« Avec la réforme territoriale, aucun agent n’y perdra » – Marylise Lebranchu
Publié le 23/06/2014 • Par Philippe Pottiée-Sperry, Emmanuelle Quémard, Agathe Vovard • dans : A la une, A la une emploi, A la Une RH, Actu Emploi, France, Toute l'actu RH
Baisse des cotisations, retraites, transferts des agents, gel du point d’indice… Marylise Lebranchu revient, pour la Gazette des communes, sur les grands chantiers qui préoccupent les fonctionnaires, notamment dans le cadre de la réforme territoriale.
La baisse des cotisations retraite ne fait pas l’unanimité auprès des syndicats, qui mettent en doute les retombées réelles de cette mesure en matière de pouvoir d’achat. Que leur répondez-vous ?
Au final, l’augmentation du pouvoir d’achat sera réelle d’autant plus qu’elle s’ajoutera à la revalorisation de la grille de la catégorie C. 100 % des agents de catégorie C sont concernés par cette réforme, ainsi que 70 % des « B » et 20 % des « A ».
Sur leur bulletin de salaire de janvier 2015, les agents pourront observer deux modifications. Nous souhaitons instaurer une baisse dégressive des cotisations qui sera de 2 % pour les fonctionnaires rémunérés au niveau du Smic afin d’améliorer le pouvoir d’achat. Dans le même temps, les réformes des retraites successives prévoient une hausse des cotisations retraite de 0,4 % pour faire converger le secteur public avec le privé (2010) et financer le départ à la retraite à 60 ans des Français ayant eu des carrières longues (2012).
L’approche des syndicats est différente de la nôtre. En période difficile, nous avons décidé de mettre en place une mesure qui vaut quand on n’a pas les moyens d’augmenter le point d’indice. Avec une augmentation de 1 % de ce dernier, soit un coût de 1,5 milliard d’euros, le gain de pouvoir d’achat des bas salaires serait moins important qu’avec la mesure que nous prenons. Je souhaiterais, en outre, instaurer une contribution de solidarité pour les agents de catégorie A+, c’est-à-dire percevant davantage qu’un ministre, mais cette mesure n’a pas encore été arbitrée.
Sur leur bulletin de salaire de janvier 2015, les agents pourront observer deux modifications. Nous souhaitons instaurer une baisse dégressive des cotisations qui sera de 2 % pour les fonctionnaires rémunérés au niveau du Smic afin d’améliorer le pouvoir d’achat. Dans le même temps, les réformes des retraites successives prévoient une hausse des cotisations retraite de 0,4 % pour faire converger le secteur public avec le privé (2010) et financer le départ à la retraite à 60 ans des Français ayant eu des carrières longues (2012).
L’approche des syndicats est différente de la nôtre. En période difficile, nous avons décidé de mettre en place une mesure qui vaut quand on n’a pas les moyens d’augmenter le point d’indice. Avec une augmentation de 1 % de ce dernier, soit un coût de 1,5 milliard d’euros, le gain de pouvoir d’achat des bas salaires serait moins important qu’avec la mesure que nous prenons. Je souhaiterais, en outre, instaurer une contribution de solidarité pour les agents de catégorie A+, c’est-à-dire percevant davantage qu’un ministre, mais cette mesure n’a pas encore été arbitrée.
Pour les syndicats, ce nouveau dispositif remet aussi en cause le système de protection sociale…
Nous avons choisi de garder un système par répartition, et non par capitalisation. Ce n’est pas la part de cotisation qui conditionne le montant de la pension. Avec cette réforme, le mode de calcul des retraites n’est pas modifié, nous restons dans un système de solidarité. Les craintes des syndicats n’ont pas de raison d’être.
Comment entendez-vous mener les négociations sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations ?
Ce n’est pas facile, mais nous savons où nous allons tous ensemble. Nous allons aborder un champ très large de questions : le nombre de catégories statutaires, la revalorisation des grilles pour remettre de l’espace entre chaque niveau, la durée des carrières, les promotions au grade supérieur, la simplification des 1 700 régimes indemnitaires ainsi que l’accès à la mobilité avec notamment une harmonisation entre les trois fonctions publiques et la simplification des règles de gestion.
Il faut que nous puissions continuer à recruter dans la fonction publique et qu’elle reste attractive. Si l’on manque de fonctionnaires à un moment donné, c’est notre modèle français, fondé sur les services publics, qui sera menacé. Et, pour recruter, il faut des perspectives de carrières intéressantes.
Il faut que nous puissions continuer à recruter dans la fonction publique et qu’elle reste attractive. Si l’on manque de fonctionnaires à un moment donné, c’est notre modèle français, fondé sur les services publics, qui sera menacé. Et, pour recruter, il faut des perspectives de carrières intéressantes.
Les organisations syndicales ne souhaitent pas continuer ces négociations tant qu’un geste n’est pas fait en faveur du point d’indice. Comment réagissez-vous ?
C’est leur choix. Il ne faut pas confondre démocratie politique et démocratie sociale. Les organisations syndicales souhaitent une revalorisation du point d’indice, mais elles savent aussi que nous avons besoin de travailler sur les grilles, qui se sont déstructurées au fil des années. Elles souhaitent, comme moi, engager ce travail.
Quel est le calendrier d’examen du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, reporté à plusieurs reprises depuis un an ?
Pour l’instant, l’agenda parlementaire ne permet pas d’examiner ce texte. Ce qui est intéressant, c’est de réaffirmer le statut. Tel est l’objet de la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. Le projet de loi passera lorsque ce sera possible, peut-être début 2015. Les syndicats sont majoritairement satisfaits de ce texte.
Le rapport de l’inspection générale de l’administration sur les centres de gestion (CDG) est sur votre table. Leur fusion avec les délégations du CNFPT est-elle actée ?
Ce rapport n’est pas acté. Il propose plusieurs autres scénarios. Nous avons enregistré ses propositions, mais il faut d’abord consulter les syndicats et les employeurs territoriaux. Les syndicats sont attachés à une organisation qui permet de réhabiliter la formation professionnelle dans les parcours de carrière. Le rapprochement entre les CDG et le CNFPT permettrait la fusion des moyens, des fonctions support, des échanges, une harmonisation des pratiques… les sujets ne manquent pas.
Sur des questions comme celles des « reçus-collés », des calendriers des concours et de l’accès des contractuels à la fonction publique, des avancées sont possibles sans rapprochement entre CDG et CNFPT, mais cela serait plus aisé s’il n’y avait qu’une seule structure. Par exemple, une personne reçue à un concours et n’ayant pas de poste pourrait être mise à disposition et effectuer des remplacements qui seraient pris en compte pour la validation de son parcours. Nous ne sommes pas encore prêts, il faut prendre le temps de discuter de l’ensemble des propositions du rapport.
Sur des questions comme celles des « reçus-collés », des calendriers des concours et de l’accès des contractuels à la fonction publique, des avancées sont possibles sans rapprochement entre CDG et CNFPT, mais cela serait plus aisé s’il n’y avait qu’une seule structure. Par exemple, une personne reçue à un concours et n’ayant pas de poste pourrait être mise à disposition et effectuer des remplacements qui seraient pris en compte pour la validation de son parcours. Nous ne sommes pas encore prêts, il faut prendre le temps de discuter de l’ensemble des propositions du rapport.
A ce stade de la réforme territoriale, que pouvez-vous dire pour rassurer des agents très inquiets sur leur transfert et leurs missions à venir, notamment ceux qui exercent les compétences sociales dans les départements ?
C’est très simple : dans le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République que je porte, il est écrit qu’un fonctionnaire changeant d’employeur conservera sa rémunération, son échelon, son grade, son ancienneté, sa protection sociale, etc. Aucun agent n’y perdra.
En revanche, ce qui peut poser problème est le coût des régimes indemnitaires puisqu’il faudra appliquer celui de l’ancienne collectivité, même s’il est plus avantageux. Par ailleurs, je sais que les fonctionnaires ont des inquiétudes concernant leur lieu de travail mais, qu’ils se rassurent, on ne va pas faire déménager les personnes âgées ou handicapées avec la nouvelle carte territoriale, donc on ne fera pas non plus déménager les agents qui s’en occupent.
En revanche, ce qui peut poser problème est le coût des régimes indemnitaires puisqu’il faudra appliquer celui de l’ancienne collectivité, même s’il est plus avantageux. Par ailleurs, je sais que les fonctionnaires ont des inquiétudes concernant leur lieu de travail mais, qu’ils se rassurent, on ne va pas faire déménager les personnes âgées ou handicapées avec la nouvelle carte territoriale, donc on ne fera pas non plus déménager les agents qui s’en occupent.
Quelle est votre réaction face aux préconisations du rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques (non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois et allongement du temps de travail) ?
Cela fait trente ans que je lis les rapports de la Cour des comptes et cela fait trente ans que je lis la même chose : « Il faut baisser la dépense publique, le nombre d’emplois… » Ses préconisations restent des préconisations. Cette cour, totalement indépendante, produit parfois des rapports créant des anxiétés énormes. Nous écoutons ses avis, mais la politique, c’est faire des choix en fonction des contraintes.
Etes-vous satisfaite de la qualité du dialogue social que vous entretenez depuis deux ans avec les syndicats ?
Oui. Je trouve les syndicats extrêmement responsables et raisonnables. Ils connaissent l’état de la France, la réalité des comptes publics, les difficultés financières des employeurs… Ils ont des revendications, elles sont entendues, et si l’on ne les prend pas toujours en compte, ils continuent. Ce qu’ils n’aiment pas, c’est le discours dominant extrêmement libéral, antidépense publique, qui conduit à fracturer la société. L’action publique sert-elle au développement du pays ? J’en suis convaincue mais c’est un débat à reconquérir.
« La Gazette » et Cattalyse lancent leur troisième baromètre sur le bien-être au travail auprès des fonctionnaires. Considérez-vous que celui-ci s’est amélioré malgré les réformes successives ?
J’ai hâte de voir les résultats de votre baromètre. Ils me seront utiles notamment dans le cadre de la négociation que je conduis sur l’amélioration de la qualité de vie au travail qui doit permettre de restaurer un dialogue au sein des services et de redonner la parole aux agents par le développement de démarches participatives et collectives.
FOCUS
Création d’un lieu d’échanges
Une table ronde de la conférence sociale des 7 et 8 juillet portera sur l’accompagnement des réformes territoriales par le dialogue social. « Il faut trouver une façon de traiter le dialogue social de manière plus locale afin de lever les inquiétudes sur les réformes territoriales », insiste-t-on dans l’entourage de Marylise Lebranchu. Cette table ronde sera présidée par la ministre. Et Patrick Jouin, ancien directeur général des services de la région Pays de la Loire, a été désigné comme facilitateur des débats.
Un rapport sur l’avenir des services publics, qui doit être présenté le 25 juin par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (ex-Centre d’analyse stratégique), servira de base aux discussions, lesquelles doivent aboutir à l’élaboration d’un agenda social. Le ministère souhaite notamment lancer, dès la rentrée, la création, au sein du Conseil commun de la fonction publique, d’un lieu d’échanges sur les réformes concernant les fonctionnaires, mais pas forcément tous les versants.
Un rapport sur l’avenir des services publics, qui doit être présenté le 25 juin par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (ex-Centre d’analyse stratégique), servira de base aux discussions, lesquelles doivent aboutir à l’élaboration d’un agenda social. Le ministère souhaite notamment lancer, dès la rentrée, la création, au sein du Conseil commun de la fonction publique, d’un lieu d’échanges sur les réformes concernant les fonctionnaires, mais pas forcément tous les versants.
Pourquoi la réforme territoriale inquiète les fonctionnaires territoriaux
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Cet article est paru dans
Le Club Ressources Humaines
Ça y est ! Les deux projets de loi relatifs à la réforme territoriale ont été présentés au conseil des ministres du 18 juin. Celui sur les compétences, discuté au Parlement à partir du mois d’octobre, suscite déjà nombre d’inquiétudes chez les agents.
Marylise Lebranchu a beau se vouloir rassurante, affirmant à « La Gazette » « qu’aucun agent transféré n’y perdra », le message passe mal. La ministre balaye d’un revers de la main les arguments des syndicats, même s’il est vrai que certains d’entre eux ne font pas dans la nuance en dénonçant une remise en cause des conditions de travail, des rémunérations ou de l’affectation des agents.
Personnels sociaux - Quelque 90 000 agents départementaux (collèges, routes, transports) vont être transférés en 2017 aux régions. Une échéance rapprochée qui n’inquiète pas trop, notamment car le régime indemnitaire est souvent plus favorable dans les conseils régionaux !
Le transfert des personnels des routes ne sera pas, lui, de tout repos car ces derniers possèdent une culture et une organisation bien différentes de ce qui prévaut dans les régions. Mais ce sont surtout les différents personnels sociaux qui se trouvent dans l’expectative, ne sachant même pas à qui ils seront transférés. Aux intercommunalités ? Oui, sauf quand elles seront trop petites. Dans ce cas, à qui ? A l’Etat, par le biais d’agences, à une survivance du conseil général, aux caisses d’allocations familiales pour le RSA, etc. ?
Au final, beaucoup d’incertitudes. Et que dire des services ne relevant pas des compétences obligatoires du département, comme les crèches par exemple ? Quid de leur pérennité et de leurs personnels ?
Cour des comptes - Le moral de l’encadrement n’est pas non plus au beau fixe. Les cadres intermédiaires s’interrogent sur leur sort et leur utilité dans des structures plus petites. Dans ce climat déjà morose, la nouvelle charge de la Cour des comptes contre les dépenses locales, dans son rapport du 17 juin, ne fait rien pour arranger les choses.
Prônant des mesures drastiques pour « maîtriser la masse salariale », la cour appelle à ne remplacer qu’un fonctionnaire territorial sur trois partant à la retraite et à allonger le temps de travail. Et les magistrats d’enfoncer le clou en jugeant que le gel du point d’indice constitue une « mesure nécessaire mais pas suffisante ».
Même si elle est bienvenue, la création par le gouvernement d’un lieu d’échanges sur l’accompagnement des réformes territoriales par le dialogue social, dans la foulée d’une des tables rondes de la conférence sociale des 7 et 8 juillet, risque de ne pas suffire pour lever toutes les inquiétudes.
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Ça y est ! Les deux projets de loi relatifs à la réforme territoriale ont été présentés au conseil des ministres du 18 juin. Celui sur les compétences, discuté au Parlement à partir du mois d’octobre, suscite déjà nombre d’inquiétudes chez les agents.
Marylise Lebranchu a beau se vouloir rassurante, affirmant à « La Gazette » « qu’aucun agent transféré n’y perdra », le message passe mal. La ministre balaye d’un revers de la main les arguments des syndicats, même s’il est vrai que certains d’entre eux ne font pas dans la nuance en dénonçant une remise en cause des conditions de travail, des rémunérations ou de l’affectation des agents.
Personnels sociaux - Quelque 90 000 agents départementaux (collèges, routes, transports) vont être transférés en 2017 aux régions. Une échéance rapprochée qui n’inquiète pas trop, notamment car le régime indemnitaire est souvent plus favorable dans les conseils régionaux !
Le transfert des personnels des routes ne sera pas, lui, de tout repos car ces derniers possèdent une culture et une organisation bien différentes de ce qui prévaut dans les régions. Mais ce sont surtout les différents personnels sociaux qui se trouvent dans l’expectative, ne sachant même pas à qui ils seront transférés. Aux intercommunalités ? Oui, sauf quand elles seront trop petites. Dans ce cas, à qui ? A l’Etat, par le biais d’agences, à une survivance du conseil général, aux caisses d’allocations familiales pour le RSA, etc. ?
Au final, beaucoup d’incertitudes. Et que dire des services ne relevant pas des compétences obligatoires du département, comme les crèches par exemple ? Quid de leur pérennité et de leurs personnels ?
Cour des comptes - Le moral de l’encadrement n’est pas non plus au beau fixe. Les cadres intermédiaires s’interrogent sur leur sort et leur utilité dans des structures plus petites. Dans ce climat déjà morose, la nouvelle charge de la Cour des comptes contre les dépenses locales, dans son rapport du 17 juin, ne fait rien pour arranger les choses.
Prônant des mesures drastiques pour « maîtriser la masse salariale », la cour appelle à ne remplacer qu’un fonctionnaire territorial sur trois partant à la retraite et à allonger le temps de travail. Et les magistrats d’enfoncer le clou en jugeant que le gel du point d’indice constitue une « mesure nécessaire mais pas suffisante ».
Même si elle est bienvenue, la création par le gouvernement d’un lieu d’échanges sur l’accompagnement des réformes territoriales par le dialogue social, dans la foulée d’une des tables rondes de la conférence sociale des 7 et 8 juillet, risque de ne pas suffire pour lever toutes les inquiétudes.
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