 30,5 à 36,5 % entre 2006 et 2011 (+6 points), contre 11,9 à 12,7 % hors des zones urbaines sensibles.
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